Publié le 19 Aug 2025 - 17:03
DÉPENSES DES INSTITUTIONS

Le cache-cache budgétaire qui dérange

 

Alors qu’on n’a pas fini de parler de la dissimulation d’une partie de la dette par l’ancien régime, le nouveau soustrait volontairement et sans explication des données essentielles du rapport trimestriel d’exécution budget. Des données qui, jusque-là, étaient rendues disponibles, même sous l’ancien régime.

 

La transparence occupe depuis quelques années une place centrale dans le débat public. Avec l’avènement du régime Diomaye-Sonko, ce débat a pris une tout autre tournure, avec les déballages autour de la dette publique. Alors que l’ancien régime évoque une question de méthode et d’ingénierie dont le but était d’emprunter aux meilleurs taux sur le marché, le nouveau parle de mensonge et décrète qu’il n’est pas question de démarrer le mandat sur de telles pratiques.

Depuis, on croyait que c’en était fini avec le cache-cache budgétaire. Mais aujourd’hui, plus que jamais, le régime persiste dans la rétention de certaines informations. Pire, dans le dernier rapport trimestriel d’exécution budgétaire pour le deuxième trimestre de 2025, des informations naguère divulguées par les régimes précédents ont été enlevées du rapport. Ce qui n’a pas manqué de soulever l’ire de certains partis et hommes politiques.

L’Alliance pour la citoyenneté et le travail (ACT) parle ‘’d’opacité’’ budgétaire, en faisant référence notamment à ‘’l’absence de la ventilation des dépenses par institution’’.

Selon les camarades d’Abdoul Mbaye, il s’agit-là ‘’d’un recul inacceptable de la transparence’’. 

Dans le même sillage, l’ACT dénonce l’absence ‘’du rappel des données 2024’’ qui ‘’pourrait masquer une volonté de cacher des évolutions aggravantes d’une année à l’autre’’.

L’opposition dénonce la dissimulation de certaines informations essentielles

Du côté de leurs voisins de l’opposition, le constat est presque identique. De l’avis de Pape Malick Ndour, expert attitré de l’Alliance pour la République (APR), dans ce nouveau rapport, la transparence a tout simplement été sacrifiée au sommet. ‘’La disparition de la ventilation des dépenses par institution (présidence, Assemblée nationale, primature et ministères) constitue une régression majeure. Elle empêche désormais de savoir ce que consomment réellement les plus hautes institutions de la République’’, a-t-il déclaré.

Or, il s’agit, selon son analyse, ‘’d’une obligation légale et morale pour un gouvernement qui prétend gouverner au nom du peuple. Refuser de publier ces annexes, c’est refuser de rendre des comptes et cultiver le secret autour de l’utilisation de l’argent public par les plus hautes autorités’’.

Il faut rappeler que par le passé, cette partie du rapport d’exécution budgétaire soulevait pas mal de polémiques, avec une attention accordée aux évolutions dans les budgets de la présidence et de la primature en particulier.

Pour l’ACT, il faut revenir à l’orthodoxie. ‘’L’ACT appelle au rétablissement intégral d’une transparence budgétaire’’’, indique le parti dans un communiqué.

En sus de cette question, le rapport a aussi été appauvri, selon Pape Malick Ndour, par la suppression d’autres informations clés. ‘’La rupture méthodologique opérée dans la rédaction du rapport est troublante. La suppression des informations sur les moins-values ou plus-values de recettes prive les citoyens d’un indicateur essentiel pour évaluer la performance du gouvernement en matière de mobilisation des ressources. Cette opacité délibérée ressemble à une stratégie d’évitement destinée à masquer les contre-performances éventuelles et à empêcher toute évaluation objective de la politique budgétaire’’, fustige le coordinateur de la Convergence des cadres républicains.

Silence sur l’exécution du budget des institutions

Tout en fustigeant ces manquements, les détracteurs du régime ont quand même salué le respect, pour cette fois, des délais impartis pour la publication des rapports d’exécution budgétaire.

Ce débat est, en tout cas, d’autant plus fascinant qu’il renvoie à toute la problématique de la dette cachée selon les uns, dissimulée selon les autres. Elle intervient dans un contexte où le gouvernement a initié d’importantes réformes pour renforcer la bonne gouvernance, notamment une loi sur l’accès à l’information.

‘’EnQuête’’ a essayé de joindre la responsable de la communication au ministère des Finances et du Budget, Mame Bator Touré, mais comme à son habitude, elle n’a pas répondu jamais aux sollicitations

Le fondement légal d’un exercice de transparence

Aux termes de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) de 2011, le gouvernement doit produire et transmettre régulièrement un rapport trimestriel d’exécution budgétaire et une loi de règlement annuelle retraçant l’exécution complète du budget.

Il ressort du Code de transparence dans la gestion des finances publiques (2012) que ‘’les citoyens doivent avoir accès à l’information budgétaire dans des délais raisonnables et sous une forme accessible’’. L’article 51 dudit texte prévoit dans le même esprit ‘’la publication périodique de rapports sur l’exécution du budget’’.

Ces textes nationaux s’inscrivent dans la même perspective que la directive n°06/2009/CM/UEMOA relative aux lois de finances. Selon cette disposition communautaire, le gouvernement doit publier un rapport trimestriel d’exécution du budget. La directive n°01/2009/CM/UEMOA portant Code de transparence de prévoir à son article 11 ‘’l’obligation pour les États membres de mettre à la disposition du public des informations fiables sur l’exécution budgétaire’’. Le texte communautaire ne s’en limite pas. Il exige la publication des informations relatives aux finances publiques, y compris les rapports d’exécution trimestriels et annuels.

Où sont passés les dons de la Chine annoncés en grande pompe ?

L’autre critique majeure formulée par les opposants au régime, c’est l’absence de soutien du Sénégal de la part de ses partenaires traditionnels. ‘’Le constat est brutal : zéro franc mobilisé sur les 45 milliards F CFA d’appui budgétaire prévus. Quant aux dons en capital, seuls 19 milliards ont été reçus, sur une prévision de 241,6 milliards. Autrement dit, les partenaires techniques et financiers tournent le dos à ce gouvernement’’, dénonçait le patron de la Convergence des cadres républicains.

Selon lui, cela dénote une ‘’absence de confiance’’ traduisant ‘’un isolement inquiétant du Sénégal sur le plan financier’’. Pour M. Ndour, ceci est ‘’la conséquence directe de choix économiques incohérents, de promesses non tenues et d’une gouvernance budgétaire qui manque de lisibilité’’.

Les détracteurs du régime regrettent, par la même occasion, une augmentation du train de vie de l’État, au moment où les investissements ne cessent de faiblir.

 Appelant le gouvernement à revoir ses choix budgétaires, l’Alliance pour la citoyenneté et le travail estime que cette trajectoire compromet tout simplement l’avenir. ‘’Cette gestion révèle un pouvoir qui entretient ses charges courantes au lieu de préparer l’avenir’’, indique le communiqué, qui ajoute : ‘’Le Sénégal risque l’asphyxie financière et l’isolement international, si des mesures courageuses ne sont pas prises.’’

Par Mor Amar

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