Publié le 8 Apr 2024 - 09:36

Bassirou Diomaye Faye, au-delà du discours

 

Le discours à la Nation de Bassirou Diomaye Faye, fraîchement élu à la tête de la République du Sénégal, a fait l'objet d'une attentive analyse lexicométrique. Prononcé à la veille de la célébration de la fête nationale commémorant l'indépendance du pays, ce discours revêtait un fort enjeu symbolique et politique. L'examen statistique des termes les plus récurrents dans cette allocution permet d'en dégager les lignes de force idéologiques.

Le vocable « Sénégal », décliné à 18 reprises, reflète avant tout un intense sentiment patriotique et nationaliste, plaçant l'unité et la souveraineté nationales au cœur du projet présidentiel. Martelé à l'envi, ce terme institue le nouveau président en porte-parole et garant de l'intérêt supérieur de la nation.

La jeunesse apparaît également comme un thème phare, les mots « jeunes » et « jeunesse » revenant à 5 reprises. Il s'agit là d'un marqueur générationnel fort, mais aussi d'un enjeu politique important dans un pays où la majorité de la population a moins de 30 ans. En élevant ainsi la jeunesse au rang de « cœur battant de la nation », le président affiche sa détermination à placer l'éducation, la formation et l'employabilité des nouvelles générations au cœur de ses priorités.  

Le concept de « gouvernance », martelé 4 fois, témoigne par ailleurs de la volonté du chef de l'État d'engager des réformes institutionnelles d'envergure, ce qui promet une nouvelle ère de transparence, de modernité et de responsabilité dans la conduite des affaires publiques.

Enfin, les notions d'« indépendance » (4 fois), d'« unité/uni » (4 fois) et de « paix/sécurité » (4 fois), abondamment convoquées, dessinent une ligne idéologique de fermeté quant au respect de la souveraineté nationale, dans un esprit d'union sacrée et de stabilité, présentés comme les fondements indispensables au développement économique et social. L'analyse de ce discours révèle en filigrane une volonté manifeste de rompre les derniers liens « distendus, déséquilibrés et asymétriques » avec l'ancienne puissance coloniale, en réponse aux aspirations populaires. Le 5ème Président du Sénégal épouse ainsi les contours du « panafricanisme de gauche », doctrine qui prône un idéal d'émancipation totale des peuples africains, sur les plans politique, économique, social et culturel.

Par ce discours soigneusement cadré sur le plan lexical, le président Faye s'érige donc en chantre d'un nationalisme rassembleur, mariant réaffirmation de la puissance régalienne, réformes institutionnelles et politique volontariste en faveur de la jeunesse, dans une rhétorique de communion patriotique et de refondation. Une stratégie de communication transparaissant à travers un subtil écrin sémantique, caractéristique du verbe présidentiel en période d’entrée en fonction.

Amadou Moctar ANN,

chercheur en Sciences politiques

et analyste pour des questions de sûreté.

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