Publié le 14 Jun 2022 - 17:27
RENOUVELLEMENT DE LA MINUSMA

La transition impose ses conditions à l’ONU

 

Le Conseil de sécurité des Nations Unies a débattu, hier, sur le renouvellement du mandat de la Minusma, la mission onusienne de maintien de la paix au Mali, qui expire à la fin du mois (le 30 juin). Si officiellement, les parties malienne et onusienne tablent sur une nouvelle continuité de la collaboration, de grandes divergences persistent entre Bamako et le concert de nations.

 

Devant le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies (ONU), le ministre malien des Affaires étrangères et de la Coopération internationale Abdoulaye Diop a défendu la position du gouvernement de la transition, à l’occasion de l’examen, ce 13 juin, du rapport du secrétaire général des Nations Unies sur la situation au Mali.

D’emblée, il campe le décor et sa vision de la situation : ‘’Malgré le soutien international apporté depuis 2013, la situation sécuritaire (au Mali) n’a fait qu’empirer. L’insécurité qui était localisée dans le nord du pays s’est répandue au Centre avant de se propager sur tout le territoire et atteindre les pays voisins et même certains pays côtiers. C’est dire que les résultats atteints n’ont pas été à la hauteur des attentes des populations maliennes et de la région. Pour inverser cette tendance, le peuple malien a décidé de prendre son destin en main et de jouer pleinement sa partition.’’

Ceci dit, le ministre des Affaires étrangères estime que pour un renouvellement du mandat de la Minusma, il est essentiel qu’il soit centré sur la protection des populations civiles et l’appui au rétablissement de l’autorité de l’État sur l’ensemble de son territoire. Et le meilleur moyen d’y parvenir, selon Abdoulaye Diop, est que le mandat de la Minusma prenne ‘’obligatoirement en compte la montée en puissance des forces de défense et de sécurité du Mali, qui sont désormais en première ligne face aux groupes terroristes’’. Ensuite, le gouvernement du Mali souligne la nécessité d’une meilleure coordination des actions de la Minusma avec l’État malien, de manière à assurer une pleine efficacité dans l’accomplissement de son futur mandat. Le gouvernement du Mali souligne également la nécessité, pour la Minusma, de travailler étroitement et véritablement avec les autorités et les parties prenantes maliennes pour aider le Mali à protéger ses populations civiles et à restaurer son autorité sur l’ensemble de son territoire.

Montée en puissance des Fama

La mission onusienne de maintien de la paix est présente au Mali depuis 2013 et elle compte actuellement près de 15 000 Casques bleus et policiers. Toutefois, ses relations avec Bamako se sont dégradées au cours des derniers mois. Les cadres de la Minusma s’inquiètent de la considérable restriction du champ d’action de la mission. Surtout, les équipes onusiennes se voient refuser l’accès à de nombreuses parties du territoire. Dans le dernier le rapport du secrétaire général de l’ONU sur l’évolution de la situation au Mali, qui couvre la période du 30 mars 2022 au 31 mai 2022, l’institution a exprimé sa préoccupation sur l’intensification des opérations militaires et des présumées violations des droits humains, notamment à Moura où l’armée malienne, lors d’une opération, a annoncé la mort de 203 terroristes. Relevant la détérioration et la complexité du climat sécuritaire particulièrement dans la zone trifrontalière Liptako-Gourma, le rapport indique que ‘’la Minusma continue d'opérer dans un environnement de menaces asymétriques de plus en plus dangereux, douze Casques bleus de la Minusma ont été tués et 73 blessés, par rapport à 7 tués et 87 blessés au cours de la période du mandat précédent’’.

Le rapport anticipe également sur les effets négatifs du retrait des forces internationales dont Barkhane. Il s’agit du vide créé dans certaines zones, mais aussi la fermeture des voies d’approvisionnement. Il explique que la Minusma a besoin de Barkhane pour les vols de réassurance et le Mali devrait accorder des droits spécifiques de survol de son territoire.

