Publié le 26 Jan 2013 - 10:00
POGROMS MALIENS, SALAFISTES, «MENACES» AU SÉNÉGAL...

La guerre des amalgames et des ricochets

 

Alors que la France mène une guerre de procuration au Mali, des voix politiques et religieuses mettent de l'huile sur le feu dans notre pays en espérant l'émergence d'une ambiance terroriste, qui ferait pourtant le jeu de forces encore plus obscures que les salafistes que l'on stigmatise sans raison objective.

 

 

La situation de guerre qui prévaut au Mali depuis plusieurs mois, accentuée par le déclenchement rapide des hostilités entre groupuscules se réclamant de la Charia islamique d'une part, et les forces militaires françaises suppléées par ce qui reste de l'armée malienne d'autre part, semble devoir trouver des prolongements théoriques au Sénégal, voisin immédiat. Du président de la République lui-même à quelques ministres du gouvernement en passant par des marabouts, d'anciens chefs de l'armée, d'experts-commentateurs pas toujours prudents sur la réalité complexe de ce qui se passe dans le Nord-Mali, on semble s'être déjà placé dans une perspective inévitable, celle de la transposition future du drame malien en banlieue dakaroise et dans les zones poreuses de nos frontières.

 

Des avis des uns et des autres, il semble y avoir une volonté déterminée de construire et d'entretenir à tout prix une ambiance terroriste à partir de laquelle certains (le pouvoir principalement, mais aussi des chefs religieux dé-crédibilisés, des officiers à la retraite en quête de nouveaux maroquins, des analystes médiatiques, etc.) auraient alors le droit de tout faire dans ce pays. Pour mille et une raisons et toutes proportions gardées, des politiciens souhaiteraient exactement revivre, dans notre pays, des moments chauds comme ceux du 11 septembre 2001, quand Georges W. Bush et ses conseillers prirent en otage les États-Unis et toutes les lois américaines, quelques minutes seulement après l'effondrement des tours jumelles du World Trade Center.

 

On ne soulignera jamais assez, pour les condamner, les pratiques abominables des aventuriers qui ont essaimé dans le Nord-Mali pour y mettre en pratique des procédés de violation de la dignité humaine indignes de la cause pour laquelle ils ânonnent militer. Il n'est pas superflu d'ailleurs, loin de là, que les militants et organisations des droits humains et toutes autres bonnes volontés influentes saisissent les juridictions internationales compétentes afin que les fauteurs d'exactions ne restent pas impunis. Mais après ?

 

Parmi tous les hérauts locaux qui disent vouloir éviter le chaos malien au Sénégal, rares sont ceux qui s'interrogent, par exemple, sur les responsabilités fondamentales de la France dans le développement et la consolidation du drame malien. On semble même vouloir oublier que la classe politique française, enjambant l'artificiel clivage gauche/droite, a remis en cachette ses habits de canonnier colonial faisant la pluie et le beau temps partout où «le devoir de solidarité avec nos amis africains» l'interpelle. On ne veut rien savoir sur les connexions existantes entre la France et les nationalistes Touaregs, la seule communauté vraiment organisée dans le tissu des rébellions du Nord-Mali. On grossit à dessein «les menaces» de groupuscules islamistes pourtant jugés inaptes à soutenir de vrais combats de guerre. En fin de compte, on se demande si la France n'a pas instrumentalisé ces gueux en kalachnikov pour créer les conditions du chaos, pouvoir débarquer dans le Sahel en toute légalité et y rester le temps qu'il faudra pour sécuriser ses intérêts miniers. Mais ensuite ?

 

Pendant ce temps, sur le carré sénégalais, tout passe. On organise par presse interposée la stigmatisation de musulmans qui ont le tort d'être des «salafistes» sans histoires avec leurs défauts personnels. On appelle de façon à peine voilée au rafle d'étrangers (musulmans bien sûr) séjournant régulièrement dans notre pays et dont la faute est d'être des barbus habillés en pantalons qui s'arrêtent aux chevilles. On incite, in fine, à la dénonciation de voisins «suspects»... On se croirait dans le Munich des années 30 et la préparation de la «solution finale» contre les Juifs... Le problème est que notre pays se trouve dans une situation économique et financière difficile, qui exige un peu plus d'imagination et de savoir-faire et un peu moins de stéréotype que d'habitude. On voudrait reléguer des engagements sociaux forts à d'autres époques où l'on vendrait l'emballage du terrorisme pour gagner du temps. Et à des marabouts, on donnerait également du...temps pour reconstruire leur crédibilité perdue dans les méandres de compromissions accumulées. Le Gamou 2013 semble d'ailleurs en avoir été une bonne occasion.

 

MOMAR DIENG

 

 

 

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