Publié le 17 Mar 2023 - 13:40
POURSUIVI POUR DIFFAMATION PAR MAME MBAYE NIANG

Les avocats d’Ousmane Sonko obtiennent un troisième renvoi

 

Ousmane Sonko et Mame Mbaye Niang se feront face, le 30 mars, en audience spéciale. L’affaire, qui devait être jugée hier, a été renvoyée à cette date, à la suite de la requête des avocats de la défense. Les débats se sont tenus dans une ambiance tendue, provoquant de multiples suspensions d’audience.

 

L’affaire opposant Ousmane Sonko à Mame Mbaye Niang a connu, hier, un troisième renvoi. Les avocats de la défense ont demandé ce renvoi pour deux raisons. D’abord, pour la constitution de trois nouveaux avocats. Ensuite, l’état mental du prévenu, de surcroît leader du Pastef qui a été gazé dans son véhicule, ainsi qu’un de ses conseils, en l’occurrence Me Ciré Clédor Ly. D’ailleurs, ce dernier, à la suite d’un malaise, a été évacué à l’hôpital.

Avant d’en arriver à ce renvoi, l’ambiance a été électrique dans la salle 3 qui abrite les audiences de la chambre correctionnelle. L’accès de l’accusé à la salle a été difficile. C’est sous escorte de la Brigade d’intervention polyvalente (BIP) qu’il est arrivé au tribunal, après des échauffourées entre ses soutiens et les forces de l’ordre. Ousmane Sonko a été extirpé d’abord de sa voiture puis embarqué dans une voiture de la BIP, en exécution d’un mandat d’amener délivré par le juge, direction : le tribunal. Un traitement que l’un de ses avocats, Me Ousseynou Fall, a déploré.

C’est pour cela d’ailleurs qu’il a demandé un renvoi et a refusé également que l’affaire soit jugée en la présence de forces de l’ordre encagoulées. En effet, ces soldats étaient bien visibles hier à la salle 3.  ‘’Notre client a été littéralement tabassé et blessé. Les forces de l'ordre voulaient le mettre de force dans un véhicule de la BIP. Notre confrère Me Ciré Clédor a été gazé. Il est hors de question que cette audience se tienne. Si vous tenez cette audience, vous serez complice de forfaiture’’, a tonné l’avocat.

Maitre Ciré Clédor Ly, qui  est apparu très affaibli dans la salle, a été aidé par ses confrères. L’avocat a embouché la même trompette que Me Fall et a déclaré : ’’La décision qui a été retenue, c'est de plaider le dossier aujourd'hui. Il était convenu comme d'habitude que je devais être au plus tard à 8 h au domicile de mon client. Je vous demande de simples constatations matérielles. Examinez les habits de mon client. Si j'enlevais ma robe, vous verrez  aussi des traces. On nous a empêchés de continuer notre chemin. J'ai été gazé directement dans le nez, alors que j'étais dans le véhicule de mon client. Depuis, je n'arrive pas à ouvrir les yeux. C'est moi qui devais ouvrir les débats. Je suis dans l'impossibilité de le faire. Ousmane est aussi dans un état psychologique qui ne lui permet pas de répondre à vos questions. Je pense que ma demande sera acceptée. Nous avons encore le droit de plaider le renvoi pour avoir une décision équitable. Vous dispensez à notre client l’obligation de comparaître à la prochaine audience.’’

En effet, les avocats de la défense n’ont pas manqué d'arguments hier pour faire renvoyer le procès. Car, au-delà des débordements notés dans la matinée d’hier, il y a le fait que trois nouveaux avocats sont constitués dans cette affaire. L’un d’eux, un Burkinabé, dit n’avoir pas eu le temps d’échanger avec Ousmane Sonko.  ‘’Mon client a été séquestré. Je suis arrivé hier, je n'ai même pas pu le rencontrer. Je sollicite le renvoi. Je suis triste, lorsque je vois mon client dans cet état, mon confrère dans cet état. La comparution n'est pas obligatoire. Pourquoi le brutaliser ?’’, s’est-il demandé.

Sonko : ‘’En quoi un dossier ordinaire nécessite-t-il tout ce déploiement ?’’

Le juge ayant autorisé Ousmane Sonko à prendre la parole sur sa demande, ce dernier s’est voulu virulent. ‘’Les dernières 48 heures ont été très difficiles pour moi et ma famille. Mes enfants ont été empêchés de sortir. Il n'y a aucun arrêté ou décision qui justifie la présence de la police dans mon domicile. J'ai quitté à temps pour venir ici. Je l'ai dit et redit : personne ne m’imposera un itinéraire. Je voulais passer par l'avenue Cheikh Anta Diop. Au nom de quoi la police va m’imposer un trajet ?’’.

Il ajoute à l’intention du juge : ‘’Vous avez dit que c’est un dossier ordinaire. En quoi un dossier ordinaire nécessite-t-il tout ce déploiement ? Un régime qui ne compte que sur les FDS et tous ces petits politiciens ici…’’ Il ne terminera pas sa phrase. Il est coupé par des cris de protestation faibles de la salle. ‘’Il n'y a pas d'institution dans ce pays. Est-ce que vous pensez, Monsieur le Juge, que Macky Sall est une institution ?’’, conclut-il. Son dernier propos provoque une cacophonie et l’audience connaît une autre suspension.

