Publié le 20 Jul 2021 - 21:43
CHANTIERS ROUTIERS A DAKAR

Calvaire des automobilistes et usagers des transports en commun  

 
La circulation à Dakar n’a jamais été facile, surtout en cette veille de fête. Cependant, les chantiers notés un peu partout ont exacerbé la situation. Les automobilistes ont recours à des déviations et autres contournements, ce qui influe quelques fois sur certains prix de transport.  
 
 
Tout s’est passé en une fraction de seconde. Les curieux et retardataires ont été ameutés par les cris des passants. Et n’ont eu d’autres recours que de s’interroger sur les causes de l’accident. Un conducteur de moto venait à l’instant de renverser une jeune dame aux environs de l’intersection du croisement 22 des Parcelles-Assainies. Le motocycliste et la victime se sont ainsi retrouvés à terre. Plus de frayeur que de mal, les deux n’ont eu que des égratignures. A 12 h passées de quelques minutes, cet axe est déjà bouché.
 
Rien de nouveau, pourrait-on dire en cette veille de fête de Tabaski. Seulement, l’anarchie est indescriptible sur les trottoirs, passagers et véhicules se disputent la chaussée. Et beaucoup indexent les travaux notés des deux côtés, ce qui rend cette voie étroite à des endroits.
 
En effet, ceux qui sont restés pendant quelques mois sans sortir pourraient se perdre actuellement dans Dakar. Les chantiers routiers ont donné une autre allure à la ville. De l’avenue Bourguiba à Golf Sud, en passant par la Patte d’Oie, les cités Fadia et Parcelles-Assainies, des dunes de sable et de gros tuyaux clôturés de barbelés forment le décor. Ces travaux qui visent, dans le long terme, à moderniser les grandes artères de la capitale sénégalaise constituent, pour l’instant, un gros casse-tête pour les automobilistes. Sur certaines artères, sur des plaques jaunes, sont inscrites en lettres noires : ‘’Attention travaux’’ ou ‘’Déviation.’’  
 
 Modou Fall a fait un long parcours avant d’atterrir aux Parcelles ; sa voiture en a fait les frais. L’homme au teint noir ouvre le capot de son véhicule afin de détecter l’origine de la panne. Une bouteille à la main, il effectue des va-et-vient à la station-service d’à côté pour trouver une solution à son problème. Pour le quinquagénaire, la situation est juste pénible. ‘’Vous voyez la peine que j’endure avec les embouteillages ! Les moteurs de nos voitures chauffent très vite. On a tous les problèmes du monde pour circuler actuellement dans la capitale. Des travaux sont entamés partout et empêchent une bonne circulation des voitures. A cela s’ajoutent les préparatifs de la fête de Tabaski. Ce qui constitue un autre calvaire’’, se désole le vieux Fall.
 
A cette heure de la journée, la chaleur est à son paroxysme. Certains chauffeurs, les nerfs tendus, n’arrêtent pas de klaxonner, comme si cela pourrait pousser ou aider les voitures à avancer.
 
Modou Fall semble peu préoccupé par ce qui se passe autour de lui. Il est plus inquiété par les longs détours à effectuer quotidiennement pour arriver à destination.  ‘’J’ai quitté le centre-ville vers 9 h et c’est seulement maintenant (13 h) que j’arrive ici. J’ai, durant tout mon trajet, opté pour les voies de contournement. Donc, la route n’a pas été directe. Je suis passé par Colobane, Grand-Dakar, Sacré-Cœur et il faut rouler lentement à cause des chantiers’’.  
 
L’augmentation des tarifs du transport  
 
Il faut dire que la situation n’est facile pour personne, automobilistes comme passagers. Coumba Fall fait la queue devant une banque au rond-point Case-ba. Ici, la sonorisation est assurée par les vendeurs de téléphones portables et d’abonnements des différents opérateurs.  Taille élancée, la jeune dame est vêtue d’une robe bazin multicolore. Lunette et masque bien ajustés, Mme Fall regrette les longs trajets qui, dit-elle, ont un impact sur les tarifs du transport. ‘’Certains endroits de Dakar sont devenus inaccessibles. Les embouteillages sont toujours fréquents sur cette artère, mais on peut dire que les choses ont empiré depuis le début des travaux. Les routes sont devenues étroites, les voitures font des détours interminables et doublent les tarifs à cause du temps perdu et de l’énergie consommée. Ce sont les usagers qui en souffrent le plus’’, débite-t-elle d’un trait.
 
Et pour ne rien arranger, poursuit Coumba Fall, les taxis n’arrivent pas souvent à destination, ce qui fait que les clients sont obligés de continuer le trajet à pied avec des emplettes sous les bras. La dame pense toutefois que le pire est à craindre avec la période hivernale qui s’approche. ‘’On sait que tous les travaux ne seront pas achevés, mais on souhaite au moins que ce soit le cas sur certains tronçons. Sinon, la situation risque d’être dure avec les inondations. Nous souhaitons au moins que la moitié soit terminée. Je ne trouve d’ailleurs pas la pertinence de creuser les deux côtés de la chaussée en même temps, d’autant plus qu’il n’y a aucun ouvrier à l’œuvre la journée, peut-être que les travaux se font la nuit’’, s’interroge-t-elle, tout en continuant de suivre la queue.
 
