Publié le 1 Feb 2016 - 00:42
ABDOU MBOW, PORTE-PAROLE ADJOINT DE L’APR

‘’Le groupe de travail de l’Onu n’est pas un tribunal’’

 

Le second avis du groupe de travail de l’Onu sur la détention jugée ‘’arbitraire’’ de Karim Wade ne semble point ébranler les tenants du pouvoir. Selon le porte-parole adjoint du parti au pouvoir, l’Alliance pour la République, ‘’ce groupe de travail n’est ni un tribunal ni une juridiction dont l’avis est contraignant’’. Dans cet entretien avec EnQuête, Abdou Mbow revient aussi sur l’actualité dominée par les concertations sur les réformes institutionnelles. Avant de condamner fermement la caricature par Jeune Afrique, du fondateur du Mouridisme.

 

Le groupe de travail de l’Onu a confirmé hier son avis sur la détention de Karim Wade. Selon cette entité, le fils de l’ancien président de la République est arbitrairement emprisonné. Quelle appréciation faites-vous de cet avis ?

Comme vous l’avez dit, il s’agit d’un avis et un avis ne saurait être une décision ou une injonction à l’Etat du Sénégal. L’Etat du Sénégal est souverain des lois et règlements qui régissent notre pays. Il y a un Code de procédure pénale mais aussi sur le plan législatif, des lois ont été votées par l’Assemblée nationale. Maintenant le groupe de travail des Nations unies peut bien donner un avis. C’est un groupe de travail comme son nom l’indique. Ce n’est ni un tribunal, ni un lieu où on donne des jugements. Ce sont juste des avis qu’on donne à un Etat ou à une juridiction. Ils ont donné leur avis. L’Etat du Sénégal, à travers le ministère de la justice et ses démembrements, va étudier cet avis et va donner sa position officielle. Mais nous, en tant que politique, on avait dit et on le redit, nous sommes un Etat souverain, régi par des lois et règlements. Nous avions dit en tant que parlementaire que la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) est légale et le Conseil constitutionnel l’a dit à haute et intelligible voix.

Ce second avis fait suite à une demande de révision formulée par les avocats de l’Etat dans cette affaire. Est-ce que cela ne traduit pas un revers essuyé par le régime ?

Les lois et règlements sont faits par les hommes et votés par le Parlement. Mais à chaque fois, on améliore l’arsenal juridique de tout un pays. Vous avez vu que le président de la République a proposé un projet de révision de la Constitution, la charte fondamentale qui régit notre pays à plus forte raison une réforme de la Crei ou bien de l’architecture juridique de notre pays. Je pense que cela, c’est tout à fait normal. C’est dans l’ordre normal des choses, c’est comme ça que fonctionne un Etat. Donc je ne vois pas de problème par rapport à cette demande formulée par les avocats de l’Etat. Il n’enlève en rien la légalité de la juridiction qui a condamné Karim Wade qui est en train de purger sa peine.

A la longue, est-ce que cette affaire ne risque pas d’écorner l’image même du pays ?

Cela ne peut en aucun cas écorner l’image de notre pays. Vous savez bien que le président de la République, aujourd’hui, a un leadership international qui est reconnu en Afrique et partout dans le monde. En atteste la présidence de la Cedeao qu’il assure ainsi que la présidence du Nepad, la présidence en exercice de la Francophonie et de l’Oci et tant d’autres distinctions qui lui ont été décernées en Afrique et dans le monde. Le Sénégal est un exemple de démocratie en Afrique et même dans le monde. Dernièrement, il a été classé parmi les trois pays les plus réformateurs en Afrique. Et par rapport à l’indice de perception de la corruption dont on parle, vous avez vu que le Sénégal, parmi les 10 pays africains, est le seul qui, en trois ans, a fait des bonds chaque année. Ce qui veut dire que l’engagement du président de la République à éradiquer la corruption et à perpétuer le régime démocratique qu’on a est confirmé sur le plan national et international.

Outre Karim Wade, il y a également d’autres responsables du Pds qui ont été emprisonnés même si certains ont été libérés récemment. Cette situation ne traduit-elle pas un abus de pouvoir du régime ?

Non ! Loin de là ! Ce n’est pas un abus de pouvoir. Aujourd’hui au Sénégal, la séparation des pouvoirs est une réalité. L’Exécutif fait son travail paisiblement. Le pouvoir judiciaire travaille sans aucune influence de l’Exécutif. Le Législatif est en train lui aussi de faire son travail convenablement. Ce qui veut dire que la séparation des pouvoirs est une réalité dans notre pays. Maintenant il faut que les gens comprennent que ceux qui ont été emprisonnés l’ont été par la justice. Le Président Macky Sall n’a emprisonné personne. C’est la justice qui a décidé de les libérer. Je pense qu’il n’y a pas de quoi fouetter un chat. C’est comme ça que fonctionne un Etat et cela entre dans l’ordre normal des choses.

Mais on a comme l’impression que depuis l’avènement du régime de Macky Sall, pour un oui ou pour un non, on emprisonne certains responsables de l’opposition qu’on libère souvent au bout de quelques mois sans procès. Est-ce que cela n’obéit pas à des logiques politiques ?

Vous-mêmes vous savez que nous sommes dans un pays démocratique. Vous-mêmes vous savez que ce n’est pas pour un oui ou pour un non qu’on emprisonne quelqu’un au Sénégal. Le Sénégal est l’un des pays les plus démocratiques dans le monde où on peut dire ce que l’on veut sans pour autant être inquiété par la justice. Cela est connu de tous. Maintenant il faut voir exactement ceux qui ont été emprisonnés, pourquoi ils l’ont été, s’ils ont commis des fautes oui ou non. Parce que dans ce pays, parfois, on dit ce que l’on veut, on commet des fautes, on insulte une institution à savoir le président de la République et les gens disent que voilà, c’est la liberté d’expression ou la liberté d’opinion. Je dis que démocratie ne veut pas dire anarchie, liberté d’expression ne veut pas aussi dire, faire ce que l’on veut et comme on l’entend.   

