Publié le 2 Feb 2023 - 19:58
RELATIONS INTERNATIONALES, CONTRE-FEUX DU POUVOIR

Yewwi veut recentrer le débat sur les questions importantes 

 

Les leaders de la coalition Yewwi Askan Wi ont fait face à la presse, hier, pour évoquer la situation nationale et internationale.  

 

Le monde globalisé ne permet plus de se cantonner sur soi-même. Le Sénégal a des partenaires internationaux majeurs pour lui et pour qui le pays est également important. Fort de ce constat, la coalition Yewwi Askan Wi a décidé de ne plus laisser le président de la République porter seul la voix du Sénégal au sein de la communauté internationale. D’autant plus que, selon eux, la manière dont Macky Sall présente son opposition politique au concert des nations est alarmiste et suscite la méfiance  de ce dernier envers le profil des possibles nouveaux dirigeants du pays en 2024.  

‘’J’ai l’impression que les partenaires traditionnels du Sénégal ont peur de discuter avec l’opposition sénégalaise’’, alerte même Ousmane Sonko, lors d’un point de presse tenu hier par la Conférence des leaders de la coalition Yewwi Askan Wi. Le leader de Pastef/Les patriotes en tient comme illustration le fait que des correspondances de la coalition de l’opposition aient été envoyées à l’Union européenne et aux États unis ‘’pour discuter de la situation du pays’’ et que jusqu’ici, qu'il n'y ait pas encore de retour.

Ousmane Sonko salue le discours du pape François

Malgré cela, il existe des points encourageants pour les opposants, dans la perception faite par l’Occident du nouveau discours d’émancipation des peuples africains. Une déclaration allant dans ce sens a été faite, lundi, par le pape François à Kinshasa (RDC). Le souverain pontife, qui effectue son 40e voyage apostolique en Afrique, a prononcé un discours contre l’exploitation des ressources africaines qui ont engendré tant de conflits et de morts dans le pays. "Retirez vos mains de la République démocratique du Congo ! Retirez vos mains de l'Afrique ! Arrêtez d'étouffer l'Afrique. Ce n'est pas une mine à dépouiller ou un terrain à piller".

Le pape s’est ensuite désolé que le pays, et plus largement le continent africain, ‘’souffrent encore de diverses formes d’exploitation’’. Il a dénoncé le ‘’colonialisme économique’’ qui engendre le pillage des abondantes ressources : ‘’On en est arrivé au paradoxe que les fruits de sa terre le rendent ‘étranger’ à ses habitants. Le poison de la cupidité a ensanglanté ses diamants. C’est un drame devant lequel le monde économiquement plus avancé ferme souvent les yeux, les oreilles et la bouche.’’

Il n’y a pas que cette raison de se réjouir pour le maire de Ziguinchor.  S’il estime que le message du souverain pontife ‘’est bien reçu par tous les progressistes africains, tous ceux qui veulent d’une Afrique souveraine et connectée au monde, mais avec des partenariats gagnant-gagnant’’, Ousmane Sonko estime qu’au niveau multilatéral, des organismes internationaux se sont enfin intéressés à la situation au Sénégal et ont produit des rapports. Parmi ces travaux, celui du rapporteur spécial sur le droit  de réunion pacifique et la liberté d’association du groupe de travail sur la détention arbitraire et un rapport spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires ont été particulièrement évoqués par les membres de la Conférence des leaders de Yewwi.

Les organismes internationaux s’intéressent enfin à la situation au Sénégal…

C’est le leader du PRP, Déthié Fall, qui s’est chargé d’en lire quelques extraits. En effet, un passage analysant la période trouble d’avant élections législatives 2022 assure que  ‘’face à la mort de quatre manifestants, nous réaffirmons que le droit à la vie constitue une arme de jus cogens  et de droit international coutumier auquel aucune dérogation n’est autorisée en toutes circonstances, y compris dans les contextes de manifestations’’.

Dans le même document, les experts indépendants expriment ‘’également de graves préoccupations quant aux allégations d’interdictions de rassemblements pacifiques qui, si elles s’avéraient vraies, constitueraient des violations du droit à la liberté d’expression et d’opinion, et à la liberté de réunion pacifique, contrairement aux dispositions du Pacte international des droits civils et politiques, de la Charte africaine des Droits de l’homme et des peuples, et de la Constitution sénégalaise’’.

