Publié le 19 Oct 2022 - 15:40
PRIX SOCRATES POUR SES ACTIONS HUMANITAIRES, VICE BALLON D’OR

Sadio Mané, Ballon de cœur 

 

Hier s’est tenue la cérémonie de remise du prix du Ballon d’Or France Football. L’international sénégalais est arrivé deuxième au classement, derrière Karim Benzema.

 

C’est un sacre dans le sacre. Le néo-Bavarois n’a pas seulement été élu deuxième au classement des meilleurs joueurs au monde établi par ‘’France Football’’, il est aussi vainqueur du trophée Socrates, prix remis pour la première fois à un joueur pour son engagement dans des projets sociétaux et caritatifs. Oui, effectivement, Sadio Mané est engagé à fond dans l’humanitaire. Son village natal, Bambaly, est aujourd’hui sorti de l’ombre pour s’exposer aux flashs des médias, à la faveur de l’investissement de son enfant prodige à ses côtés.

Cette récompense portant le nom d’un des fondateurs de la ‘’démocratie corinthiane’’, comme on a appelé ce mouvement politique des sociétaires brésiliens de São Paulo exigeant, en pleine dictature militaire, que chaque décision liée à la vie du club soit soumise au vote des footballeurs, ce prix va à Sadio Mané, aussi vrai que le foot se joue avec un ballon. Ces Paulistanos eurent à inscrire de manière audacieuse sur leurs maillots la phrase ‘’Je veux voter pour mon président’’. Ce qui avait irrité le général Figueiredo, Chef de la junte alors au pouvoir au Brésil, et marqué les esprits.

À sa manière, Sadio Mané a lui aussi mené son combat contre une dictature, celle-là terrible de l’égoïsme, celle du repli sur soi, celle du refus de la compassion. Sous les lustres du théâtre du Châtelet, en mondovision devant le gotha du football mondial, que nous murmurait-il, derrière son sourire généreux et son originalité vestimentaire dans un univers de nœuds papillon et de smokings empesés ? Le génial footballeur nous donnait des leçons de vie, jusqu’à cette barbante humilité qui le fait ramener à hauteur d’homme toute gloire pour mieux en faire apprécier la portée universelle. Il nous murmurait que la vie vaut bien la peine d’être vécue, à condition de ne pas la penser en monôme ; que chaque homme s’accomplit avec son frère…

Leader de la sélection nationale qui a amené au Sénégal sa première Coupe d’Afrique, il est l’exemple du sportif professionnel moderne, compétent et porteur de valeurs, incarnant une sorte de ‘’jihadisme de la vertu’’. Il donne l’exemple. Parti de Casamance, il est passé par Génération Foot, avant le circuit classique, Metz, puis Salzbourg, la ville d’un autre génie, Mozart. La symphonie de Sadio Mané part de là, montant crescendo en puissance au sein d’une élite dorée, jusqu’à atteindre les rives de la Mersey. Champion d’Angleterre, vainqueur de la Ligue des champions avec Liverpool, sa partition se joue maintenant, à 30 ans, dans la cour des grands, au sein du mythique club allemand du Bayern de Munich.

Sa célébrité, il ne la construit pas à coup de faits-divers. Ou alors, de manière inversée, de sorte que la clameur qui l’accompagne désormais ne soit le moins du monde pour flétrir quelques incartades, mais pour impressionner par sa générosité et sa compréhension de ce que devrait être une société de partage. Distingué ‘’honnête homme’’, l’attaquant n’a pas son pareil pour valoriser la sobriété, quand le clinquant et l’exposition de la renommée auraient pu inciter à l’apparat. Sous la brutalité des lumières médiatiques, son impassibilité feinte cache sans doute un permanent combat intérieur pour rester lui-même, pour ne pas se dénaturer face à l’oppression du paraître.

Mais sans doute qu’il n’en a-t-il simplement pas besoin et qu’à l’instar de tous les humanistes, son bonheur est dans celui des autres. Dans une société où la monnaie est le référent social majeur, il lutte aussi contre la dictature de l’argent-roi. Ses 650 millions F CFA par mois, ses royalties en produits publicitaires, ses contrats avec les équipementiers, ses prestations grassement rémunérées par des entreprises locales, ce monde féérique de la luxure monétaire ne semblent pas avoir prise sur lui. Ce qu’il en a montré, ce sont les investissements pour le lycée, l’hôpital, la mosquée, les bourses et ordinateurs aux élèves de son village. Ses vacances, il ne les passe pas en Floride, en Crête, sur les plages de la Costa del Sol espagnole ou sur une quelconque villégiature des Caraïbes, mais chez lui, dans le Balantacounda, près de ses amis d’enfance, jouant au foot sous la pluie…   

Cette nouvelle consécration de Sadio Mané sonne comme une éclaircie dans la grisaille d’un quotidien où la générosité est souvent absente. Cet homme a d’abord cru en lui-même avant de prétendre aider. Par son exemple, il nous invite à regarder les plus faibles de notre société, ceux à qui la vie n’a pas souri, les orphelins, les enfants dans la rue, les veuves, les pères de famille au chômage, les malades, les nécessiteux et tous ceux qui sont malheureux, très souvent, hélas, par le fait de leurs semblables.

AMADOU FALL

 

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