En effet, il y a eu une vive altercation entre les soutiens d’Ousmane Sonko et ceux de Mame Mbaye Niang. D’ailleurs, l’un des gendarmes présents dans la salle a dû faire dans la menace pour les calmer. ‘’Ne m’obligez pas à vous sortir’’, leur a-t-il dit. Le calme a pu être retrouvé et le leader de Pastef a profité de ce moment pour remercier ses partisans.

Les débats n’ont pu reprendre qu’au bout de deux heures de suspension.

Mame Mbaye Niang : ‘’Depuis quatre mois, on me diffame’’

Face à l’obstination des avocats de la défense pour que l’affaire soit renvoyée, ceux  de la partie civile s’en sont tenus à leur volonté de voir l’affaire jugée hier. Pendant que Me Bamba Cissé informait le tribunal de l’état de santé de son client qui était en train d’être examiné, Me El Hadj Diouf a bondi de son siège pour crier : ‘’Un tribunal n'attend pas. Celui qui doit être jugé doit être à la disposition du juge. C'est du jamais vu dans l'histoire de la justice. On s'oppose fermement au renvoi.’’ Il n’y pourra rien. Sonko se faisait examiner par une équipe de médecins dépêchée au tribunal de Dakar.

Tout comme Ousmane Sonko a eu l’opportunité de le faire, Mame Mbaye Niang, plaignant dans cette affaire de diffamation qui l’oppose au leader de Pastef, a eu l’opportunité de s’exprimer. ‘’Je suis venu ici parce que je crois en cette institution. Ma compréhension de la loi est que tout citoyen qui doit venir au tribunal doit se donner les moyens d’y accéder paisiblement. On m'a tracé mon itinéraire et je viens à l'heure. Depuis quatre mois, on me diffame’’, affirme-t-il en sollicitant que l’affaire soit jugée.

Me Fall refuse de quitter la salle d’audience

Maitre Ousseynou Fall campe sur sa position et crée un autre incident en soutenant que ‘’cette justice doit être rendue dans un climat de sérénité’’. Irrité par de tels propos, le juge lui retire la parole et l’invite à sortir de la salle. L’avocat, soutenu par ses confrères, lui oppose un refus catégorique. Le juge a dû, une fois encore, suspendre l’audience pendant un quart d’heure.

A la reprise des débats, c’est, cette fois-ci, au maître des poursuites de s’opposer au renvoi du dossier. ‘’La dernière fois, le dossier était déjà en état. Malgré les faits qui se sont déroulés en dehors de votre barre, la défense a encore demandé un renvoi’’, a déploré le substitut du procureur de la République. Pour lui, ‘’les droits de la défense ne sont nullement violés dans ce dossier. Sonko est suffisamment représenté. Ce n’est pas parce qu’un avocat s’est constitué qu’on doit le renvoyer’’.

Maitre El Hadj Diouf est du même avis. Il déclare qu’une demande de renvoi doit être motivée. ‘’Ce dossier est en état d’être jugé. Je viens de me constituer. Nous avons une procédure en diffamation. Ce n’est pas une affaire compliquée. Nous nous opposons à tout renvoi. Notre pays est pris en otage. Mes enfants ne sont pas allés à l’école. Il faut avoir le courage de juger’’, tonne-t-il.

Mais le juge ne les suivra pas. Non pas parce qu’il a été convaincu par les avocats de la défense quant aux motifs de renvoi évoqués, mais plutôt par l’ambiance dans la salle. ‘’Je sais rendre la justice dans l’élégance et la courtoisie. Nos concitoyens sont en train de nous observer et de nous juger. Je vous ai laissé faire depuis ce matin, mais ça suffit. On ne peut prendre une décision normale dans cette situation’’, déclare le juge.

Il décide ainsi de renvoyer l’affaire au 30 mars. Elle sera jugée en audience spéciale.

ME ÉTIENNE NDIONE, AVOCAT DE SONKO

‘’D’après le certificat médical du médecin, Sonko ne pouvait pas revenir dans la salle’’

‘’D’après l’article 389 du Code de procédure pénale, les avocats peuvent demander jusqu’au 3e renvoi et le tribunal ne pouvait pas refuser ça. Au-delà, notre client a été malmené. Des avocats se sont proposés de venir plaider pour lui. Il s’agit d’un Franco-Comorien et d'un Burkinabé. Tout le monde sait qu'Ousmane Sonko était privé de sortir de chez lui et personne ne pouvait le voir, et les avocats sont arrivés hier. Le nouvel avocat dit avoir reçu le dossier, mais n’a pas vu son client pour discuter avec lui. C’est ainsi que l’avocat Guy Hervé a demandé le renvoi pour avoir le temps de discuter avec son client et de préparer sa défense.

Mame Mbaye Niang a quitté chez lui tranquillement pour venir au tribunal. Ni la police ni la gendarmerie ne lui ont indiqué la voie à prendre. Ousmane Sonko sort de chez lui, on lui demande de prendre la Corniche et Sonko a refusé pour des raisons de sécurité. Avec l’aide de Guy Marius Sagna, il a rejoint une autre voiture et c’est là-bas qu’il a été gazé. Il est atteint avec l’avocat Clédor Ly. On a malmené notre client. Avec son état de santé et celui de Maître Clédor Ly qui sont catastrophiques, l’audience ne pouvait plus avoir lieu. D’après le certificat médical du médecin, Ousmane Sonko ne pouvait pas revenir dans la salle.’’     Avec Seneweb

MAGUETTE NDAO

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