La cacophonie s’installe à l’Ucad

Les étudiants ont répondu, hier, avec beaucoup d’enthousiasme, à l’appel pour la reprise des cours, après de longues vacances dues à la pandémie. Mais la rentrée a été différée pour des changements de dernière minute. C’est actuellement le flou et le Saes n’est pas au courant. C’est la cacophonie.
Après 6 mois d’arrêt des cours, à cause de la maladie à coronavirus, la reprise des enseignements suscite un grand engouement à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad). En cette matinée de mardi 1er septembre, date retenue pour le redémarrage, la porte centrale du campus social est prise d’assaut par des étudiants. Mais les vigiles restent intransigeants. La rentrée est presque refusée à tout le monde. Seuls les étudiants des écoles et instituts et ceux de la faculté de Médecine sont autorisés à franchir la porte pour récupérer leur convention de logement. Les étudiantes, elles, sont renvoyées à la cité Aline Sitoé Diatta (ex-Claudel) pour le faire. Quant aux autres étudiants des autres facultés, on les invite à se rendre au campus pédagogique ou de rentrer chez eux, car le campus social reste encore fermé.
Excepté l’administration du Coud, aucun service ne fonctionne. Les pavillons et les restos sont encore sous clés. Et c’est le même décor au campus pédagogique.
En effet, à la faculté des Lettres et sciences humaines, le hall des amphithéâtres A et B grouille déjà de monde. Les étudiants donnent l’air d’avoir hâte de la reprise. Mais, ici aussi, salles et amphis restent encore fermés. Et les professeurs sont introuvables. Les étudiants ne semblent toutefois pas s’inquiéter par cette situation. Ils savourent les retrouvailles. Les discussions entrecoupées d’éclats de rire et d’embrassades marquent l’ambiance dans la cour de la plus grande faculté de l’Ucad.
‘’L’ambiance du campus me manquait et c’est par curiosité que je suis venu pour voir ce qui se passe. On est resté six mois en faisant des cours en ligne, sans voir les profs et les camarades étudiants, et cela nous a beaucoup manqué’’, fait savoir Boubacar Camara, étudiant en Licence 1 biologie à la faculté des Sciences et techniques. Comme lui, tous les étudiants qui sont venus, ce matin, à l’université n’ont pu savourer que les retrouvailles. Les cours seront pour un autre jour. ‘’Les salles sont fermées et aucun professeur n’est venu. Il n’y a même pas d’affiche pour informer sur les emplois du temps. Je suis vraiment découragé et très déçu. On nous disait que tout est prêt, mais en réalité, tel n’est pas le cas’’, regrette Sékou Sané, étudiant en Master 1 anglais. ‘’Il n’y a rien de spécial. On est venu depuis ce matin, mais il n’y a pas de cours et on n’a aucune information sur la reprise ; même pas d’affiche pour les emplois du temps. Heureusement que durant ‘les vacances corona’, nous faisions des cours en ligne. On a reçu presque toutes les leçons. Il ne reste juste que les évaluations’’, renchérit Assaitou Yanga, étudiante en L3 au Département de philosophie.
Le contenu du plan proposé par les étudiants
Cette ambiance est due au report in extremis de la reprise, à cause d’un désaccord avec les étudiants sur le protocole qui a été proposé par le rectorat. Et c’est tard dans la nuit du lundi que les amicales des facultés et les autorités pédagogiques ont trouvé un nouvel accord. La rentrée a donc été différée, le temps de consolider la nouvelle formule.
‘’Pour les facultés à gros effectif, nous avons discuté avec les autorités pour que tout le premier cycle soit pris en compte. Il était prévu que seuls la Licence 3 et le Master 1 reviennent, mais nous avons considéré que ceux-ci ne sont pas prioritaires, parce que ce sont des anciens qui connaissent le système universitaire et qui maitrisent les nouvelles technologies. Alors que tel n’était pas le cas pour les L1 et L2 qui ne maitrisent pas assez le système et n’ont pas souvent les moyens de faire les cours à distance. Il fallait donc prioriser le premier cycle’’, explique Saidou Abdou Diop, membre de la Coordination des facultés de l’Ucad, par ailleurs coordonnateur du Collectif des écoles et instituts.
Et suivant ce plan de reprise proposé par les amicales des facultés, la priorité sera accordée au premier cycle qui devra redémarrer les cours au plus tard la semaine prochaine. De plus, dans ce nouveau protocole, il est question de la reprise en présentiel avec le respect du protocole sanitaire par les étudiants dans les deux campus (social et pédagogique).
Pour les grandes facultés, à savoir Lettres, Sciences, Droit et Sciences Economie, il est prévu de prendre en compte les spécificités de chaque entité, en responsabilisant les instances facultaires pour une programmation adaptée à la situation. Et à l’exception de la faculté des Sciences économiques qui doit d’abord finir le Master 1 de l’année 2018-2019, avant de préparer un plan de reprise, toutes les autres facultés vont entamer ou finaliser dès le redémarrage, les évaluations du semestre 1 du premier cycle.
Selon les membres du Collectif des amicales de l’Ucad, ce nouveau plan devra permettre de sauver l’année académique, en ne laissant aucun niveau ou cycle en rade. ‘’En tant que jeunes intellectuels, nous avons produit un plan de reprise dont nous avons discuté pendant une semaine et nous l’avons proposé aux autorités. Et c’est ce nouveau plan qui a été adopté et co-signé hier par les différentes amicales d’étudiants et le rectorat’’, se réjouit un membre du Collectif des amicales de l’Ucad.
Voix discordantes sur le nouveau plan de reprise
Chez certains étudiants, ce n’est pas le grand enthousiasme, avec ce nouveau protocole. En effet, le premier cycle composant le plus gros effectif de l’Ucad, l’on craint le risque de propension du virus sur le campus. Il y aura également le défi du respect de la distanciation requise. ‘’Le nouveau plan qui a été retenu hier n’est pas aussi pertinent, car on sait que les étudiants de la Licence 1 constituent le plus gros effectif de l’Ucad. Les faire revenir tous, en plus du reste du cycle, est un grand risque. Cela m’inquiète énormément, parce que ce sera impossible de respecter la distanciation. Je crois que la première formule était plus pertinente’’, pense Bachirou Diallo, étudiant en Licence 3 anglais.
C’est la même préoccupation chez certains professeurs. Pour beaucoup d’entre eux, le premier plan qui préconisait une reprise graduelle et bimodale reste le seul valable. Tout le reste n’est que distraction. ‘’Les boys ont investi les médias et ont bien communiqué pour dire qu’ils n’étaient pas d’accord avec le plan de reprise graduelle. Le recteur les a convoqués hier pour discuter d’un nouveau plan. Mais il sait pertinemment que tout cela n’est que de la politique. On les laisse faire leur show, donc. En tout cas, au niveau de la faculté des Lettres, nous avons déjà élaboré notre programme de reprise. Et rien n’y sera changé, car le planning de l’occupation des salles a déjà été adopté et confirmé. D’ici la semaine prochaine au plus tard, nous allons commencer les cours en présentiel, comme prévu avec les L3 et M1. Nous avons beaucoup d’enseignants qui présentent des comorbidités et on ne va pas prendre le risque de faire revenir tout le monde’’, confie un professeur, chef de département à la faculté des Lettres.
Plus étonnant encore, certains syndicats d’enseignants de l’Ucad affirment ne pas être au courant de ce nouveau plan. Joint par ‘’EnQuête’’, le secrétaire général du Saes (Syndicat autonome des enseignants du supérieur), Malick Fall, indique qu’il n’est pas au fait de ce nouveau protocole.
ABBA BA