Publié le 8 Apr 2020 - 01:51
REPORT DE LA RENTRÉE SCOLAIRE

 Les enseignants appellent à des concertations

 

En Conseil des ministres, mercredi dernier, il a été décidé du report de la reprise des cours suspendus depuis quelques semaines à cause du coronavirus. La prochaine rentrée est fixée au 4 mai prochain. Encore un mois de vacances ! Les enseignants étalent leurs inquiétudes.

 

Élèves et étudiants au Sénégal ne retrouveront pas le chemin des classes avant au moins un mois. Au dernier Conseil des ministres, le président de la République, sur proposition des ministres de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur, a décidé de prolonger les ‘’vacances’’. Ainsi, la reprise des cours, initialement prévue le 6 avril, est reportée jusqu’au 4 mai prochain.

Joint par téléphone, le secrétaire général du Syndicat autonome des enseignants du moyen secondaire du Sénégal (Saemss), Saourou Sène, ne semble pas surpris. ‘’C’est une situation qu’il fallait envisager, parce qu’au regard de ce qui se passe dans les pays européens, il va sans dire que l’école risque de payer le plus lourd tribut de cette pandémie’’, se désole-t-il. Il affirme que la situation est telle que nul n’a le choix, même si ‘’le coronavirus ne laissera pas l’école indemne’’.

Ces ‘’vacances’’ s’imposent d’elles-mêmes. ‘’Dans des situations exceptionnelles, il faut un comportement exceptionnel et nous comprenons parfaitement la mesure prise par le gouvernement du Sénégal’’, ajoute M. Sène. Le secrétaire général du Syndicat des enseignants libres du Sénégal/Authentique, Abdou Faty, lui, semble dépité. Il dit prendre acte de la décision. ‘’Le président est le chef suprême des armées et naturellement il a le plein pouvoir, a des informations que nous n’avons pas. Il est vrai que nous tous, nous avons constaté que la pandémie est là et que la contamination naturellement est là. Il est impensable de mettre 5 millions d’enfants dans la rue’’, dit-il. Il reconnaît que cette décision aura, cela va de soi, un impact sur les enseignements-apprentissages. Ce qui pourrait peut-être évité, si des réajustements sont faits.

Ainsi, pour Saourou Sène, il faut ‘’aujourd’hui que l’on réoriente tout et la situation de prolongation de ces ‘’vacances’’ appelle à des concertations entre tous les acteurs pour qu’ils puissent prendre les meilleures mesures possibles’’. ‘’C’est une situation très déplorable, très catastrophique, mais à laquelle situation nous devons mettre un dispositif concerté, partagé et largement diffusé pour que chacun puisse savoir ce qu’il devra faire’’, suggère Saourou Sène.

Depuis l’annonce des premières vacances forcées, des propositions sont faites par divers acteurs pour occuper les enfants.

Mais pour M. Sène, tout ce qui a été fait jusque-là n’est pas tout à fait efficace. ‘’Le constat que nous avons fait, c’est que le gouvernement, via le ministère de l’Éducation, a initié des cours. J’ai vu un peu partout, dans les télévisions, des cours, mais c’est la catastrophe ! Pour la bonne et simple raison que certains de ceux qui donnent ces cours ne sont pas forcément censés le faire. Vous faites un cours pour un niveau bien déterminé, alors que les programmes sont très clairs, différents de la 6e à la terminale. Je crois que tout ce travail mérite d’être refait, que nous puissions discuter en tant qu’acteur de l’éducation avec notre ministre de tutelle pour prendre les meilleures mesures. Également, la question de la plateforme pose problème’’, dénonce-t-il.

Choisir entre le pire et le moindre mal

Aussi, pense Saourou Sène, ‘’on a une école laïque, démocratique et populaire. Mais les mesures qui sont envisagées et prises jusque-là sont des mesures qui ne peuvent concerner que les élèves qui sont en milieu urbain, alors que le caractère démocratique de l’école voudrait que quand le ministère de l’Éducation nationale prend une décision, que cette dernière puisse être appliquée à tous les établissements du Sénégal’’. Or, constate-t-il, dans beaucoup de localités dans le pays, il n’y a même pas d’électricité, ni d’Internet.

Un avis partagé par son collègue secrétaire général du SELS/A Abdou Faty qui argue : ‘’Il est vrai que le ministère de l’Éducation nationale a des plateformes où on trouve beaucoup de sujets, où il y a des enseignements-apprentissages en numérique. Il est également vrai que la plupart des enseignants n’ont pas d’ordinateur et il y a beaucoup d’enfants dans des localités où il n’y a pas d’électricité, de connexion. C’est un problème fondamental qui est là et qui sera très difficile à résoudre. Ou bien même si c’est résolu, c’est pour simplement une petite minorité d’enfants privilégiés de la ville où les parents sont au diapason des technologies et où on pourrait les accompagner dans les plateformes.’’

Il insiste pour dire que ‘’les mesures à prendre seront très difficiles. Ce qui complique la situation, est que les enseignants ne sont pas préparés à ça. Maintenant, la triste réalité les rattrape’’. Abdou Faty reste quand même optimiste et pense qu’on peut encore sauver les meubles. ‘’Nous attendons les autorités pour que l’on puisse ensemble voir entre le pire et le moindre mal que choisir. Est-ce que l’on va dérouler des enseignements-apprentissages sous forme de révision pour tout simplement les élèves de la ville et laisser les autres en rade ? Franchement, je ne sais pas, c’est la triste réalité’’, s’attriste Abdou Faty.

AIDA DIENE

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