Publié le 20 Jan 2023 - 17:13
ADJI SARR CONTRE SONKO

Le procès de la justice

 

Invoquant son droit à la résistance, le président de Pastef/Les patriotes ajoute le doyen des juges sur la liste des comploteurs et appelle ses partisans à un méga-meeting, dimanche.  

 

‘’La justice est le dernier rempart, dans un pays. Quand elle s’aplatit devant l’Exécutif, il n’y a plus de rempart pour les citoyens’’. Cette affirmation d’Ousmane Sonko, qui est convaincu que les magistrats sénégalais, du moins certains d’entre eux, sont aux ordres du président de la République, est le lit de toutes les frustrations. Elle constitue la véritable menace à la stabilité du pays et de sa démocratie. Malgré les nombreuses alertes de l’Union des magistrats sénégalais sous la présidence de Souleymane Téliko, certains n’ont rien voulu entendre.

Aucune des réformes qui devaient placer l’institution judiciaire et ceux qui l’incarnent au-dessus de tout soupçon n’a, à ce jour, été mise en œuvre. Résultat, dans l’affaire Adji Sarr contre Ousmane Sonko, comme dans tous les dossiers politico-judiciaires en général, impossible de déterminer la part du droit et la part de la politisation. De part et d’autre. 

Pour le moment, il faut relever que l’intégralité du dossier est entre les mains des parties prenantes. Dans sa sortie hier, Ousmane Sonko a mis sur la table tous les éléments qui, selon lui et ses partisans, confirment la thèse du complot. Comme acteurs, selon lui, il y a Maitres Dior Diagne et Gaby Sô, l’inspecteur des domaines et directeur général de l’Onas (Office national de l’assainissement du Sénégal) Mamour Diallo, l’ancien procureur de la République et actuel président de l’Ofnac (Office national de lutte contre la fraude et la corruption) Serigne Bassirou Guèye…

 Désormais, il faut compter parmi les acteurs du complot, souligne M. Sonko, le doyen des juges d’instruction Oumar Maham Diallo.

Pour assoir son accusation contre ce dernier,  le patron de Yewwi Askan Wi invoque un post qui avait été publié sur sa page Facebook, à l’éclatement même de cette affaire le concernant. ‘’Il (le doyen des juges) a été choisi parce que dès l’éclatement de ce dossier, il avait repris sur sa page Facebook un texte à charge contre ma personne ; un texte qui a été écrit par un militant de l’APR qui se trouve en France et qui se trouve être son beau-frère. En tant que juge astreint à un certain nombre d’obligations, il s’est permis de publier un texte qui me condamnait et qui m’envoyait directement en prison, alors que le dossier était en cours. Pensez-vous normal que huit mois plus tard, qu’on aille chercher ce même juge pour lui confier ce dossier ? C’est pourquoi, on n’attendait rien de lui’’, dénonce Sonko.

Avant de menacer : ‘’Je le considère désormais comme un adversaire politique qui a exécuté une commande politique. Il faudra qu’il en assume toutes les conséquences. Il faut qu’il assume sa responsabilité par rapport à tout ce qui pourrait se passer.’’

Appel à la résistance et méga-meeting ce dimanche

Le moins que l’on puisse dire, c’est que les griefs ne manquent pas à l’adversaire le plus coriace du pouvoir. Il les dévoile et les développe, les uns après les autres.

D’abord, s’insurge-t-il, comment un juge sérieux  peut mettre à l’écart un rapport interne de la gendarmerie qui le disculpe ? Comment un juge sérieux peut ignorer un certificat médical et les témoignages du médecin qui le disculpent ? Comment peut-il mettre de côté les audio dans lesquels il estime que la victime fait des aveux sur le complot ? Comment il a pu refuser d’entendre des éléments essentiels de ce qu’il considère comme un complot ? En l’occurrence les avocats Me Dior Diagne qu’il présente comme l’épouse du ministre de l’Intérieur et Me Gaby Sô ? Qu’en est-il de tous ces griefs ?

En ce qui concerne le rapport de la gendarmerie, Ousmane Sonko, qui promet qu’il sera rendu public, estime qu’il ‘’dit que M. Serigne Bassirou Guèye (ancien procureur) a délibérément compromis le rapport initial dressé par le capitaine Touré (radié de la gendarmerie) pour y mettre des éléments à charge ; il est allé jusqu’à y ajouter des photos obscènes qui n’avaient rien à voir avec le rapport initial, y retrancher des passages qui me déchargeaient…’’

À propos du certificat médical, il a estimé que le juge l’a ignoré, alors qu’il écarte toute possibilité de viol. Aussi, note-t-il pour le regretter, le juge n’a pas non plus tenu compte des témoignages de l’auteur de ce certificat qui cite nommément Mamour Diallo et Me Sô comme l’ayant proposé de l’argent pour concocter un faux certificat médical.

Dans la même veine, M. Sonko a dénoncé le fait que les réquisitions téléphoniques qui montrent des échanges entre certains présumés comploteurs et Adji Sarr, avant, pendant et après les faits, n’aient pas suffi à lui décerner un non-lieu. ‘’Désormais, fulmine-t-il, il faut que tous les Sénégalais sachent qu’ils sont en danger. Qu’il ne sert plus à apporter des preuves devant cette justice, parce que c’est la volonté de Macky Sall qui prévaut’’.

Pour lui, il est inadmissible que cette justice traine tout le temps le pied ou classe sans suite les plaintes que lui ou ses partisans déposent contre les tenants du régime, au moment où elle se hâte à les entendre ou à les condamner quand eux sont poursuivis. ‘’Vous avez vu tous les cas d’assassinat contre nos militants. Aucune instruction, aucune enquête. C’est le rapport du département d’État américain qui vient dire que l’État du Sénégal est responsable au moins des 10 morts sur les 14 de 2021. Ils avaient dit qu’ils vont ouvrir une enquête, mais ils n’ont rien fait. Ils ne le feront pas parce qu’ils savent qu’ils sont les seuls responsables’’.

