Publié le 15 Nov 2019 - 20:15
RECOUVREMENT DE L’IMPOT A TOUBA

Le casse-tête des services fiscaux

 

A Touba, les opérateurs économiques se réfugient souvent derrière la classe maraboutique pour refuser de payer l’impôt.

 

Touba est, comme qui dirait, un no man’s land à l’intérieur du pays. Dans la capitale du mouridisme, c’est à croire parfois même que le monde fonctionne à l’envers, au vu de certains faits qui y sont légion. En plus d’être devenu un terreau fertile des bandits et autres malfaiteurs qui multiplient les actes criminels, la cité religieuse est désormais le paradis fiscal des délinquants économiques.

A Touba, rares sont d’ailleurs les opérateurs économiques qui s’acquittent du paiement de leurs impôts. La plupart d’entre eux se réfugient derrière la classe maraboutique pour se soustraire à cette obligation.

C’est pour endiguer cette situation qui constitue un manque à gagner énorme pour l’Etat central, que les services des impôts et domaines de Diourbel, en collaboration avec la Chambre de commerce, d’agriculture et d’industrie de ladite région, ont initié, hier, un atelier de partage sur la question, à l’attention des opérateurs économiques locaux. Une occasion saisie par un représentant du Centre régional des services fiscaux de Diourbel de regretter qu’à Touba, des gens se réfugient derrière des marabouts pour refuser de payer l’impôt.

L'impôt constitue, en effet, un des prélèvements obligatoires effectué par voie d’autorité par la puissance publique (l'État et les collectivités territoriales) sur les ressources des personnes vivant sur son territoire ou y possédant des intérêts. Au Sénégal, beaucoup de personnes ne s’acquittent pas de cette obligation, soit par négligence soit par méconnaissance. Pour corriger cet impair, la Chambre de commerce, d’agriculture et d’industrie de Diourbel a entrepris la capacitation de ses membres sur les impôts et les règles de commerce.

S’exprimant sur le recouvrement des impôts, Boubacar Dieng, contrôleur des impôts et domaines en service au Centre régional des services fiscaux de Diourbel, a déploré l’incivisme des acteurs économiques de Touba. ‘’Nous avons moins de problèmes à Diourbel et à Bambey. Mais à Touba, les gens se réfugient derrière les marabouts pour refuser de payer l’impôt. Ce qui constitue un manque à gagner énorme pour le budget de l’Etat. L’essentiel de l’activité économique de la région de Diourbel s’effectue à Touba, la ville la plus peuplée du pays après Dakar’’.

Boubacar Dieng, qui traitait le thème ‘’La fiscalité locale, les obligations fiscales annuelles des opérateurs économiques et des entreprises, la création et l’animation de centres de gestion agréés’’, est revenu sur les défis de l’Administration fiscale. ‘’Nous sommes en présence d’une matière très complexe qui est la fiscalité, parce que beaucoup de populations ignorent l’impôt, son utilité et la manière de la payer. Il y a d’énormes efforts qui ont été faits par l’Administration fiscale, par le Centre des services fiscaux de Diourbel. Mais je peux dire qu’il reste beaucoup de choses à faire à ce niveau-là, pour pousser les gens à venir déclarer et à payer leurs impôts’’, déclare-t-il. Soulignant ainsi que l’enrôlement des contribuables à Touba est un grand défi et aussi un grand problème pour le service des impôts. ‘’Nous sommes dans une région où, en termes de déclaration de paiement, les statistiques sont très faibles’’, déplore-t-il.

Revenant sur les objectifs fixés cette année au Centre régional des services fiscaux de Diourbel, Boubacar Dieng confie : ‘’On a un objectif de recette de 2 milliards et plus que nous peinons à atteindre chaque année. Pour les objectifs de l’année 2019, il nous reste 500 millions de francs Cfa. Les difficultés sont liées à la perception de l’impôt de manière générale dans les pays sous-développés, mais surtout de la région de Diourbel’’.

Afin de pallier ces manquements, le centre régional des services fiscaux a élaboré des stratégies. En plus des rencontres qui ont été initiées avec les acteurs économiques de Touba, les services des impôts ont entamé des recensements de masse à Touba.

Malgré tout, les résultats escomptés sont loin d’être atteints. C’est d’ailleurs ce qui pousse le docteur Amath Niang, conseiller du président de l’Ordre national des pharmaciens du Sénégal, à inviter les acteurs à un changement de paradigmes. Il faut, selon lui, changer de démarches dans le recouvrement des patentes. ‘’Je pense qu’il y a souvent abus d’autorité, parce que si la personne ne paie pas, le service des impôts ferme l’entreprise. Ce qui n’est pas souvent une bonne chose’’, soutient-il. Tout en relevant que seuls 85 000 Sénégalais supportent presque les impôts de 14 millions de populations.

BOUCAR ALIOU DIALLO

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