Publié le 15 Dec 2014 - 16:14
16 DECEMBRE 2004 – 16 DECEMBRE 2014

10 ans après l’assassinat de Dayda Hydara, l’impunité enfle en Gambie

 

Demain 16 décembre 2014 marque les 10 ans de l’assassinat du doyen de la presse gambienne, Dayda Hydara. Une décennie d’impunité et de chemin de croix pour une presse gambienne toujours en quête de repères.

 

Une nuit sans fin, une traversée du désert. Les mots ne sont jamais suffisants pour qualifier l’état de la presse gambienne, depuis l’assassinat, le 16 décembre 2004, de son doyen Dayda Hydara. Il était le bouclier, la seule constante qui fédérait toute la presse gambienne face à la dictature du président Yahya Jammeh. A tout point de vue, Dayda était l’homme qui dérangeait. Voilà pourquoi on lui a brutalement ôté la vie un soir de 16 décembre 2004 dans son véhicule, alors qu’il rentrait du travail après avoir bouclé son journal The Point. Dayda mourut sous le crépitement meurtrier de balles folles, au moment où deux de ses compagnons, grièvement blessés, entamaient une lutte contre la mort à l’hôpital.

L’objectif était déjà atteint pour ses bourreaux, car la tête qui émergeait et donnait courage venait d’être coupée. Depuis, toute autre qui a tenté d’émerger a subi un sort tout aussi barbare. Les journalistes Mussa Saidykhan, Ndèye Tapha Sosseh, Fatou Jaw Manneh et tant d’autres ont quitté le pays, fuyant la furie d’un ogre devenu fou. Chief Ebrima Maneh, journaliste au Daily Observer, disparaît en 2006. A ce jour, personne ne l’a revu, bien que l’affaire ait été portée à la Cour de justice de la CEDEAO et que le régime de Jammeh a été enjoint de le libérer et de verser des dommages et intérêts à sa famille.

C’est dire que le départ de Dayda Hydara a ouvert en Gambie une chasse aux journalistes et un long règne de l’impunité, de la peur et du silence. Toute la symbolique du communiqué sorti par l’ONG Article 19, à l’occasion du 10ème anniversaire de Dayda, intitulé ‘’Gambie ! 10 ans d’Impunité, 10 ans d’injustice pour l’assassinat de Dayda Hydara’’. Le meurtre de Dayda est intervenu, trois jours après la promulgation d’une loi très controversée visant à augmenter le montant des frais d’enregistrement pour les médias et des peines de prison plus longues pour les journalistes reconnus coupables de diffamation ou de sédition. Une loi à laquelle Dayda Hydara s’était farouchement opposée.

Après l’assassinat de Dayda, une ribambelle de lois qui visent toutes à faire taire journalistes, défenseurs des droits humains et autres individus épris de paix et de justice, sera mise en branle par le régime de Banjul. Parmi d’autres, depuis juillet 2013, une nouvelle loi sur Internet qui précise qu’aussi bien les utilisateurs d'Internet que les journalistes et les blogueurs, coupables de diffusion de fausses nouvelles, sont passibles de 15 ans de prison et d’une amende pouvant atteindre 3 millions de dalasi (74 690 dollars US).

Un meurtre impuni

10 ans après son assassinat, la famille de Dayda Hydara peine à faire le deuil définitif, faute de coupable. En juin 2004, la Cour de justice de la CEDEAO a rendu une décision condamnant le gouvernement gambien qui n’a pas mené une enquête ‘’appropriée indépendante’’ pour faire la lumière sur cet assassinat. A ce jour, regrette Article 19, aucune avancée n’est notée, malgré l’accord naguère donné par le gouvernement gambien pour permettre à une commission d’enquête internationale de se saisir du dossier. Pire encore, les juges, dans leur délibéré, ont noté avec désolation que les autorités gambiennes n’ont ‘’jusque-là pas fourni les résultats des tests balistiques effectués sur les balles et les armes saisies sur les suspects’’.

Face à ce manque de volonté politique du régime de Jammeh de faire la lumière sur cette affaire, la Cour de justice de la CEDEAO a décidé de condamner l’Etat gambien à verser à la famille la somme de 50 000 dollars US, en guise de compensation et 10 000 dollars US pour les frais d’avocats. Ce qui n’a pas encore été fait. Mais aux yeux des membres de l’organisation qui lutte pour la défense de la liberté d’expression, cette ‘’décision de la Cour de justice de la CEDEAO est un pas important, mais aussi une victoire du peuple gambien et de tous les journalistes en quête d'une justice pour l’assassinat de Dayda Hydara’’. 10 ans après Dayda, le silence.  

AMADOU NDIAYE

 
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