Publié le 20 Nov 2020 - 05:30
ENTRETIEN AVEC CHEIKH BAKHOUM, DG ADIE

‘’Nous allons échanger avec tout le monde, Khalifa Sall y compris’’

 

La pandémie a été un choc et un révélateur de l’importance du numérique dans le monde actuel. Dans cet entretien, le directeur général de l’Agence de l’informatique de l’Etat (ADIE) nous plonge au cœur des réalisations, innovations et chantiers de ce bras technique de l’Etat, durant cette période charnière. Avant cela, il a troqué son habit de technicien pour celui de l’homme politique. Il a parlé de la bataille des Locales, notamment à Grand-Yoff, bastion de Khalifa Sall ; des changements opérés par le chef de l’Etat et de l’émigration, entre autres sujets.

 

Le président de la République a procédé, dernièrement, à un remaniement qui fait grand bruit. Comment analysez-vous le départ de certains cadres historiques, tels que Aminata Touré et les autres ?

D'abord, je me réjouis de ce remaniement. C’est un nouveau cap qui a été fixé par le président. Il y a de nouveaux entrants et des départs. C’est un phénomène qu’on a connu, lors du septennat, mais également en ce début du quinquennat. Pour moi, c’est tout à fait normal. Pour ceux qui ont été remerciés, il faut savoir qu’il n’y a pas que le gouvernement. Les gens peuvent aller servir dans d’autres stations...

Certains pensent, en fait, que c’est plutôt une mise à l’écart et non un redéploiement.

C’est une appréciation personnelle, donnée par les journalistes et observateurs. Mais, en réalité, que le président remanie, c’est normal. Qu’il change de cap et d’hommes, c’est tout aussi normal. Les institutions demeurent, les hommes passent. Personne n’est indispensable. Moi, je n’y vois aucun inconvénient et je n’ai aucune appréciation particulière.

Etes-vous de ceux qui estiment que le président a raison de brasser large et d’essayer de réunir la grande famille libérale ?

Je suis totalement en phase. En tant que chef de l'Etat, chef suprême des armées, cette posture lui impose à élargir au maximum, à travailler avec tous les fils et toutes les filles de ce pays. Plus on aura de Sénégalais mobilisés pour l’accompagner, plus nous aurons des résultats probants par rapport à notre volonté de satisfaire les Sénégalais partout où ils se trouvent. Je pense que c’est le sens véritable qu’il faut donner à l'élargissement du gouvernement. Depuis 2012, il est dans cette dynamique de travailler avec tous les Sénégalais, en élargissant la coalition. Aujourd’hui, certes, le président ne fait pas l'unanimité, mais l’écrasante majorité des Sénégalais sont avec lui.

Dans le même temps, il y a, parmi les responsables de votre parti, des gens qui voient d’un mauvais œil cette arrivée massive des libéraux. Que dites-vous à ces derniers ?

Juste essayer de rassurer tout le monde. Je pense que le président est dans une dynamique importante, une dynamique de stabilité. Et je pense que nous avons fait, à ce propos, des pas très importants. En termes de poids électoral, notre coalition représente aujourd’hui 80 à 85 % de l’électorat. Cela fait de nous l’entité politique la plus importante. Je pense qu’avec cette nouvelle reconfiguration, notre régime peut continuer à perpétuer les changements que les Sénégalais attendent.

Pour les Locales, la bataille s’annonce rude à Dakar. Vous briguez la mairie de Grand-Yoff qui est jusque-là imprenable pour l’APR. Quelles sont vos chances ?

D’abord, par rapport à ma candidature, elle sera discutée dans mon parti, ensuite dans la coalition Benno Bokk Yaakaar. Sur cette base, quel que soit le candidat choisi, nous serons mobilisés pour aller à la conquête de la mairie de Grand-Yoff, pour constituer surtout une vraie alternative par rapport à ce qui est fait jusqu’à maintenant. Nous voulons changer radicalement le visage de cette commune. Il est temps que les fils et filles de cette commune se mobilisent pour sortir nos compatriotes de cette situation. Nous espérons pouvoir constituer une excellente équipe qui va prendre en charge les préoccupations des Grand-Yoffois, afin de prendre à bras-le-corps, dès le premier jour de notre magistère, les problèmes de Grand Yoff. Voilà l’enjeu pour nous et nous espérons avoir l’adhésion des populations.

Il y aura quand même en face Khalifa Sall et sa coalition. Comment comptez-vous vous y prendre pour le battre, là où même Mimi Touré, ancienne PM, a échoué ?

Vous me donnez l’occasion de saluer mon grand frère. J’espère qu’aujourd’hui, l’intérêt de Grand-Yoff est notre préoccupation à nous tous. Khalifa est un doyen. Il a été le premier maire de la commune. Nous espérons qu’il va se mettre au-dessus de la mêlée et accompagner une nouvelle génération.

Pourtant, il se susurre qu’il est en négociation avec quelqu’un comme Sonko. Ce qui pourrait vous rendre la tâche davantage complexe…

Vous savez, les reconfigurations politiques sont dynamiques. Il faut attendre, d’ici les Locales, pour voir avec qui il va se retrouver. Khalifa était membre de notre coalition avant de la quitter. Personne ne sait s’il va revenir ou pas. Mais quels que soient les schémas, nous nous travaillons à avoir une vraie alternative à la tête de la commune. Nous devons donner un nouvel espoir à notre population. Quand nous nous engageons, c’est pour aller dans ce sens. Et nous allons échanger avec tout le monde, Khalifa Sall y compris. C’est un projet que nous devons partager avec tous les Grand-Yoffois pour arriver à régler définitivement les problèmes de nos populations.

