La dextérité bien née

Depuis ses premiers pas à l’école primaire et élémentaire de la Patte d’Oie, Mamadou Male aimait se saisir d’un crayon pour reproduire en dessin tout ce qu’il voyait ou qui lui traversait l’esprit. Au fil des ans, ce jeu de gosse va finir par le rattraper. Et plus qu’une passion aujourd’hui, l’artiste vit aux dépens de sa dextérité innée.
Naïf comme la plupart des portraits et tableaux peints sous verre qui portaient son empreinte digitale, Mamadou Male ne s’était jamais aperçu de l’immense talent qu’il bradait ça et là. ''Il y avait des amis qui venaient me demander de reproduire pour eux des photographies en portraits. Je le faisais par passion parce que l’artiste banalise toujours son talent jusqu’au jour où il s’en rend compte à travers les autres'', reconnaît-il avec humilité. Toujours sollicité, l’artiste s’ennuie de rester assis à peindre des tableaux et faire des portraits pour d'autres qui font le pied de grue chez lui.
Tout le temps en déplacement, à la traîne d'un père technicien à la Société africaine de raffinage (SAR), il achève son cycle élémentaire à l’école de la gendarmerie de Mbao. Le lycée Jean de la Fontaine l’accueille pour un périple secondaire sanctionné par le Bfem. Dans ses habits de lycéen, à Kaolack, le jeune Male décroche un Bac série B en 1993 et atterrit à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. ''Ma première année universitaire à la Faculté des Sciences économiques était invalide. Et l’année suivante, je m’étais juste inscrit pour bénéficier de la bourse, dans le dessein de suivre des cours en informatique'', se souvient-il. Mais bien que sorti major de sa promotion en Informatique de gestion, sous la supervision de son professeur, l'actuel ministre-conseiller Abdoul Aziz Diop, Mamadou Male a toujours eu du mal à se départir de l’art, sa première passion.
Boosté par Katoucha Niane
Mamadou part ensuite rejoindre son père, en Arabie Saoudite, où il gagne sa vie en faisant de la sérigraphie dans les garages d’automobiles. Un an et demi plus tard, l’artiste rentre au bercail avec dans ses bagages l’idée de promouvoir le dessin sur tissu. Il réussit des merveilles avec les nappes de table qu’il confectionne pour une certaine Mélanie. Cette période coïncide avec la tendance des motifs sur le bazin. Une autre couturière n’hésite pas à louer ses services avant de le présenter en 2007 à l'ex-top model Katoucha Niane, aujourd'hui décédée. ''C’est grâce à Katoucha que j’ai eu confiance en mon talent de designer. Pour mon premier coup d’essai, elle avait exigé des dessins en relief. C’était une grande perfectionniste'', témoigne-t-il, sous le portait géant de l’ex-égérie des grands couturiers européens qui domine la pièce. Dans la foulée, Mamadou Male présente l’album souvenir de sa patronne, avec Coumba Gawlo Seck arborant une tenue signée Katoucha dont les motifs dessins portent la marque de son jeune designer.
Après le décès de Katoucha, Mamadou Male travaille dans la cour de sa maison sise à l’Unité 15 des Parcelles assainies. ''C’est ici, le Machala Art, où je confectionne toutes les commandes que me font des grands stylistes du Sénégal et d’autres particuliers qui me sollicitent pour des motifs sur des tissus qu’ils exportent au Mali, en Côte d’Ivoire et en France'', confie-t-il, sur un ton mitigé. Car l’artiste, qui cherche encore sa voie, attend le soutien salvateur de mécènes pour élargir son entreprise en exportant ses propres créations, plutôt que de gaspiller son talent au profit des couturiers qui tissent leurs toiles sur son dos.
ALMAMI CAMARA