Publié le 14 Feb 2024 - 11:30
CRISE POLITIQUE AU SÉNÉGAL

L’appel du khalife de Tivaouane

 

Le khalife général des tidianes a invité, hier, toutes les parties prenantes de la crise qui mine le pays à la retenue, au calme et au dialogue. Avant lui, le khalife des layennes et l’archevêque de Dakar se sont prononcés sur la question.

 

Après les anciens présidents de la République, Abdou Diouf et Abdoulaye Wade, le khalife général des tidianes, Serigne Babacar Sy Mansour, a publié, hier, un message pour appeler à la paix et au dialogue. ‘’La situation politique très tendue dans notre pays et les derniers événements qui ont fini d’emporter trois de nos fils interpellent à la fois ma conscience en tant que citoyen et ma responsabilité en tant que chef de communauté religieuse. Je voudrais m’associer à la douleur de leurs familles à qui je présente mes condoléances les plus attristées, tout en les assurant de mes prières afin qu’ils reposent éternellement en paix. C’est à cette paix et à la retenue que j’invite tout le monde, acteurs politiques, membres de la société civile comme simples citoyens, pour préserver ce que nous avons de plus cher : notre volonté commune de vivre ensemble dans un Sénégal apaisé et réconcilié autour de tous ses enfants’’, écrit le chef religieux.

Le khalife invite le peuple à suivre la voie tracée par le Prophète Mohamed (PSL). ‘’Dieu l’a envoyé en tant que témoin, annonçant les bonnes nouvelles, mais aussi en tant qu’avertisseur. Il l’a, en outre, exhorté à renoncer aux intérêts partisans, à cultiver la paix et à privilégier le dialogue et le compromis lorsqu’ils peuvent conduire à préserver la vie humaine et à restaurer la paix civile’’. Pour cela, Serigne Babacar Sy Mansour cite l’épisode lors duquel, à Houdaybiya, sur le chemin du pèlerinage, il a refusé de marcher sur La Mecque et les Mecquois, contre l’avis de la plupart de ses compagnons. ‘’Cette trêve a été qualifiée de ‘victoire éclatante’ par le Coran (S48, verset 27)’’, dit-il.

Ce faisant, le khalife général des tidianes a eu un mot pour chacun des protagonistes de cette crise. Au chef de l’État, il l’encourage ‘’à privilégier la concertation, le dialogue inclusif et constructif avec toutes les forces vives de la nation, pour trouver une issue heureuse dans les meilleurs délais à cette impasse qui, si elle n’est pas dépassée, pourrait plonger notre pays dans une nuit de regrets et de désolation’’.

Dans la même veine, Serigne Babacar Sy Mansour exhorte la classe politique ‘’à mettre le Sénégal au-dessus de ses contingences partisanes et de ses revendications quelles que légitimes qu’elles puissent être et à accepter toute main tendue du président de la République pour n’entrevoir que l’intérêt exclusif du peuple sénégalais et la préservation du climat social, afin d’aller vers des élections apaisées et inclusives’’.

Le khalife n’a pas manqué de lancer un appel à la population, notamment la jeunesse dont il dit comprendre ‘’les frustrations et les inquiétudes, à garder la foi et à faire preuve de retenue’’. Car à ses yeux, ‘’la destruction des biens publics et la confrontation avec les forces de défense et de sécurité n’ont jamais été la solution’’.

Aux jeunes, il adresse ce message : ‘’Vous êtes la pierre angulaire à partir de laquelle l’avenir de cette nation devra se construire. Que votre voix soit donc entendue dans la concertation et le dialogue. Cela pourra servir d’exutoire à vos insatisfactions. C’est donc confiant que chacun pourra tirer de mes propos ce qui pourra lui être utile et en faire usage profitable, que je me tourne vers mon Seigneur pour lui tendre mes mains périssables et lui demander de préserver notre pays des démons de la division et de l’antagonisme. Paix et bénédictions sur tous’’.

Il ne manque pas de s’adresser à ses pairs religieux à qui il demande de ‘’toujours jouer leur rôle de censeurs pour la réconciliation des cœurs et des esprits’’.

Le message de paix de Yoff layennes

Ce message du khalife des tidianes fait écho à celui lancé lors du 144e anniversaire de l’Appel de Seydina Limamou Lahi, ce week-end à Yoff, par le khalife des layennes. “La communauté layenne est particulièrement préoccupée par la situation politique et sécuritaire actuelle du Sénégal, depuis l’annonce de la décision de report de l’élection présidentielle. Elle rappelle son attachement aux idéaux de démocratie, de justice et de respect des droits fondamentaux des personnes, notamment à la liberté d’expression et de la presse.

Le khalife invite, en conséquence, les pouvoirs publics, l’opposition, la société civile ainsi que les forces vives de la nation à œuvrer pour la préservation de la paix, de la sécurité et de la stabilité de notre cher pays dans le respect des institutions ainsi que des lois et règlements. En ces moments de dévotion commémorant l’Appel de Seydina Limamou Lahi Al Mahdiyou, nous prions Allah le Tout-Puissant et Miséricordieux de préserver le Sénégal”, a lancé le religieux.

Les réserves du chef de l’Église du Sénégal

Bien avant eux, le chef de l’Église du Sénégal, monseigneur Benjamin Ndiaye, s’était prononcé sur ce report et ses conséquences. Il s’est d’ailleurs montré critique sur la chaine de télévision religieuse KTO. En effet, l’archevêque de Dakar a dit son incompréhension devant cette décision de reporter la Présidentielle. ‘’Nous avons écouté le président de la République Macky Sall en donner les raisons. Elles ne sont pas pour autant claires pour tout le monde. Et c’est mon cas d’ailleurs’’, a-t-il déclaré, ne comprenant pas qu’à cause des ‘’contestations d’un parti politique, on remette en cause tout un processus’’.

Parlant de ‘’manigances politiques’’, il ajoutait, pour s’en inquiéter : ‘’Le chef de l’État a sans doute les moyens physiques et matériels de maîtriser une situation, mais cela se passe quand même dans une ambiance de mécontentement. Et pour cette raison-là, vraiment, nous sommes dans une impasse qui me paraît assez grave.’’ D’autant que, soutenait-il, ‘’la paix ne peut provenir que de la justice et de la vérité’’.

Ainsi, il a demandé que ‘’l’intérêt supérieur de la nation prévale sur tout autre calcul politique’’.  

AMADOU FALL

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