Publié le 26 Mar 2013 - 02:15
UN PELERIN INTERPELLE LE PREMIER MINISTRE ABDOUL MBAYE

Défense des intérêts des pèlerins ou préférence nationale avec Sénégal Airlines ?

 

Cette question mérite d’être posée depuis que les connexions «karimiques» ont été éventrées par le Procureur spécial chargé de traquer les biens mal acquis. L’Observateur du 18 mars 2013, nous livrait dans son édition N° 2848 à la page 10 cette découverte : «…Même la compagnie Sénégal Airlines est détenue en majorité par une société de droit panaméen agissant pour le compte de Karim Wade».

 

Dans le passé, nous avions l’habitude de dénoncer les prix que pratique Sénégal Airlines, prix qui ne répondent à aucune logique sinon celle du superprofit. En effet, sur la ligne Dakar-Médine, c’est la compagnie la plus chère de toute la sous région ouest-africaine. D’ailleurs, ce n’est pas pour rien qu’elle a inondé la ville de Dakar de géants panneaux publicitaires sur lesquels on lit : «Le coût se desserre».

 

En 2011, elle avait affiché 1 235 000 F CFA, là où les autres compagnies établies à Dakar avaient demandé 900 000 F CFA. On comprend dès lors que si le package (billet d’avion, logement hôtel, autres services saoudiens) pour le pèlerinage à la Mecque est si cher (2 450 000 F CFA), c’est principalement dû au coût exorbitant et déraisonnable du prix du billet d’avion de Sénégal Airlines qui a été ramené en 2012, à 990 000 F CFA après injonction du Premier Ministre. Pour justifier le monopole du transport en charter que l’Etat lui octroie chaque année, sans appel d’offres, Sénégal Airlines se targue toujours de brandir son statut de «compagnie nationale» afin d’obliger les autorités étatiques à faire jouer la préférence nationale même si c’est au détriment des pèlerins qui sont après tout des consommateurs de services.

 

Etant donné que le deal et les mensonges sont découverts par les enquêtes sur les biens mal acquis qui ont prouvé que Sénégal Airlines est bel et bien une société de droit panaméen, donc pas du tout sénégalaise ou nationale, le marché à plusieurs milliards du Pèlerinage à la Mecque 2013 ne devrait pas tomber dans ses caisses. Un appel d’offres ouvert à toutes les compagnies devrait être lancé afin de pouvoir choisir le plus bas prix du billet d’avion au grand bénéfice des candidats au pèlerinage. Les prix excessifs sont décourageants pour les pèlerins et beaucoup d’entre eux préfèrent renoncer au hajj ou plutôt embarquer à partir de pays voisins (Gambie, Mauritanie, Guinée Conakry, Mali, etc.) pour bénéficier des tarifs réduits pratiqués par les compagnies qui y officient.

 

A ce niveau, nous saisissons l’occasion pour battre en brèche l’argument qui consiste à expliquer la cherté du billet d’avion par le fait que c’est l’Arabie Saoudite qui impose aux Etats de convoyer leurs pèlerins par leurs propres compagnies nationales ou à défaut par les compagnies saoudiennes. Cette assertion est d’autant plus fausse qu’en Guinée Conakry, en Gambie, au Mali, au Bénin, au Niger, leurs pèlerins sont convoyés par des compagnies étrangères telles que Egypt Air, Ethiopian, Air Algérie, etc., et les avions de ces compagnies atterrissent directement à Médine. Et même les Bissau-guinéens sont toujours convoyés par Sénégal Airlines.

 

Autres exemples pour démontrer la cherté des prix de Sénégal Airlines, en 2009, Air Europa qui avait gagné le marché après appel d’offres, avait fixé le prix du billet d’avion Dakar-Médine à 957 000 F CFA. En 2011, quand elle a été écartée injustement au bénéfice de Sénégal Airlines, Air Europa avait été sollicitée pour louer ses avions à Sénégal Airlines qui n’en possède pas. Air Europa avait cédé le prix du billet d’avion pour 1 100 000 F CFA à Sénégal Airlines, et cette dernière avait revendu le billet à 1 235 000 F CFA à chaque pèlerin. Nous voyons donc que Sénégal Airlines est un «coxeur» et fait du courtage sur le dos du pèlerin. En 2010, Al Wafeer, une compagnie aérienne saoudienne affrétée par des privés sénégalais, avait quant à elle fixé le prix du billet d’avion en charter vol direct Dakar-Médine à 950 000 F CFA.

 

Plutôt que de privilégier les intérêts étroits d’une compagnie privée, le gouvernement devrait protéger les droits et intérêts de ses citoyens surtout au moment où on sait que Sénégal Airlines n’est pas nationale et que l’Etat du Sénégal est minoritaire dans son capital.

 

 

Cheikh Oumar TALL

Directeur du Mensuel Le Jour Al-Yawmou

lejouralyawmou@yahoo.fr

 

 

Section: 
LIVRE - PAR TOUS LES MOYENS : Dix voix féminines sur le monde
La politique de l'oubli et la défiguration urbaine : Une analyse historique des blessures de Dakar
Attention, nous sommes sur une pente glissante
Piratage massif des Impôts et Domaines : Le pire arrivera si l’État ne fait rien
SOCIOTIQUE : " L'impact de l'IA sur le marché du travail
Dettes cachées : L’impossible transparence ? Le cas du Sénégal et les leçons de l’histoire
Le téléphone portable à l’école : Entre ouverture au monde numérique et vigilance éducative
La vallée du fleuve Sénégal : Entre espoirs et fragilités
PROJET DE CODE DES INVESTISSEMENTS : ANALYSE SOUS L’ANGLE DE LA SOUVERAINETÉ  ET DE LA RATIONALITÉ ÉCONOMIQUE
Impératif de mémoire
De Saint-Louis à Diamniadio : L’héritage d’Amadou Mahtar Mbow pour un savoir partagé
Lettre Ouverte adressée au Procureur Général près du Tribunal de grande instance de Tivaouane
Vivre pour la raconter : A la mémoire de mon BFEM, à la mort en face, à mon petit frère
Analyse Économique Comparative : Le Sénégal face à la Guinée, un dépassement temporaire ?
La ligne radicale du Premier ministre Ousmane Sonko l'emporte sur la ligne modérée du Président Diomaye Faye
LE JOOLA, 23 ANS APRÈS : Un appel à la justice et à la dignité pour les familles des victimes
Sénégal : Quand l’urgence devient méthode
POUR PRÉPARER LA RUPTURE AVEC LE NÉOCOLONIALISME : PASTEF DOIT REDEVENIR L’ORGANISATEUR COLLECTIF DU PEUPLE!
Abdou Diouf, la RTS et la mémoire nationale : Encore une occasion manquée
ET SI ON PARLAIT D’INSERTION DES JEUNES A LA PLACE D’EMPLOI DES JEUNES