Un autre document évoqué par Ousmane Sonko est le rapport 2021 du département d’État américain sur le Sénégal. Le service américain chargé des relations internationales, évoquant la période trouble des évènements de mars 2021, relève que des signalements crédibles font état, entre autres, des problèmes importants dans le domaine des droits de la personne : ‘’Exécutions illégales ou arbitraires, y compris des exécutions extrajudiciaires commises par le gouvernement ou en son nom ; tortures et châtiments ou traitements cruels, inhumains ou dégradants commis par le gouvernement ou en son nom ; conditions carcérales très dures et délétères ; arrestations ou détentions arbitraires ; prisonniers ou détenus politiques ; graves problèmes d’indépendance du système judiciaire ; graves restrictions de la liberté d’expression et de la presse, y compris violences ou menaces de violences contre des journalistes, censure et incrimination de la diffamation ; graves actes de corruption dans le secteur public…’’

Un nouveau regard occidental sur l’Afrique

Toutes ces enquêtes, combinées aux débats qui se posent en Occident, montrent que la voix des jeunes Africains est en train d’être entendue hors du continent. Le débat entre députés français sur des contrôles nécessaires sur la convention d’entraide judiciaire entre la France et le Sénégal, pour qu’elle ne soit pas utilisée par casser de l’opposant ou museler des voix discordantes en est une autre illustration.  

Le leader du Pastef voit en ce nouveau regard sur l’Afrique un début de matérialisation de ses aspirations pour le continent noir. ‘’C’est cela que nous avons toujours dit, mais malheureusement il y a eu beaucoup de manipulations. Les Sénégalais et les Africains n’ont pas de problème avec la France ou les Occidentaux ; ils ont des problèmes avec des pratiques d’État. À chaque fois qu’ils (les Français) fermeront les yeux sur les exactions des leaders contre leurs peuples en Afrique, ils alimenteront un sentiment antifrançais’’, assure Ousmane Sonko.  

‘’Le seul problème du Sénégal, c’est la justice… et un général’’

Sur sa lancée, il a demandé à cette communauté internationale de dire au président Macky Sall qu’il ne peut pas avoir un troisième mandat, tout en précisant qu’il n’est financé, ni est en contact avec aucune puissance étrangère pour bénir sa candidature à la Présidentielle 2024. Ceci, en précisant que ‘’le seul problème du Sénégal, c’est la justice ! Si elle acceptait d’être équitable, au-dessus des contingences politiques, nous n’aurions plus de problème. Sans oublier un général qui continue à donner à Macky Sall des assurances qu’il peut continuer à mater tout le monde. Macky Sall devrait revenir à la raison et ne pas écouter ces pyromanes.’’

Les tensions politiques ambiantes ont été soulevées par d’autres leaders de la coalition, dont le président de la Conférence des leaders, Habib Sy. Selon lui, ‘’Macky Sall veut la paix de la force brandie au nom d’un clan de maîtres. (…) Et pour cela, il lui faut des moyens financiers et des moyens politico-judiciaires. (…) A Yewwi, la paix est la souveraineté brandie au nom d’un peuple de maîtres. Il faut que les ressources servent au peuple et non à un clan. Nos instruments sont la dénonciation et la résistance. Il n’y a que deux issues : soit Macky Sall comprend que la sécurité du pays transcende les lois et règlements,  soit il fait un forcing et ce sera le choix de l’implosion’’.  

Rapport Cour des Comptes : l’implication de la Haute cour de justice exigée   

Pour Aida Mbodj, le renvoi en Chambre criminelle d’Ousmane Sonko, le débat sur le TER ne sont que des contre-feux pour faire oublier les vraies questions importantes, dont le rapport de la Cour des Comptes sur l’utilisation des fonds pour la lutte contre la Covid-19. L’ancienne députée exige que la Haute  cour de justice se saisisse de cette affaire afin que les ministres épinglés aillent répondre.

‘’Ce qui s’est passé dans la gestion de certains fonds pour la lutte contre la Covid-19 est un crime. Des détournements qui engendrent des morts, c’est un crime. La question ne peut pas se limiter à un règlement dans les chambres de disciple. Les ministres ne sont pas des fonctionnaires, mais des gestionnaires des recettes et dépenses de leur ministère. Ils sont responsables de tout ce qui se passe dans leur département, aussi bien civilement que pénalement. Je parle en connaissance de cause. Il ne faut pas sacrifier des Dage’’, dénonce Aïda Mbodj.

Lamine Diouf

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