Publié le 29 Jun 2017 - 16:02
APPEL A LA CENA POUR FACILITER LE DIALOGUE

Macky, la fuite en avant

 

En demandant à la Commission électorale nationale autonome (Cena) et aux acteurs politiques de trouver des points de convergences pour un bon déroulement des Législatives du 30 juillet 2017, le président de la République semble fuir le dialogue avec son opposition. Décryptage !

 

Le président de la République ne semble point être dans de bonnes dispositions d’ouvrir des concertations autour de la pléthore de listes qui se sont déclarées pour les élections législatives. A sa sortie de la Grande mosquée de Dakar où il a prié lundi dernier, le chef de l’Etat ne s’est pas gêné de demander à la Commission électorale nationale autonome (CENA) et aux autres acteurs politiques de poser les jalons d’une concertation autour de la pléthore de listes en lice pour les Législatives du 30 juillet 2017. ‘’J’espère que la CENA et les acteurs politiques pourront trouver les convergences qui permettront, suite à la prolifération des listes aux Législatives, de trouver un modus operandi permettant aux citoyens d’exercer leur devoir civique sans grande entrave’’, a déclaré le Président Macky Sall. Mais la question qui mérite d’être posée après cette déclaration est de savoir si cette institution en charge de la supervision des élections a les prérogatives de mener la médiation entre le régime et l’opposition ?  

Selon Moussa Diaw, ‘’le rôle de la CENA est bien défini : c’est de superviser les élections pour qu’elles se passent dans de bonnes conditions. Pour le reste, sur la recherche de consensus autour du nombre de listes, c’est du ressort de la majorité’’. Celle-ci, à en croire l’enseignant-chercheur en Sciences politiques à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis (UGB), sait qu’elle est en face d’une situation tellement difficile à régler qu’elle se décharge sur cette institution.

‘’Le Président sait que c’est difficile. Cela veut dire qu’il faut relancer le dialogue, renouer le contact avec l’opposition pour trouver un consensus. Et à mon avis, il y a un manque de volonté de la part de la majorité de discuter avec l’opposition’’, déclare-t-il. Avant d’ajouter : ‘’Quand il s’agit de discuter avec l’opposition des élections qui sont une question cruciale, normalement, c’est la majorité qui doit faire des propositions et qui doit prendre l’initiative de dialoguer. Le problème est qu’il n’y a même pas de passerelle entre l’opposition et la majorité. Chaque camp campe sur sa position. C’est cela qui est difficile.’’

Fuite en avant de la majorité

Derrière la sortie du président de la République, Moussa Diaw décèle une fuite en avant. ‘’A chaque fois qu’il y a des responsabilités à prendre, on se dérobe et on se décharge sur une institution tout en sachant que celle-ci n’arrivera pas à régler le problème vu la limitation de ses prérogatives ; ou bien s’il y a des difficultés, on dira : cela relève de la responsabilité de la CENA qui devait régler le problème et qui n’y est pas parvenue’’, relève-t-il.

Non sans en déduire une absence de volonté des tenants du pouvoir pour des raisons politiques. ‘’Cela veut dire tout simplement que la majorité ne veut pas discuter parce qu’en ce moment, elle pense qu’elle est en bonne posture pour la simple raison que l’opposition est divisée et fragmentée, et qu’on se dirige vers des élections qui risquent d’être marquées par un taux élevé d’abstentions. Et s’il y a un taux élevé d’abstention, c’est la majorité qui va en profiter parce qu’elle va réussir à mobiliser tous ses militants et les faire voter quelle que soit la situation, alors que ses adversaires auront du mal à mobiliser si les citoyens ne se retrouvent pas dans ces listes énormes. Si le vote prend trop de temps, ils seront découragés par cela et n’iront pas voter. Par conséquent, c’est la majorité qui va en profiter’’, débite-t-il.

Au total, 47 listes devront se disputer les 165 sièges de députés en jeu lors des prochaines législatives. Cette situation, selon Dr Ousmane Ba, analyste politique, était pourtant prévisible. ‘’Il fallait s’attendre à ce désordre dès lors qu’on a plus de 200 partis politiques au Sénégal et qu’on a permis aux indépendants de se présenter à tous les types d’élection’’.

Selon l’analyste politique, le chef de l’Etat a raté une bonne occasion de dialoguer avec son opposition. ‘’Il aurait pu profiter de la journée dédiée au dialogue national pour appeler tous les acteurs du jeu politique à des concertations autour de la question’’, déclare-t-il.

Sur un autre registre, il pense qu’il y a une rupture de confiance entre les différents acteurs du jeu politique dès lors que l’opposition récuse le ministre de l’Intérieur, Abdoulaye Daouda Diallo qui, selon elle, est partisan. Mais aussi et surtout avec les débauchages tous azimuts notés en perspective des élections législatives. ‘’Le président de la République, s’il a fait appel à la CENA, c’est peut-être par souci de transparence et de crédibilité’’, croit-il savoir.

ASSANE MBAYE

 

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