A côté de la banque, on retrouve Mbaye Sarr qui est chauffeur de ‘’clando’’ sur l’axe Parcelles-Assainies – Keur Massar. Il revient juste d’une course. Dégoulinant de sueur, l’homme se gare dans un garage de fortune implanté sur la route des cités Fadia. Chez lui, les chantiers ont causé d’autres dégâts différents des embouteillages. Leur gare de ‘’taxis-clando’’ est en effet encerclée par les travaux, ce qui la rend un peu enclavée. ‘’On a toujours été établi ici, même si nous ne sommes pas propriétaires des lieux. Avec les chantiers, les autorités nous ont certes laissé occuper une partie, mais nos clients se font rares. La zone est inaccessible et certains pensent qu’on est déguerpis ; ils préfèrent aller voir ailleurs’’, fait-il remarquer.
 
Habillé d’un t-shirt noir qui tombe sur un jean de la même couleur, l’homme reconnait toutefois la difficulté de circuler dans la capitale sénégalaise.  ‘’En temps normal, on pouvait faire 10 à 15 minutes pour rallier certains endroits, alors qu’actuellement, il faut 30 à 40 minutes, voire une heure. Tout dépend des jours ou des heures’’, fait savoir le chauffeur. A l’en croire, ce changement n’a pas toutefois influé sur les tarifs du transport qui n’ont pas connu de hausse.
 
Cette situation vécue aux Parcelles-Assainies est similaire à celle dans plusieurs endroits de Dakar comme à Liberté VI. Ceux qui souhaitent rallier Sacré-Cœur ou Ouakam par les transports en commun, sont obligés de marcher sur une bonne distance et même de passer sur une piste sablonneuse pour espérer trouver un moyen de transport.  Mère Ndiaye, établie à proximité de la Pharmacie Golf Sud, semble dire qu’on ne fait pas d’omelette sans casser d’œufs. Devant son étale d’accessoires pour fille, la dame d’âge mûr revient de la ville où elle s’approvisionne en marchandises pour garnir son étal.  Contrairement à ses prédécesseurs, elle trouve normal les travaux qui s’étalent à perte de vue dans ce quartier.  
 
‘’Si on veut avoir des villes modernes comme dans les autres pays, il faut savoir vivre avec les conséquences, à savoir les embouteillages et les longs trajets. La situation est certes difficile, mais ce sont les innovations qui l’exigent. On espère que les choses iront mieux à la fin des travaux et que tout le monde sera content’’, dit-elle.
 
Sur la crainte liée à l’hivernage, l’ancienne commerçante au marché HLM relativise : ‘’Il faut dire que les inondations ont toujours existé à Dakar bien avant le début des travaux. Il y a des zones naturellement inondables. Les gens critiquent à tout va, sans chercher à comprendre. Ils n’ont pas une vision sur le long terme’’, souligne-t-elle tout en continuant de ranger son étal.  
 
Pendant ce temps, la circulation roule au ralentit, le rond-point Case-ba grouille de monde. Au croisement 22, on a vite oublié l'épisode du choc entre le motocycliste et la jeune dame pour passer à autre chose.  
 
 
IMPACTS DES TRAVAUX  
 
Les mesures de compensation prévues  
 
Un rapport final sur la préparation d’une expérience pilote d’un système de bus rapides sur voie réservée à Dakar (BRT) publié en 2017 par le ministère de l’Environnement et du Développement durable et celui des Infrastructures, des Transports terrestres et du Désenclavement a prévu quelques mesures de compensation pour pallier  ces difficultés précitées.
 
D’après le document parcouru, ‘’les principes généraux d’exécution des travaux, la définition préalable des conditions d’exécution des travaux et les principes de conception des phases de chantier permettent de minimiser les impacts négatifs, inconvénients potentiels et maximiser la qualité du service’’.
 
Ainsi, dans les principes de conception des phasages de chantier, il est prévu de maintenir au maximum la circulation routière durant toutes les phases de travaux, ainsi que l’accès aux commerces et les accès riverains. Le document prévoit également de maintenir au maximum les circulations des bus pour préserver une bonne qualité de service pour les nombreux usagers de la ligne… Les travaux, précise-t-on, sont pour l’essentiel réalisés de jour, de manière à limiter les nuisances pour les riverains et à réduire les coûts des travaux.
 
Néanmoins, des interventions ponctuelles de nuit pourraient parfois s’avérer nécessaires. En ce qui concerne l’environnement, le document prévoit, entre autres, le traitement des points bas permettant le drainage rapide des eaux de ruissellement pendant l’hivernage ainsi que la canalisation éventuelle des eaux de ruissellement.  
 
 
HABIBATOU TRAORE  3

 

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