Publié le 9 Apr 2023 - 10:07
PRODUCTION DES HYDROCARBURES EN FIN 2023

Amadou Ba jette le froid sur le démarrage effectif

 

Le premier ministre a rencontré hier, pour la deuxième fois de l’année, le groupe élargi de concertation et de coordination des partenaires au développement du Sénégal (G50) pour discuter de la situation du pays et de l’état de la coopération.

 

‘’Les inquiétudes demeurent sur le démarrage effectif de la production des hydrocarbures en fin d’année 2023.’’ La petite phrase incluse dans le discours du Pministre, qui s’exprimait hier, lors d’une rencontre avec le groupe élargi de concertation et de coordination des partenaires au développement du Sénégal (G50), n’a pas fait suite à beaucoup de développements. Mais Amadou Ba vient remettre en cause quelque chose que l’on pensait acquis depuis plusieurs mois, le gouvernement ayant assuré à plusieurs reprises que les premiers barils verront le jour au deuxième semestre de l’année en cours.

Toutes les prévisions de croissance effectuées par le gouvernement et les partenaires du Sénégal intègrent les apports de l’exploitation des hydrocarbures à partir de la fin d’année 2023. Selon ces chiffres, ‘’l’économie nationale devrait bénéficier du démarrage de l’exploitation pétrolière et gazière. Ainsi, elle devrait s’inscrire à la hausse avec une croissance projetée à 8,8% contre une estimation de 4,2% en 2022’’, rappelle le Premier ministre.

Possible révision des prévisions

Fort des nouveaux doutes sur l’effectivité du démarrage de l’exploitation, Amadou Ba retient que ‘’les prévisions de croissance pourraient également faire l’objet d’une révision à la fin du premier semestre 2023 pour tenir compte de l’environnement international, de l’observation des six premiers mois de l’année ; et d’une meilleure appréciation de l’exploitation des hydrocarbures.’’

Ces interrogations interviennent alors qu’en février 2023, la compagnie British Petrolium (BP) qui pilote le projet Grand Tortue Ahmeyim (GTA) avec l’américain Kosmos Energy, en partenariat avec les compagnies pétrolières nationales de Mauritanie (SMHPM) et du Sénégal (Petrosen), a fait savoir qu’avec ses partenaires, elle compte développer d’autres puits pour maximiser l’exploitation de la phase 2 du projet.

L’exploitation du gaz et du pétrole est attendu comme un apport conséquent de recettes dans le budget du Sénégal. Dans le Document de programmation budgétaire et économique pluriannuelle (Dpbep) 2023-2025 du ministère des Finances et du budget, les prévisions annoncent des recettes de l’exploitation du gaz et du pétrole pour le Trésor public, évaluées à près de 887 milliards de FCFA.

En combinant les projets Grand Tortue Ahmeyim (Gaz) et Sangomar (pétrole), sur la période triennale, les recettes tablent sur un montant global de 887,68 milliards de FCfa réparti comme suit : pour la première année d'exploitation 2023, les recettes sont estimées à 59,16 milliards de FCfa, 327,28 milliards de FCfa pour 2024 et 501.24 milliards de FCfa pour 2025.

‘’Un programme avec décaissement avec le FMI’’

A côté de ces craintes sur les hydrocarbures, le chef du gouvernement a fait savoir aux partenaires financiers et techniques du Sénégal qu’en raison du ‘’durcissement des conditions financières dans la plupart des économies avancées et la rareté des ressources financières sur le marché sous régional’’, le Gouvernement envisage de conclure un programme avec décaissement avec le FMI (Fonds monétaire international), afin de renforcer la résilience des finances publiques et d’améliorer la gouvernance et la résilience socioéconomique.

Dans le détail, Amadou Ba estime que l’option d’un programme soutenu par le Mécanisme élargi de crédit (MEC) et la Facilité élargie de crédit (FEC) d’une durée d’au moins trois ans paraît la plus adaptée. En effet, ajoute-t-il, ce type de programme permettrait également au Sénégal de demander un financement au titre de la Facilité pour la résilience et la durabilité (FRD). 

Au terme de la mission du 8 au 14 mars 2023 d’une équipe du FMI à Dakar, le chef de mission, Edward Gemayel, avait annoncé que le Sénégal et le Fonds discutent des options potentielles pour un nouveau programme économique et financier soutenu par l’institution de Bretton Woods.

Jean-Marc Pisani : ‘’Il était important pour le Premier ministre de convier cette rencontre…’’

La rencontre d’hier est la deuxième du genre entre Amadou Ba et les partenaires financiers et techniques, après celle de janvier dernier. Ambassadeur de l’Union Européenne au Sénégal, Jean-Marc Pisani a représenté le groupe G50. Selon lui, ‘’dans ce contexte économique difficile, il était important pour le Premier ministre de convier cette rencontre, afin que les partenaires puissent au mieux ajuster leurs programmes et leurs efforts dans la direction voulue par le Gouvernement du Sénégal, afin d'avoir le plus d'impact possible sur la population''.

Certaines préoccupations ont été notifiées par le chef du gouvernement à ses partenaires, afin d’avoir des réponses adéquates sur ‘’les retards dans l’instruction des dossiers de marché et de paiement’’, la multiplicité des conditions préalables d’entrée du premier décaissement, ou encore la double revue en matière de passation des marchés (par les Cellules internes des ministères et la DCMP) et ceux des partenaires.

A moins d’un an de l’élection présidentielle du 25 février 2023, le Premier ministre a tenu, devant les partenaires, à recadrer le débat portant sur les accusations proférées à l’endroit du système de protection et des garanties des droits et libertés au Sénégal. En effet, souligne Amadou Ba, ‘’le Sénégal s’est résolument engagé à protéger les droits et libertés publiques en garantissant l’exercice de ceux-ci sous le contrôle permanent du pouvoir judiciaire.’’

Il en veut comme preuve qu’en 2022, ‘’sur 4 633 demandes de manifestation sur l’ensemble du territoire national, seules 136 ont été interdites, soit un taux de 2, 98%.’’

Amadou Ba nie des arrestations politiques

Le premier ministre a aussi nié toute velléité politique sur la vague d’arrestations visant des membres de l’opposition et principalement ceux du parti Pastef-Les Patriotes du principal opposant au régime, Ousmane Sonko. Selon Amadou Ba, ‘’faut-il le rappeler’’, ‘’les cas d’arrestations enregistrés sont liés à des délits de droit commun. Le Sénégal est pionnier en matière de respect des droits de l’homme et c’est ce qui lui vaut la place qui est la sienne au plan international.’’

Jeudi, Aliou Sané, coordonnateur de Y en a marre et Seydi Gassama représentant d'Amnesty Sénégal ont annoncé avoir pris part à une consultation du Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l'homme (HCDH) sur l'état de la démocratie et des Droits de l'Homme au Sénégal. Les deux membres de la société civile y ont soutenu que les risques d'instabilité qui pèsent actuellement sur le pays sont les conséquences de ‘’la volonté de troisième candidature immorale et inconstitutionnelle du président Macky Sall ; de l'élimination d'opposants politiques ; des détentions arbitraires d'activistes, de journalistes, de militants politiques etc. et de l'utilisation de nervis aux côtés des forces de sécurité régaliennes pour s'attaquer à des manifestants’’.

Lamine Diouf

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