Publié le 20 Jan 2019 - 02:52
BOUGANE DANY GUEYE (LEADER DE GUEUM SA BOPP)

‘’Le silence de l’opposition est coupable’’

 

Après avoir dénoncé le manque de réaction de l’opposition face à la stratégie de conservation du pouvoir du président de la République sortant, Bougane Guéye Dany revient à la charge. Dans cet entretien jeudi dernier à  EnQuête, le candidat recalé de Gueum sa bopp avertit que si l’opposition ne s’organise pas, Macky Sall aura ses 57% et il passera au premier tour en février 2019.

 

Dans une contribution parue dans la presse, vous soutenez que les vrais alliés du président Macky Sall sont tapis dans l’opposition. Qu’est-ce qui vous fait dire cela ?

Il suffit de lire le texte pour comprendre ce que je suis en train de dire. Ce que je dis, c’est qu’il y a un silence coupable de l’opposition en général. Le manque de réaction politique par rapport aux actes posés par Macky Sall ou en tout cas le retard dans la réaction, nous amène à nous demander si véritablement cette attitude n’est pas en train de profiter au chef de l’Etat dans son plan de conservation du pouvoir. Grosso modo, c’est exactement ce que je veux dire.

Est-ce à dire que l’opposition ne porte pas le combat comme cela se doit ?

A un moment de l’histoire, il faut inéluctablement un combat politique. Il faut dérouler une stratégie claire qui permet à la population de comprendre qu’il y a véritablement un engouement, une détermination de cette classe politique. Malheureusement, on a l’impression que cette opposition est juste là pour subir. J’ai sérié un certain nombre d’actions de Macky Sall depuis 2012. Depuis lors, il n’y a aucune réaction. Il fait à la limite tout ce que bon lui semble et il n’y  aucune réaction de l’opposition. Ce qui m’a en réalité permis de rebondir sur cette histoire, c’est l’acte posé par des jeunes des partis politiques de l’opposition la semaine dernière lors de la conférence de presse du Collectif des 25 candidats. En vérité, les jeunes qui étaient très remontés ont pilonné les leaders de l’opposition avec des jets de pierres pour leur dire : ‘’nous avons assez de ces conférences de presse, sortez nous voulons une réponse politique sur le terrain contre les agissements de Macky Sall et de ses affidés’’.

L’opposition a versé dans la violence entre 2011 et 2012 et il y a eu plus d’une dizaine de morts. Pensez-vous que cela soit la solution ?

Je suis revenu sur cela dans la contribution que j’ai faite. J’ai dit à quoi bon se battre pour des politiciens. J’ai une liberté d’expression qui me permet aujourd’hui d’avoir la capacité de recul et d’analyse par rapport à la situation. Est-ce qu’aujourd’hui les populations devraient servir de chair à canon à l’opposition ? On se rappelle les 12 morts de 2012. Ces pertes en vies humaines ont profité à qui ? Si ces 12 morts avaient profité à la démocratie sénégalaise, certainement les populations seraient descendues dans la rue. Mais ces 12 morts n’ont profité qu’à une petite caste de politiciens qui sont devenus subitement riches.

Tout le monde sait comment les politiciens deviennent riches. C’est tout simplement en profitant des privilèges qu’ils ont à partir de leurs postes. Aujourd’hui, nous avons un peuple très déterminé, mais qui ne répond pas à l’appel des politiciens parce qu’il est abusé. Ce peuple a toujours été trahi. Prenez le 23 juin 2011, qu’est ce qui s’est passé ? La population est sortie dans les rues de Dakar  pour stopper le projet de dévolution monarchique du pouvoir ourdi par Me Abdoulaye Wade. Après le 23 juin, ceux qui étaient à l’intérieur de l’hémicycle sont sortis et ceux qui étaient dehors sont à l’intérieur un 19 avril 2018. Vous pensez que les populations peuvent être abusées ainsi tout le temps ? A un moment, il est important que ce peuple se retienne et qu’il se dise, on n’est pas là pour servir de chair à canon.

Dans un tel contexte, quel doit être selon vous la vraie posture de l’opposition ?

Il y a ce que j’appelle la bataille politique mais aussi ce sursaut patriotique dont le pays a besoin. Je ne dis pas cela parce que je suis politicien. Je ne me considère pas d’ailleurs comme un politicien, mais plutôt comme un Sénégalais lambda qui, aujourd’hui, est en train de s’investir avec un engagement citoyen pour défendre la démocratie et l’histoire politique du Sénégal qui est piétinée. Mais je comprends réellement la population. Aujourd’hui, personne ne veut se mettre à la place des politiciens parce qu’au finish, la population se dit je me bats pour qui et pourquoi si au finish c’est pour avoir le même résultat ? Le même résultat, c’est aujourd’hui ce que Macky Sall est en train de faire.

