Publié le 25 Oct 2013 - 12:05
DÉPART DE KATY CISSÉ WONE DU BUREAU DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE

 Les dessous d’une éviction  

 

Le renouvellement du Bureau de l’Assemblée nationale de cette année a suscité beaucoup de remous. Si la candidature du député Cheikh Diop Dione contre Moustapha Niasse pour la présidence de l’Assemblée a cristallisé toutes les attentions, d’autres événements, non moins importants, se sont déroulés ce jour-là dans les coulisses de l’hémicycle. C’est le cas avec l’éviction de Katy Cissé Wone de son poste de vice-présidente de l’Assemblée nationale, et donc dudit Bureau.

 

Les relations entre Moustapha Niasse et celle qui a été sa directrice de campagne à la présidentielle de 2012, se sont détériorées peu à peu à l’épreuve de réalités politiques, et sur des questions précises de bonne gouvernance. Pourtant, elles se sont améliorées de manière sensible avant l’ouverture de la session unique de l’Assemblée au point que Katy Cissé Wone était certaine de rempiler à son poste. Que s’est-il donc passé ?

Selon des sources dignes de foi, le problème est moins lié à une question de résultat qu’à «un problème d’ego». En recevant son ex-égérie favorite dans son bureau à une date comprise entre le 2 et le 3 octobre 2013 pour une «séance d’explications», informent des députés proches de Mme Wone, le président de l’Assemblée nationale lui a très nettement fait comprendre qu’il n’était pas content d’elle. «On m’a rapporté que tu m’as personnellement critiqué et tu mènes une rébellion dans l’hémicycle contre ma présidence. Il faut que tu saches que nous ne sommes pas à l’Assemblée pour faire la révolution», lui a asséné Moustapha Niasse.

Relations mi-figue, mi-raisin...

La réplique de Katy Cissé ne s’est fait attendre, nous signale-t-on. «Monsieur le président, vous ne pouvez pas formuler des critiques sur la base de on m’a dit.» Selon d’autres sources, ce n’était là qu’un «gros prétexte» car le dessous des cartes était beaucoup plus compliqué que cela. En réalité, souffle-t-on, le président de l’Assemblée nationale en voulait à la vice-présidente de l’institution d’avoir initié, avec ses collègues de tous les groupes politiques représentés, une retraite le 6 août 2013 à Saly à l’intention des députés. Une retraite dont l’objectif était de plancher sur le «rôle, fonctionnement et perspective» de l’Assemblée nationale. Il était également question de «laver le linge sale en famille».

N’ayant pas pu décrocher un financement (13 millions de francs Cfa) de la part de la part de l’Assemblée nationale, le groupe parlementaire Benno Bokk Yaakaar s’est alors tourné vers ses partenaires fondamentaux depuis le début de la 12e législature, à savoir le Forum civil, Osiwa (Open society for initiatives in West africa) et Apnac (Réseau des parlementaires africains contre la corruption dont la section sénégalaise est dirigée par imam Mbaye Niang). C’est grâce à ces soutiens cumulés que le séminaire de Saly a pu être tenu, indique-t-on.

Au cours de ce conclave, «le management de l’Assemblée nationale a été très critiqué» par les parlementaires toutes tendances confondues. Événement qui n’aurait pas plu à Niasse. Et d’après des informations qui cependant n’ont pas pu nous être confirmées, il aurait même «refusé» de recevoir les conclusions de ces travaux.

En tous les cas, à la fin de ce tête-à-tête, Niasse décidera quand même de passer l’éponge, assurant à son ex-collaboratrice la certitude de son maintien dans le Bureau alors en instance de renouvellement. Dans cet élan de réconciliation, Moustapha Niasse convoque de nouveau Katy Cissé Wone, chez lui. C’était le 7 octobre dernier. Cette fois, c’est pour lui confirmer sa décision. La main sur le Coran, il jure : «Moi Moustapha Niasse, tant que je serai à l’Assemblée nationale, tu resteras dans le bureau. Je sais que les gens ici te regardent d’un mauvais œil…»

La surprise au bout des...promesses

L’ancienne coordinatrice du M23 sortira donc de cette rencontre, très réconfortée. Même les propos allusifs du président de la République tenus à la veille du renouvellement du bureau ne l'ont pas fait douter. Face aux députés de la majorité, Macky Sall même aurait déclaré : «Je vous demande de voter pour Moustapha Niasse. Et votez la liste qu’on vous donne. Soyez des militants disciplinés. Celui (ou celle) qui ne verra pas son nom dans le bureau, qu'il sache qu’il a été enlevé par son leader». Message ne pouvait être aussi limpide…

Traduction : c’est d’avance et à l’insu de l’écrasante majorité des parlementaires que le Bureau de l’Assemblée nationale a été ficelé. Le 11 octobre, c’est l’ouverture de la session. Alors qu’elle attendait que son nom soit lu, car Niasse lui en avait fait la proposition en jurant sur le Saint Coran, elle est brutalement étonnée d’avoir été zappée. Incompréhension ! Du haut de son perchoir, Niasse lui glisse une note, dont EnQuête a copie et dans laquelle il mentionne : «Je ne peux te (Katy) donner aucune explication, car je n’en ai pas. Je viens de voir à l’instant les changements intervenus parmi les vice-présidents. Cette liste est arrivée (de la Présidence de la République ?) ce matin à 10 heures.»

Le patron de l’Alliance des forces de progrès d’ajouter  : «Tout a été fait de ce que je pouvais jusqu’à ce matin. Je prends Dieu à témoin et je ne veux mettre personne en cause». Surprise, Katy Cissé Wone n’aura que ses yeux pour constater. De vice-présidente, ce politologue membre de la société civile devient un député simple. Elle ne pourra même pas espérer diriger une commission. Un «énorme gâchis» selon certains de ses collègues car, les «compétences de Katy ne sont plus à discuter».

D’autres sources avancent qu’elle a été «sacrifiée» par le système  des quotas institué dans le groupe BBY. «Moustapha Niasse a voulu faire entrer dans le Bureau Zator Mbaye qui est du même parti (AFP) que lui. Il a bien sollicité d’avoir un autre poste, mais on lui a fait comprendre qu’il n’avait droit qu’à deux postes. Alors, il fallait qu’il choisisse entre Katy et Zator Mbaye». Son choix aura été marqué du sceau du facteur partisan. Joint par EnQuête, le député de l’Afp n’a pas souhaité se prononcer sur cette affaire…

DAOUDA GBAYA

 

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