Ces voix qui font vibrer Tivaouane

Rappelés auprès de leur Seigneur, respectivement, le 14 septembre 1997, le 15 mars 2017 et le 22 septembre 2017, Serigne Mame Abdou Aziz Sy Dabakh, Serigne Cheikh Ahmed Tidiane Sy Al Maktoum et Serigne Abdoul Aziz Sy Al Amine demeurent plus que jamais dans les cœurs des fidèles rencontrés, et leurs voix retentissent encore dans la cité religieuse.
Né en 1904 à Tivaouane et décédé le 14 septembre 1997, Serigne El Hadj Abdou Aziz Sy Dabakh fut le troisième Khalife général de la confrérie musulmane tidiane, de 1957 à 1997. Au cours de son règne, il a œuvré à la préservation des valeurs et aux fondements de l’Islam. Vingt ans après sa disparition, ses thèmes et ses discours restent encore d’actualité. Quand on parle de discours, on pense immédiatement à celui que Dabakh a prononcé le 11 juin 1968, à l’occasion des funérailles du président de l’Assemblée nationale, Lamine Guèye. Un speech plein de symbole, concocté pour sermonner la classe politique de l’époque. Et qui va servir à l’élite politique d’aujourd’hui.
‘’Quand on fait une chose, on doit à penser à Dieu, à ses recommandations. Nous sommes tous venus de Dieu. Et un jour nous retournerons à Lui. Il faut aimer faire du bien. Si tu le fais, tu auras une vie éternelle. Il faut que vous vous donniez la peine de travailler. « Aduna du kёr, aduna du kёr, aduna du kёr » (nous ne sommes pas venus pour rester éternellement sur terre). Il faut que vous travailliez et vous contentiez de ce que vous procure le Bon Dieu. Je ne suis pas là pour juger les politiques. « jaamu leen Yàllà » (croyez en ce que vous faites et soyez les dignes représentants du peuple) « bayi leen caaxaan »’’, sermonnait Serigne Abdoul Aziz Sy Dabakh. Ce discours ne concerne pas seulement les hommes politiques de ce pays, soutient Seydina Assane Guèye.
‘’Je prends du plaisir à écouter ces voix’’
‘’Les voix de ces trois Khalifes me manquent beaucoup. Je prends toujours du plaisir à les écouter. Il faut se donner les moyens d’en faire autant et vous verrez qu’ils étaient tous des défenseurs d’un Islam de paix et de tolérance. Quand par exemple, Mame Abdou (Abdou Aziz Sy Dabakh) demande aux uns et aux autres de faire uniquement le bien, je crois que ce message n’est pas destiné aux seuls politiques de ce pays. Il touche au premier plan les hommes politiques, mais nous concerne également’’, indique Seydina Assane Guèye, un fidèle croisé aux alentours du complexe résidentiel Seydi El Hadj Malick Sy, et venu de Linguère pour prendre part à la célébration de la 116ème édition du Gamou de Tivaouane. Aussi, invite-t-il les fidèles musulmans de continuer à cultiver la paix sociale telle qu’indiqué par tous les guides religieux au cours de leur séjour sur terre. ‘’Mame Abdou était comme un père pour moi. J’ai plusieurs de ses vidéos et discours à la maison.
Je l’écoute tous les jours. Je puis vous assurer qu’il avait une excellente voix. Et ceux qui ont eu l’amabilité de l’écouter ne diront pas le contraire. Il était un poète et un homme doué en chant’’, s’empresse d’ajouter Ramatoulaye Sall, une habitante de Tivaouane. Fils de El Hadj Malick Sy et de Sokhna Safiétou Niang, Serigne El Hadj Abdou Aziz Sy Dabakh sera difficilement oublié par la communauté tidiane et la Umma islamique. Et pour cause, son discours à la Mecque, en 1965, au congrès islamique, est passé par là. Dabakh a vécu 93 ans sur terre et a fait 40 ans (1957-1997) de Califat.
‘’Al Maktoum et Al Amine sont irremplaçables’’
Nés, respectivement, le 29 décembre 1925 à Saint-Louis (nord du Sénégal) et en 1928 et rappelés à Dieu la même année (2017), Serigne Cheikh Ahmed Tidiane Sy Al Maktoum et Serigne Abdoul Aziz Sy Al Amine continuent d’être portés dans le cœur des fidèles musulmans, membres de la communauté soufie tidjane du Sénégal. Si certains estiment que leurs disparitions constituent une perte pour la Umma islamique, d’autres confirment et soutiennent que les deux guides religieux restent et demeurent ‘’irremplaçables’’.
‘’Al Maktoum et Al Amine ont été des régulateurs sociaux hors pair. Ils sont irremplaçables. Ils ont été deux véritables symboles de la Tarikha tidiane du XXIème siècle. Personne ne peut le nier. C’est pour cette raison que je vous dis qu’ils sont irremplaçables. Serigne Abdoul Aziz Sy Al Amine, par exemple, n’hésitait pas à rappeler à l’ordre les enseignants grévistes. Il apportait également sa ou ses suggestions à la bonne marche du pays’’, confie ce jeune pèlerin venu de Pire (Tivaouane). Avant d’ajouter : ‘’sa voix et son franc-parler resteront gravés à jamais dans ma mémoire’’, confie Yaya Abdoul Sène.
Serigne Abdoul Azziz Sy Al Amine avait de son vivant désamorcé plusieurs crises scolaires. Des prises de position qui feront du fils de Serigne Babacar Sy et de Sokhna Astou Kane ‘’un véridique’’ régulateur social. Quant au 5ème Khalife général de la confrérie tidiane, Serigne Cheikh Ahmed Tidiane Sy Al Maktoum, Yaya Abdoul Sène pense qu’il a participé à l’éducation du jeune musulman. C’est pourquoi, ajoute-t-il, celui-ci qui est décédé dans la nuit 15 au 16 mars 2017, reste et restera ‘’toujours le défenseur’’ des valeurs islamiques. ‘’Apprendre ses devoirs religieux et les mettre en pratique n’excluent nullement les travaux manuels et d’esprit qui conduisent à l’amélioration du sort de l’humanité. C’est là un autre champ qu’il ne faut fuir pour aucun prétexte’’, disait le prédécesseur de Serigne Abdoul Aziz Sy Al Amine.
Au-delà de la dimension spirituelle qu’il incarnait, Serigne Cheikh Ahmed Tidiane Sy fut également un amoureux des lettres. Après avoir bouclé son premier cycle inférieur et moyen d’études islamiques, il publia, dès l’âge de 16 ans, son ouvrage intitulé : ‘’Les vices des marabouts’’ et plus tard encore : ‘’L’inconnu de la nation sénégalaise : El Hadj Malick Sy’’. Selon le jeune Tidiane Yaya Abdoul Sène, celui qui a grandi aux côtés de Serigne Chaybatou Fall continue à faire parler de lui dans la ville sainte de Tivaouane.
Évoquer le nom de Serigne Abdou Aziz Sy Dabakh, de Al Maktoum ou encore de Al Amine dans la ville sainte de Tivaouane, c’est susciter une scène d’allégresse chez les fidèles musulmans de la confrérie tidjane. Ils sont tous disparus, avec comme dénominateur commun, le chiffre 7. Mais à Tivaouane, tous ou presque se remémorent leurs guides religieux.