Publié le 8 Apr 2024 - 14:09
PRISE EN CHARGE DES ENFANTS SOUFFRANT D'AUTISME

Le cri du cœur et les pistes de solution d'une maman

 

Pour pousser l'État à mieux prendre à bras le corps la question de la prise en charge des personnes vivant avec l'autisme qui coûte cher, Aïssatou Diallo Camara, maman de deux enfants qui souffrent de cette pathologie, a décidé de prendre le taureau par les cornes.

 

L'autisme est une maladie qui se caractérise par un trouble du développement qui se manifeste par une altération de la communication et des interactions sociales. Depuis des années, la dame Aïssatou Diallo Camara vit avec deux garçons autistes. Ce qui lui a poussé à faire une réflexion en ce qui concerne la prise en charge de cette maladie.

D'après elle, mettre au monde un enfant différent des autres ou ayant un handicap est une lourde épreuve qu’il est souvent difficile de surmonter. Les parents, dans cette situation, à l'en croire, ne mesurent souvent l’ampleur de la situation que lorsqu'ils y sont confrontés, car dans leur subconscient, cela n’arrive qu’aux autres.

‘’Le constat de la particularité de son enfant engendre beaucoup de controverses, de questionnements et de bouleversements pour un parent. Ce dernier est désorienté et ne sait pas comment s’y prendre pour aider et accompagner son enfant à s’épanouir dans la vie de tous les jours et dans la société. Cette prise en charge demeure un exercice difficile au Sénégal, car ce pays manque énormément de dispositifs et de ressources pour l’encadrement thérapeutique et l’éducation d’un enfant différent. Il faut peut-être rappeler qu’un enfant différent est celui qui n’est pas neurotypique (normal) et présente des signes de handicap majeurs’’, dit-elle.

Cependant, son analyse sur la prise en charge d’un enfant qui souffre des troubles du spectre autistique (TSA) au Sénégal et les contraintes auxquelles les parents d’enfants autistes font face se déclinent autour de plusieurs points. Elle parle de la difficulté dans la prononciation du diagnostic, du nombre limité de médecins spécialistes, notamment en pédopsychiatrie, du manque criant de paramédicaux (orthophoniste, ergothérapeute, psychomotricien, psychologue…), du déficit d’écoles spécialisées, des préjugés sociaux et du coût de la prise en charge.

"Aujourd’hui, l’accès à l’information permet à beaucoup de parents de détecter de façon précoce les symptômes de la pathologie chez leurs enfants, mais ces derniers ont énormément de difficultés à obtenir le diagnostic d’un spécialiste ou pédopsychiatre. Car, avoir une confirmation de la situation de leurs enfants, grâce à ce diagnostic est une étape préalable et primordiale pour leur prise en charge. Les enfants autistes sont suivis généralement par des médecins spécialisés en pédopsychiatrie et en neuropédiatrie. Mais force est de constater que ce corps médical est très restreint au Sénégal. En effet, on ne dénombre pas plus de trois pédopsychiatres sur toute l’étendue du territoire sénégalais et trois centres de pédopsychiatrie localisés dans les hôpitaux de Fann, Diamniadio et Thiaroye’’, souligne la maman.

Or, poursuit Aissatou Diallo Camara, ‘’la prise en charge médicale des enfants passe également par les soins des paramédicaux qui jouent un rôle majeur dans le dispositif d’accompagnement. Malheureusement, ils ne sont pas nombreux et ce sont souvent des étrangers qui offrent ces services’’.

Double casse-tête des parents : la scolarité et la prise en charge sanitaire 

Il s’y ajoute, selon ses dires, que la prise en charge scolaire des enfants autistes est une difficulté majeure pour les parents. ‘’Non seulement le dispositif scolaire est insuffisant au regard de la population autiste, mais les écoles qui se disent spécialisées sont confrontées à une insuffisance de personnel qualifié à même d’accompagner les enfants. Très souvent, c’est un ou deux éducateurs spécialisés qui pilotent la structure et le reste de l’équipe pédagogique n’a pas le niveau de compétences requis. Le problème de la formation se pose donc avec acuité dans ces structures’’, constate-t-elle.

C’est ce qui fait que les écoles sensibles à la situation des enfants autistes qui tentent de les intégrer en mettant en place un système d’éducation inclusive sont en butte au manque de personnel qualifié.

La dame révèle une autre contrainte de ces écoles : ‘’Elles ne bénéficient pas de l’encadrement qu’il faut du ministère de l’Éducation, car tout simplement, les inspecteurs de l’éducation ne sont pas assez outillés pour les évaluer et les orienter", renseigne Aissatou.

Tout cela rend difficile la prise en charge de ces enfants autistes qui doivent, en plus, subir les préjugés. ‘’Ils sont souvent stigmatisés et peinent à s’intégrer dans la société. Et les parents sont sujets à des critiques ou moqueries quant aux comportements de leurs enfants. Ce qui peut d’ailleurs fragiliser leur état psychologique les plongeant ainsi dans un état dépressif et de repli sur eux-mêmes. L’accompagnement d’un enfant autiste mobilise beaucoup de ressources financières de la part des parents à tous les niveaux médical et scolaire. Les soins médicaux et paramédicaux dans le privé coûtent cher, car le coût d’une prestation avoisine en moyenne vingt mille francs CFA l’heure. De plus, le coût de la scolarité dans les écoles spécialisées reste inaccessible pour la majorité des parents. En effet, les frais tournent en moyenne autour de soixante mille et trois cent cinquante mille francs CFA par mois’’, liste la maman.

Dans les hôpitaux publics, renseigne-t-elle, les coûts médicaux sont largement plus accessibles. Mais il subsiste un problème de taille : les médecins sont submergés et les listes d’attente très longues pour les rendez-vous. Dans ces cas, ‘’les enfants ne peuvent pas bénéficier d’un suivi rapproché et régulier dans le public’’, regrette-t-elle.

Des mesures pour améliorer la prise en charge

Ainsi, Aissatou Diallo Camara fait remarquer que les parents d’un enfant autiste au Sénégal font face à une montagne de difficultés. Elle préconise plusieurs mesures pour améliorer la prise en charge de ces enfants. D’autant que le Sénégal a ratifié toutes les conventions relatives aux droits à l’éducation des enfants.

"Nous proposons quelques esquisses de solution : un diagnostic de la situation des enfants différents ou handicapés au Sénégal, notamment les autistes qui permettrait de recenser les enfants, de dénombrer le corps médical et paramédical, lister les structures scolaires et apprécier les besoins à satisfaire pour un meilleur accompagnement, inciter les étudiants en médecine à s’investir dans le domaine de la pédopsychiatrie. Mais aussi, il sera question de créer des structures de formation qui prendraient en charge l’enseignement des paramédicaux (orthophonie, psychomotricité, ergothérapie…), en partenariat avec des écoles étrangères plus expérimentées dans ce domaine, encadrer et accompagner les écoles spécialisées, et ce, en renforçant les capacités des inspecteurs de l’éducation du ministère dédié, renforcer les structures d’accueil, les centres de pédopsychiatrie en termes d’infrastructures et de personnel qualifié, inciter les scientifiques à s’investir dans la recherche sur la pathologie de l’autisme", liste la dame Aïssatou.

CHEIKH THIAM

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