Des accusations balayées par les autorités maliennes qui, à leur tour, ont partagé leurs observations sur le document produit par les enquêteurs de l’ONU. Ainsi, indiquent-elles, ‘’avec la montée en puissance des forces armées maliennes (Fama), des résultats probants ont été enregistrés sur le terrain, notamment : la neutralisation d’importants membres de Katibats terroristes, la récupération des matériels, la libération des localités du joug des terroristes, la destruction des sanctuaires terroristes et le retour de populations déplacées. Sur la dégradation de la situation sécuritaire dans la région de Ménaka, dont fait cas le rapport, il convient de signaler que ces actions, dues à l’infiltration de l’EIGS, sont circonscrites dans la zone des trois frontières’’.

La transition admet les restrictions et s’explique…

Les autorités expliquent les restrictions imposées à la Minusma comme une réponse à une série d’événements préjudiciables à la sécurité nationale du Mali. ‘’Nous avons constaté des violations répétées de notre espace aérien, y compris la surveillance de nos camps et de nos opérations militaires. Le gouvernement du Mali s’est ainsi vu obligé de procéder à la redéfinition du protocole sécuritaire du trafic aérien et leur objectif n’est pas d’imposer des restrictions à la Minusma avec laquelle le dialogue se poursuit et dont les demandes sont traitées avec attention et bienveillance’’, précise le gouvernement qui invite l’ONU à accorder à sa force au Mali les moyens adéquats pour la mise en œuvre pleine et entière de son mandat.

Sur les allégations de violations graves des Droits de l’homme faites par la Minusma, notamment les exécutions sommaires ou arbitraires, les disparitions forcées, les enlèvements, les détentions illégales, voire d’autres abus contre les enfants, lesquels seraient imputables aux forces de défense maliennes, le gouvernement malien déplore que le rapport de l’ONU n’indique aucune preuve ou tout au moins des indices concordants pouvant fonder cette imputabilité et orienter les enquêtes dans ces cas. Il dénonce des allégations ‘’surévaluées’’, ‘’tendancieuses, non recoupées’’ qui ‘’ne reflètent aucunement la réalité du terrain’’.  

Sur la présence de la force française, Abdoulaye Diop se veut clair. ‘’Dans le cadre du renouvellement sus-évoqué du mandat de la Minusma et la demande d’appui aérien de Barkhane, le gouvernement du Mali exprime son opposition ferme à l’intervention sur son territoire de la force française Barkhane, après la décision unilatérale de retrait de ladite force et la dénonciation par le Mali des accords de défense avec la France. Nous en appelons au respect de la souveraineté du Mali et des décisions prises par les autorités maliennes à cet égard’’.

Opposition ferme à l’intervention de Berkhane sur le territoire et l’espace aérien malien

Le gouvernement du Mali reste profondément préoccupé par la dégradation de la situation humanitaire due aux effets conjugués de plusieurs facteurs, notamment les sanctions de la CEDEAO et de l’UEMOA, les changements climatiques, la pandémie de Covid-19 et la guerre en Ukraine. De ce fait, il fonde l’espoir d’une levée très prochaine des sanctions qui frappent injustement les populations maliennes et qui affectent l’économie du pays, avec l’annonce de la mise en place d’un mécanisme de suivi en concertation avec le Comité local de suivi de la transition, comprenant les Nations Unies et l’Union africaine.

Le Mali 15 mai dernier, le Mali annonçait son retrait du G5 Sahel et de sa force militaire anti-djihadiste, formée avec la Mauritanie, le Tchad, le Burkina Faso et le Niger. Cette question a également été évoquée par le ministre des Affaires étrangères devant le Conseil de sécurité. Ceci pour dire qu’il s’agit d’une décision souveraine, ‘’en réponse aux violations des traités fondateurs de l’organisation, à la politique de deux poids, deux mesures et aux ingérences extérieures hostiles à l’égard d’un État membre fondateur. Le retrait du Mali a été formellement notifié aux instances du G5 Sahel’’.

Une des conséquences de ce retrait est que le G5 Sahel n’a plus vocation à intervenir sur le territoire malien.

Le renouvellement pour une année du mandat de la Minusma sera soumis au vote le 29 juin prochain. D’ici là, la situation reste tendue entre les Nations Unies et les autorités maliennes bien décidées à redéfinir leur collaboration avec la communauté internationale.

Lamine Diouf 

 

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