Dans votre contribution, vous dites également que certains leaders de l’opposition souhaitent à Macky Sall un second mandat pour mieux se positionner en 2024. A qui faites-vous allusion ?

Je ne fais allusion à personne. Sinon je l’aurais dit dans le texte, je suis journaliste comme vous. Je sais seulement que Macky Sall est constant. Il a le courage dans sa démarche. Il avait dit qu’il allait réduire l’opposition à sa plus simple expression, apparemment il y est parvenu. Il avait promis le parrainage, il l’a imposé. Il avait dit qu’il n’allait jamais signer un décret pour son frère, il l’a fait. Son Premier ministre a déclaré de manière prémonitoire qu’il allait avoir cinq candidats, la Justice l’a aidé à le faire. Adji Mbergane Kanouté, une responsable de l’Alliance pour la République  vient de dire que le président aura 57%. Si l’opposition ne s’organise pas, si les Sénégalais ne veillent pas au grain, Macky Sall aura ses 57% et il passera au premier tour.

On a l’impression que vous vous attaquez à une certaine classe politique.

J’ai dit de manière très claire, qu’à l’issue du parrainage, il y a des recalés et des admis. Ces derniers sont en train de courtiser les recalés alors qu’en vérité, la bataille doit être unique. Ce n’est pas une bataille des recalés, mais de tout le monde pour la défense de la démocratie, parce que Macky Sall est en train de dérouler un plan. Il a choisi ses propres adversaires en fonction de leurs poids. En vérité, les véritables problèmes sont ailleurs. C’est d’abord le fichier électoral, ensuite la carte électorale, ces électeurs déclarés non-inscrits sur le fichier alors qu’ils y sont, ces électeurs injustement déplacés à leur insu, les citoyens sénégalais qui n’arrivent pas à récupérer leurs cartes d’identité. Ce sont là les véritables problèmes auxquels il faut s’attaquer et Macky Sall est en train de distraire l’opposition et de disperser ses forces.

A vous entendre parler, c’est comme si vous accusez les leaders qui ont passé le parrainage d’être complices. Est-ce le cas ?

Je n’accuse personne. Je tire uniquement la sonnette d’alarme. Je suis en train d’alerter sur le silence des leaders de l’opposition pendant que Macky Sall déroule son plan. Ce silence peut être interprété comme une complicité. Ce que je suis en train de dire, il y a des millions de Sénégalais qui le pensent. J’ai dit de manière très claire que le président sortant est en train de diviser l’opposition avec d’un côté les recalés et de l’autre les admis. Comment pouvez-vous imaginer que Pape Diop qui a 29 maires, c’est-à-dire qu’il a gagné 29 communes au Sénégal, 1200 conseillers municipaux à travers le pays, 5 députés à l’Assemblée nationale, ne peut pas passer le parrainage et que d’autres qui n’en ont même pas, passent sans grande difficulté le filtre du parrainage.

Vous faites allusion à Me Madické Niang ?

Je ne fais allusion à personne. Ce qui est clair, c’est que de par sa posture, de par ce que Bokk Gis Gis représente, de par ce que Malick Gakou représente, si on nous fait comprendre qu’ils ne sont pas capables d’avoir le nombre de parrains requis, c’est un problème. Concernant ma candidature, j’ai démontré de manière technique que le Conseil constitutionnel a tripatouillé nos fichiers. Une institution comme le Conseil constitutionnel, si je me permets de l’accuser et que jusqu’ici elle n’est pas capable de répondre à mes accusations, c’est parce qu’il y a un problème. Je crois que la sortie de la Société civile est très claire. Elle a récusé ce qui s’est passé. Elle n’est pas d’accord sur le logiciel qui est utilisé, le paramétrage de ce logiciel. Parmi les différents acteurs, personne n’a vu le fichier électoral. Ni le Conseil constitutionnel, ni la Société civile encore moins les partis d’opposition. Jusqu’ici je n’ai pas été démenti.

Pourquoi vous dites que la démarche de l’opposition est hypocrite ?

