Les élèves du public délogent ceux du privé

Pour partager la désolation et les inquiétudes qui les habitent, les élèves sont descendus hier dans les rues de la vieille cité, pour attirer l’attention des autorités. Après une assemblée générale au lycée Charles de Gaulle, ils sont allés déloger les élèves des différentes écoles privées du faubourg de Sor, avant d’être dispersés par des jets de bombes lacrymogènes de la police. Très déterminés pour sauver leur avenir fortement hypothéqué, les élèves des lycées et collèges de Saint-Louis promettent de revenir et d’intensifier la lutte dans les prochains jours.
Les nombreuses grèves des syndicats d’enseignants du moyen et du secondaire commencent à perturber le sommeil des élèves de Saint-Louis. Malgré l’appel des associations de parents d’élèves et des organisations de la société civile pour le retour des enseignants dans les salles de classe, les syndicalistes poursuivent toujours leur grève. Un mouvement d’humeur qui a fait sortir de leurs gonds les élèves du public de la vieille cité.
En assemblée générale au lycée Charles de Gaulle, ils ont mis à exécution leur menace de déloger les élèves des écoles privées de la capitale du Nord.
Par centaines, les élèves de toutes les écoles publiques ont manifesté à travers les rues, scandant ‘’On en a marre des grèves, nous voulons étudier !’’. Une manifestation inopinée qu’ils ont mise à profit pour faire sortir leurs collègues des différents établissements privés du faubourg de Sor. Pour les manifestants, il n’est pas question que les élèves du public soient sacrifiés dans un combat qui ne les concerne pas. ‘’Tant que les cours ne seront pas repris correctement dans les établissements publics, il en sera ainsi toutes les semaines. Nous n’accepterons plus d’être l’agneau du sacrifice et nous sommes prêts à faire face. Certains d’entre nous n’ont pas encore fait d’évaluations et les examens du premier semestre sont reportés. C’est pourquoi nous interpellons les deux parties à renouer le dialogue, parce que nous avons accusé d’énormes retards sur le déroulement du programme. Nous ne sommes ni pour les syndicats ni pour le gouvernement. Mais il faut que l’État respecte ses engagements signés envers ses partenaires sociaux, mais aussi que les syndicalistes fassent des efforts pour sauver l’année scolaire’’, a appelé le président du gouvernement scolaire du lycée Charles de Gaulle.
Dégoulinant de sueur, chemise nouée autour des reins, le délégué du CEM Aby Kane Diallo regrette les désagréments causés à leurs collègues du privé. ‘’Ce n’est pas de gaieté de cœur qu’on se comporte ainsi avec nos frères des établissements du privé. Malheureusement, les débrayages et grèves se multiplient dans le public. Mais au même moment on note que les mêmes enseignants grévistes donnent des cours dans les établissements privés. Une situation que nous jugeons inacceptable, puisque tous les jeunes élèves du Sénégal doivent aller à l’examen à chances égales’’, a dénoncé Pape Bounama Diop.
Les parents d’élèves de Saint-Louis soutiennent les potaches
Cependant, ‘’l’opération délogement des écoles privées’’ n’était pas une partie de plaisir pour les élèves du public. Ils ont rencontré une farouche opposition des forces de l’ordre, au moment où ils tentaient de traverser le pont Faidherbe pour regagner l’ile. Pour les disperser, la police a usé de bombes lacrymogènes et procédé à quelques arrestations d’élèves. En guise de riposte, les potaches ont lancé des pierres et perturbé pendant plus d’une heure le trafic sur les avenues Macodou Ndiaye, De Gaulle et sur le pont Faidherbe.
Après quelques heures d’interpellations, tous les manifestants arrêtés ont été relâchés.
Il faut signaler que les parents d’élèves n’avalisent pas la violence utilisée pour exprimer leur mécontentement. Néanmoins, ils soutiennent leurs enfants dans la lutte. ‘’Personne ne cautionne les manifestations violentes, mais la situation est dramatique. Tout parent d’élève est inquiet pour l’avenir de son enfant. Que l’État prenne ses responsabilités pour sauver l’année scolaire. J’ai très mal, quand je vois que depuis le début de la crise, le ministre de l’Éducation et les autres ministres concernés ne font rien pour dialoguer’’, s’est désolé le vieil Abdou Wahab Diagne.
IBRAHIMA BOCAR SENE (SAINT-LOUIS)