Dans ses diatribes pour mettre en exergue l’inertie de la justice sur leurs plaintes, il invoque la plainte sur l’affaire dite des 94 milliards F CFA, les plaintes contre Mamour Diallo, Me Gaby Sô et Adji Sarr dans le dossier pour viol… ‘’Il n’y a que la plainte contre le procureur Serigne Bassirou Guèye où le parquet général a transmis à la Dic qui m’a déjà convoqué pour confirmation. Sinon, tous les dossiers que nous déposons, la justice fait le mort et laisse le dossier mourir de sa belle mort’’.

Convaincu que lui et son parti sont victimes d’un acharnement du pouvoir et des magistrats instrumentalisés par Macky Sall, il invoque son droit à la résistance et appelle ses partisans à un méga-meeting qui aura lieu dimanche à Keur Massar. Il peste : ‘’J’ai toujours invoqué mon droit légitime, constitutionnel à la résistance. Et jusqu’à la fin de ma vie, je résisterai. Nous n’accepterons jamais l’injustice. Personne ne peut m’empêcher, s’il plait à Dieu, d’être candidat en 2024. Et je ne vois pas le juge qui va me condamner à cinq ans d’emprisonnement dans ce dossier. Que chacun assume sa responsabilité ! Les gens sont dans leur bulle, ils font dire ce qu’ils veulent aux lois et ils pensent que ça va continuer à passer dans ce pays. Trop, c’est trop ! Il faut arrêter.’’

Il ajoute : ‘’Tous les gens qu’ils ont jetés en prison, ce sont des pères de famille comme eux, des fils de quelqu’un comme eux. Vous ne pouvez pas prendre les gens, les envoyer en prison sans aucune base et vous rentrez tranquillement chez vous retrouver votre femme et vos enfants. Ce sont ces frustrations qui peuvent conduire ce pays à des situations qu’on ne souhaite pas.’’

AFFAIRE SWEET BEAUTÉ

Maître El Hadj Diouf tire "encore" sur Ousmane Sonko

Me El Hadj Diouf a tenu, hier, une conférence de presse improvisée, après celle d’Ousmane Sonko. Il est revenu sur cette affaire renvoyée à la chambre criminelle par le juge Maham Diallo. Mais, cette fois-ci, l'avocat s'en est pris surtout au discours de l'édile de Ziguinchor.

Devant la presse, hier jeudi, Maître El Hadj Diouf s'est voulu clair : il n'avait pas sollicité ce face-à-face en sa qualité d’avocat, mais plutôt de chef d'une formation politique. ‘’Sachez que je ne suis pas là en tant qu'avocat, mais plutôt en tant que chef de parti", a-t-il d'emblée fait savoir aux journalistes venus en masse répondre à l'appel du patron du Parti des travailleurs et du peuple (PTP).

Dans l'entendement de l'avocat, ceci n'est qu'une sortie pour apporter la réplique au président de Pastef, Ousmane Sonko.

Comme à son habitude, le secrétaire général du PTP y est allé sans gants, afin de "mettre à nu les contradictions du leader de Pastef". Maître Diouf a commencé par faire remarquer le fait qu’Ousmane Sonko ait changé d'approche dans sa communication, ait "commencé aujourd'hui son discours en français".

Selon le défenseur d'Adji Sarr, cela signifie tout simplement que "Sonko est devenu l'esclave de la France". Pour étayer sa thèse, l'avocat a juste rappelé la récente interview de ce membre de Yewwi Askan Wi accordée à RFI et France 24.

Dans un autre registre, pour l'avocat d’Adji Sarr et homme politique, la décision du juge d’instruction ordonnant la poursuite du dossier devant la chambre criminelle de Dakar ne devrait, en aucun cas, être un prétexte pour appeler la jeunesse à se sacrifier, à s'immiscer dans une affaire qui ne concerne que deux citoyens sénégalais. "C’est un homme dangereux pour ce pays. Il faut que la jeunesse se réveille. Sa sortie de ce matin n’est qu’un motif de ne pas se conformer à l’institution judiciaire. Qu’il arrête d’accuser d’honnêtes gens et aller répondre à Adji Sarr", a déclaré le leader du PTP. 

Maître El Hadj Diouf a ainsi demandé à la jeunesse de ne pas répondre à l'appel de celui qui, selon lui, n'a comme unique objectif que de "déstabiliser le pays".

Par ailleurs, il a invité l'État à prendre ses responsabilités. "Tout fauteur de troubles doit être sanctionné et sévèrement", a-t-il tonné.

Cependant, presque à la surprise générale, la robe noire n'a pas commenté le procès devant opposer sa cliente au maire de Ziguinchor. A l'en croire, dans cette affaire, la seule action à mener, de la part du leader de Pastef, reste et demeure ce procès tant attendu et qui va éclairer la lanterne de tout un chacun. 

Une plainte contre MC Niass

S'il n'a pas trop voulu s'attarder sur le procès annoncé, l'avocat a quand même évoqué la question des audio. Et Me Diouf cible un diffuseur de ces enregistrements en particulier, en la personne de MC Niass. 

Selon El Hadj Diouf, "MC Niass devrait être en prison, en ce moment. Ce monsieur ne sait même pas qu'il est illégal d'enregistrer une personne à son insu", argumente-t-il.

À en croire la robe noire, l'affaire ne restera pas impunie. "Des plaintes ont déjà été écrites pour lui et pour d'autres supposés chefs religieux", fulmine-t-il.

Mamadou Diop

MOR AMAR

 

Section: