Publié le 25 Feb 2021 - 15:44
SANTÉ MATERNELLE

Il ya 20 ans, la coalition nationale contre la mortalité maternelle dans la Région de Kolda

 

Et frétillent encore les souvenirs si fumants de notre séjour dans la Région du Fouladou, du 1er au 7 février 2001. Durant toute une semaine, une trentaine de professeurs des Universités, toutes spécialités confondues (en urologie, gynécologie, pédiatrie, pschycatrie, neurochirurgie), des médecins privés et acteurs du secteur industriel pharmaceutique, l'association des médecins de brousse, tous, avaient accepté d'offrir gracieusement leurs compétences et expériences au profit des populations de ła Région de Kolda. C'était là un élan de solidarité d'une générosité extraordinaire initié par le ministère de la Santé, à sa tête, le ministre Abdou Fal, qui, d'un coup de baguette magique, avait réussi à réunir tout ce beau monde pour une grande offensive contre la mortalité maternelle.

La presse n'était pas en reste. Nous étions une trentaine journalistes et animateurs d'émissions de santé à couvrir l'événement. Le départ eut lieu au rond point de la Rts, à l'avenue Malick Sy. De Dakar à Kolda, nous n'avions pas senti les 692 km de trajet, les comédiens de renom, Baye Yelli, Mor Ba et Néné Koné, les journalistes Fanta Fifi Kanté, Marie Madeleine Diallo, Mbaye Diouf nous avaient abreuvés de succulentes histoires à mourir de rires jusqu'à l'hôtel Mayo, site d'hébergement de la presse.

Contexte et Prétexte

D'une superficie de 21011 km2, couvrant 10,8% du territoire national, Kolda ( y compris, les Départements de Sédhiou et Velingara), enregistrait le plus taux de mortalité maternelle avec 1180 décès sur 100.000 naissances vivantes, doublant ainsi la moyenne nationale estimée à 510. Le Fouladou, région traditionnelle à fortes croyances ancestrales, était marqué par un taux d'analphabétisme élevé, de mariages et grossesses précoces (13 à 15 ans pour les jeunes filles) ; l'excision y était aussi pratiquée à grand échelle (86% chez les ethnies peulhe et mandingue). Malgré tous les efforts déployés par l'Etat sénégalais, accompagné de ses partenaires au développement, la femme, dans son triple rôle de reproductrice, d'éducatrice et de gardienne de la tradition, souffrait toujours devant une gamme de maux, de craintes, d'angoisses et d'appréhensions. Cette situation constituait une grande préoccupation pour les autorités étatiques qui déjà, en octobre 2000, avaient tenu un CR spécial autour du drame de la mortalité des femmes.

Cérémonie de lancement officiel.

Deux discours forts retentissant avaient marqué la cérémonie de lancement officiel : celle de Mme Charlotte Faty Ndiaye, coordinatrice dudit programme et de Mme la Première Dame Mme Viviane Wade. Toutes deux  avaient fait montre d'un engagement militant. Il s'est agi là, selon Mme Ndiaye, de développer une approche participative, préventive de notre système de santé en interpellant les populations du Fouladou à un changement de comportement durable en faveur de de la promotion de la femme. Lui succédant à la tribune, Mme Viviane Wade lança une boutade : "les réunions suffisent, les professions de foi suffisent". Poursuivant, "les femmes ne devraient plus mourir au Sénégal en donnant la vie", martela-t-elle. Et la guerre contre la mortalité maternelle venait d'être déclarée à Kolda, comme l'avait recommandé le Président de la République, Me Abdoulaye Wade.

Les maux identifiés

La plupart des maladies relèvait de causes connues : la malnutrition, l'anémie, les maladies infectueuses et parasitaires, les conséquences du paludisme, sans oublier les conditions d'hygiène et salubrité précaires, la pauvrette des ménages, la sous-alimentation, la non fréquentation des centres de santé publique pour la consultation pré et post-natale irrégulière. Cette situation était accentuée par l'inaccessibilite des structures de santé, le manque d'infrastructures sanitaires, districts, le sous équipements et la vétusté des structures de santé.

Côté prise en charge, il faut noter l'insuffisance de personnels de santé qualifiés, le manque de formation des matronnes, le mauvais accueil des personnels de santé, le coût élevé des prestations et des médicaments, et surtout le planning familial comme facteur de complication au moment de la grossesse et de l'accouchement (la préférence était plutôt portée sur la pharmacopée traditionnelle). Autres facteurs de blocages auxquels les femmes étaient confrontées : l'existence de tabous (manger des perdrix, la viande de lapin, du pain, des œufs, du lait et du sel), les charges domestiques intenses, les accouchements à domicile des vieilles mères, le refus de ces dernières de se faire consulter par un homme ou par une jeune fille. À cette honte psychologique, ajoutons la grossesse des filles non mariées et des femmes célibataires.

Alors, la voie était donc toute tracée pour les autorités étatiques, surtout sanitaires, de déclencher une coalition nationale contre la mortalité maternelle à Kolda en impliquant les élus locaux, autorités religieuses et coutumières, les enseignants, tradipraticens, les matronnes, les groupements de femmes et associations de jeunes, sous forme de volontaires de la prévention.

La synthèse des focus groupes

La restitution des focus groupes a été un moment de dialogues intenses et approfondis. Non seulement, elle a constitué la phase de capitalisation, de systématisation, d'élaboration, mais de validation d'un plan d'action plurisectoriel à partir duquel le ministère de la Santé allait jeter les bases d'un modèle expérimental dans les districts de Sédhiou, Vélingara, tout comme à Kolda, avant d'être généralisé dans les autres régions du pays. Le rapport général a débouché sur un ensemble de mesures d'urgence a été proposé : entrés autres, (1) la formation des relais, (2) le renforcement des structures de santé en personnels qualifiés, le relèvement des plateaux en équipements et en logistique, (3) la construction  d'infrastructures sanitaires, (4) l'assistance aux femmes génératrices de revenus à trouver des partenaires, (5) la promotion des mutuelles de santé pour une meilleure prise en charge des femmes enceintes, (6) le renforcement du crédit horaire en économie familiale dans les lycées et collèges, (7) la systématiation d'une supervision régulière par un personnel qualifié, (8) le renforcement de la surveillance régionale et d'un système de motivation des personnels de santé, (9) l'octroi d'ambulances etc.

La transversalité gouvernementale

Au grand bonheur des populations du Fouladou, la participation dynamique du ministère de la famille, sous la houlette de Mme le ministre Aminata Tall, a été saluée par les femmes, incontournables dans la lutte contre la mortalité maternelle. Elles ont approuvé cette synergie gouvernementale scellée autour du ministère de la Santé. Ainsi pour réaliser les objectifs généraux du gouvernement (d'alors) les deux actes majeurs à poser sont : (1) le désenclavement physique et sanitaire de la région de Kolda, (2) faire bénéficier aux femmes des financements, de micro-financements et de micro-crédits aux groupements et associations de femmes. Ces offres gouvernementales ciblaient les métiers traditionnels (teinture, poterie, etc), de gestion, de santé, avec l'allègement des procédures administratives devant permettre aux cibles d'atteindre leurs objectifs. 

Conclusion

Du point de vue de son approche, dans sa démarche, tout comme dans son orientation, cette grande coalition nationale contre la mortalité maternelle à Kolda a fait l'objet, tout au long de son déroulement, de participations actives et engagées envers la démocratisation de notre système sanitaire. 

Vingt ans après, qu'en est-il de la Santé maternelle à Kolda, Sédhiou et Vélingara ? De l'excision ? Le ratio si élevé de mortalité maternelle en 2001 a-t-il régressé dans le Fouladou ? En tout cas, notre pays, le Sénégal, au titre de ses engagements sur les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), a toujours voulu être sur la "bonne trajectoire".

 

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