La libération d’Oumar Sarr et de certains de ses camarades est survenue dans un contexte où le président de la République, Macky Sall appelle à des concertations sur les réformes institutionnelles…

 (Il coupe) C’est juste une coïncidence. Le président de la République, depuis qu’il a accédé à la magistrature suprême du pays, a toujours opté pour le dialogue. Pour lui, pour construire ce pays, il faut que les acteurs politiques et la société civile puissent discuter pour trouver un compromis sur l’essentiel qui est de travailler à ce que le pays puisse aller de l’avant. Le chef de l’Etat a toujours œuvré dans ce sens et ce n’est pas aujourd’hui qu’il va renoncer à cela. La justice a libéré certaines personnes, c’est juste une coïncidence mais cela n’a absolument rien à voir avec l’appel au dialogue du président de la République. Maintenant il faut saluer l’apaisement noté au sein de l’espace politique et social.

Comment appréciez-vous la posture du Parti démocratique sénégalais qui fixe ses conditions avant de répondre à cet appel au dialogue ?

On ne peut pas imposer au président de la République la libération d’un tel ou d’un autre  pour répondre à l’appel à la concertation qu’il a émis. Je pense que ça, c’est un faux débat. Ce qu’il faut noter, c’est que le dialogue aura bel et bien lieu. Le président a décidé de rencontrer les partis politiques, la société civile, les personnalités indépendantes. Il a déjà rencontré quelques acteurs culturels et sociaux. Il va continuer ses consultations pour rencontrer toutes les couches sociales afin que tout le monde soit informé de ce qu’il veut faire.

Certains politiques reprochent au président de la République d’avoir appelé à des concertations après avoir saisi le président de l’Assemblée nationale et le Conseil constitutionnel.

Encore une fois, ce sont dans les prérogatives constitutionnelles du président de la République de demander l’avis du Conseil constitutionnel et du président de l’Assemblée nationale. Il faut que les gens arrêtent de poser de faux débats. Parce que ce sont des prérogatives constitutionnelles du président de la République. Cela n’a rien à voir avec les consultations qu’il peut avoir avec un tiers ou avec les partis d’opposition. Ses prérogatives constitutionnelles lui donnent le droit de consulter le président de l’Assemblée nationale et le Conseil constitutionnel. Ça, c’est une chose. Maintenant une autre chose, c’est d’informer les partis politiques, la société civile, les citoyens de ce qu’il veut faire. Aujourd’hui, on n’a pas encore fixé la date du référendum et celle de la prochaine présidentielle. Si c’était le cas, on pourrait dire que le président est en train de prendre des décisions unilatérales sans pour autant consulter les acteurs. Encore que la Constitution lui permet cela. Mais lui, en tant qu’homme de dialogue, veut rencontrer tout le monde pour communiquer sur ce qu’il veut faire. Le chef de l’Etat a les prérogatives de fixer les dates des élections. C’est lui qui a les prérogatives de consulter le président de l’Assemblée nationale et le Conseil constitutionnel.

Même si le président de la République a rassuré récemment que le référendum et la présidentielle auront lieu en 2016 et en 2017, il n’a pas déterminé des dates exactes. Cela ne risque-t-il pas de fausser les règles du jeu démocratique ?

Je ne le pense pas. Attendons que cela arrive pour dire que les jeux sont faussés.

Mais dans un délai si court, pensez-vous que les partis politiques puissent disposer de suffisamment de temps pour se préparer ?

Absolument. Le président de la République est encore dans les délais et les partis politiques ont tout le temps nécessaire pour se préparer aux élections. A ce niveau, je pense qu’il n’y a aucun problème.

Comment appréciez-vous la publication sur le site de Jeune Afrique d’une caricature du fondateur du Mouridisme ?

Nous condamnons fermement la caricature du vénéré Cheikh Ahmadou Bamba. Je ne parle pas du Sénégal mais l’œuvre de Cheikh Ahmadou Bamba dépasse nos frontières. Cet homme est à vénérer parce que c’est une figure emblématique de la religion musulmane. Heureusement que Jeune Afrique s’est excusé mais il doit veiller à ce que pareille chose ne se reproduise plus. Ceci doit cesser. Nous ne pouvons pas accepter qu’un homme de la trempe de Serigne Touba soit caricaturé. 

   Après du pétrole, du gaz a été trouvé au Sénégal. Quel impact cela peut-il avoir sur notre économie ?

Nous sommes dans un pays qui se veut émergent et les autorités étatiques sont en train de travailler pour que l’économie puisse être redressée. On ne peut pas du jour au lendemain trouver du gaz. C’est un travail de longue haleine que les gens ont fait sans bruit pour arriver à ces résultats. Nous ne sommes pas un régime qui travaille dans la fanfaronnade en faisant du tintamarre. Nous travaillons de manière discrète pour avoir des résultats. Cela peut avoir un impact réel sur le vécu des citoyens sénégalais. Nous étions en train de travailler à établir un partenariat avec la Mauritanie pour avoir du gaz là-bas. Aujourd’hui qu’on le découvre chez nous, nous ne pouvons que nous en réjouir. Nous avons des problèmes sur le plan de l’énergie et avec cette découverte, nous arriverons à solutionner cela.   

PAR ASSANE MBAYE

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