A l’apparence, l’opposition a une démarche unitaire. Mais dans les faits, chacun essaye de tirer la couverture de son coté, autant les admis que les recalés qui sont aujourd’hui courtisés. Parce que les admis pensent que ces recalés vont grossir leurs rangs. Mais ce n’est pas cela la véritable priorité. La priorité c’est la carte électorale et le fichier. Ces deux problématiques ne peuvent pas être évacuées en un mois. Donc Macky Sall est en train d’endormir l’opposition.

Selon vous, certains leaders de l’opposition ne méritent pas le soutien des  recalés ?

Chaque parti à son niveau va étudier la question et chacun prendra la bonne décision. Mais à mon niveau, ce que je propose est très clair. Je suggère une unification des forces de tous les recalés. Le Pds, Khalifa, Bokk Gis Gis, Gueum sa bopp, Grand parti, les Cheikh Bamba Dièye, Hadjibou Soumaré et autres réunis font plus de 50% de l’électorat. C’est pourquoi je dis qu’il faut se réunir et choisir un seul et unique candidat qui fera face au monstre pour le déboulonner en février 2019.

Dès lors que vous écartez dans vos choix les candidats du système, quels sont selon vous les critères de désignation de ce candidat unique ?

Nous sommes dans une logique de nous organiser pour voir comment faire face à Macky Sall. La seule stratégie qui vaille, c’est aujourd’hui de s’organiser dans une logique unitaire

Oui mais qui va être ce candidat, selon vous ?

Je jette les bases d’une réflexion. Il y a des personnalités beaucoup plus averties que moi. Certainement, nous allons ensemble poser les bonnes questions pour trouver la bonne stratégie.

Aujourd’hui il y a quatre candidats supposés de l’opposition. N’est-il pas plus judicieux de se regrouper autour d’eux pour former quatre blocs solides ?

Ma conviction est que si on a quatre blocs, les forces seront dispersées. Macky Sall mise sur la dispersion des forces de l’opposition. Il sait que tous les candidats avec un potentiel sérieux ont été recalés. Je parle du Pds, du Ps version Khalifa Sall, de Bokk Gis Gis, du Gp, de Gueum sa bopp. Si toutes ces forces qui font plus de 50% de l’électorat se regroupent autour d’un seul candidat, Macky Sall n’ira même pas au second tour. C’est cela ma conviction.

Vous déjà, vous soutenez Ousmane Sonko. Est-ce à dire que c’est lui…

(Il coupe). Je n’ai jamais dit que je soutiens Ousmane Sonko. C’est ce que la presse a dit. Mais jusque-là il n’y a aucune déclaration publique pour dire que nous soutenons untel ou un autre. J’ai été invité à une manifestation de Pastef, j’ai pris la parole comme Ousmane Sonko l’a fait quand nous l’avons invité. J’ai été chez le Pur de Cheikh Issa Sall. On ne soutient pour l’instant personne. On est en train de voir avec qui nous allons travailler. La logique voudrait qu’on travaille avec les formations avec lesquelles nous partageons la même philosophie et les mêmes idéaux. Ces partis sont le Pastef, le PUR, etc...

En dehors de Sonko et d’Issa Sall, il y a également Idy et Madické Niang. Pourquoi vous ne les intégrer pas dans vos plans ?

Il y a ce que j’appelle des candidatures alternatives et des candidatures de rupture qu’incarnent Gueum sa bopp et Ousmane Sonko, par exemple. Nous sommes des jeunes et nous incarnons quelque chose. Ne serait-ce que par rapport à notre jeunesse, nous avons quelque chose en commun. Nous partageons presque les mêmes valeurs avec le PUR. Je suis disposé à travailler avec tout le monde dans le sens d’améliorer le vécu des Sénégalais, de défaire ce système politique qui tire le pays vers le bas et qui permet au président de la République de décider de la vie ou de la mort d’un citoyen parce qu’il n’est pas avec lui.

Donc Idy et Madické Niang qui représentent selon vous des candidatures alternatives, sont exclus de vos plans ?

Ce sont des candidatures alternatives. C’est ça que je dis. Mais cela ne veut pas dire que si l’opposition décide de soutenir X ou Y, on ne va pas suivre. Nous sommes dans une logique unitaire. Macky Sall aura tout prévu sauf l’unité de l’opposition.

Vous parlez d’un regroupement de tous les recalés autour d’un candidat. Mais que ferez-vous des autres candidats de l’opposition ?

Ils sont des candidats et ils ne misent sur personne. Ils ont leur propre base. Tout le monde ira en campagne et celui qui aura le meilleur contenu programmatique, les meilleures orientations pour le Sénégal, sera élu.

PAR ASSANE MBAYE

 

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