Grand-Yoff est en proie à une prégnante question d’insécurité. Quelle est votre vision de cette problématique sécuritaire ?

 Oui. Aujourd’hui, dès qu’on parle de Grand-Yoff, on pense à l’insécurité. C’est une réalité que personne ne peut nier. Nous avons une jeunesse extrêmement dynamique qui, parfois, sort très tôt du système scolaire… Il faut qu’on prenne à bras-le-corps ce problème de la jeunesse.

D’abord, il faut qu’on cartographie les profils des jeunes que nous avons dans notre commune, pour mieux les accompagner. Très souvent, les jeunes qui sortent du système scolaire s’adonnent à certaines pratiques, parce qu’ils n’ont pas d’alternatives. Il est temps qu’on les accompagne comme il se doit. Si nous le faisons, nous ferons un pas dans la résolution de ce problème. Le vrai défi, c’est l’emploi et l’employabilité de la jeunesse.

Qu’est-ce qui explique ce silence bruissant de la majorité sur la question de l’émigration ? Ce silence n’est-il pas gênant ?

Non, ce n’est pas du tout cela. Nous sommes touchés au même titre que tout le monde. Et le président a eu à réagir. Nous regrettons vraiment cette situation. C’est dommage que nos jeunes préfèrent aller en Europe à bord de pirogues, prétendument pour avoir un mieux-être. Je pense que c’est plus une illusion qu’autre chose. Ils sont en récession, ils ont des taux de chômage très élevés… Je leur demande d’utiliser la voie légale, sinon rester dans le pays. Le potentiel, c’est au Sénégal, c’est dans le continent africain. Dans deux ans, nous allons produire du pétrole, avec toutes les opportunités que cela suscite. On aura besoin de main-d’œuvre. Il y a énormément de perspectives et cela permettra aux jeunes de s’épanouir. Sans compter tous les dispositifs mis en place par l’Etat. La réussite est possible.

Mais est-ce que ces mécanismes sont opérants ? Le constat est que les jeunes n’ont plus aucun espoir.

De toute façon, on ne peut mettre un terme à ce processus. Il y aura toujours des gens qui iront voir ailleurs. C’est un phénomène mondial. Le monde s’est construit comme ça. Avant, les Européens allaient aux Etats-Unis ; les Portugais ont fait de même en émigrant vers l’Allemagne, la France…

Si on arrive à développer notre pays, il y aura moins de jeunes qui vont émigrer dans ces conditions. Il faut que nous tous, nous y employons. C’est la seule solution. Il n’y a pas de solution qui, avec une baguette magique, fera que tout le monde voudra rester dans le pays. Je pense qu’il faut cesser le discours démagogique, en pensant qu’il existe un politicien qui pourrait régler tous les problèmes du Sénégal en moins de cinq ans, en moins de dix ans. Je pense que ce qu’on peut faire, c’est continuer de travailler à développer notre pays, continuer de surveiller nos côtes en utilisant, s’il le faut, des drones pour empêcher les départs. Il faut également continuer la sensibilisation au niveau des communautés. Parce que nos jeunes subissent également une pression terrible dans les familles.

Finalement, les gens sont découragés et tentent l’aventure pour être dans les champs en Europe, marchands à la sauvette... Il n’y a pas de perspectives extraordinaires dans ces pays. Il y a beaucoup plus de chance de réussir au Sénégal que dans ces pays. C’est la réalité. Malheureusement, c’est un phénomène que nous notons dans tout le Sénégal. Il faut continuer de sensibiliser les jeunes.

En attendant que cela se réalise, est-ce que la moindre des choses ne serait pas que le président de la République prenne la parole et s’adresse à la jeunesse de son pays ?

Je pense que le président a déjà communiqué sur le sujet. Il a engagé son gouvernement à prendre la question parmi les priorités. Et les ministres concernés sont en train de travailler dans ce sens. Nous devons tous nous mobiliser pour régler le problème. Car, 480 morts, c’est quand même beaucoup et nous sommes tous interpellés. C’est l’occasion pour moi de saluer les messages lancés par des personnalités comme le khalife général des mourides, Youssou Ndour et tous les autres.

Avec la pandémie, il est beaucoup question de l’utilisation du numérique. Quel a été l’apport de l’ADIE pour aider l’Administration à trouver des solutions à certains problèmes soulevés ?

Je voudrais me féliciter de la résilience dont nous avons pu faire montre, durant cette pandémie, surtout pour la continuité de l’Administration. A ce niveau, l’ADIE a été beaucoup sollicitée par les administrations pour continuer à fonctionner, à échanger au sein de l’Administration, à communiquer avec le public, les usagers de l’Administration. Jusqu’au plus haut sommet de l’Etat, les infrastructures de l’ADIE ont été utilisées, notamment pour l’organisation de conseils des ministres.

Ainsi, le président de la République a présidé plusieurs rencontres en mode télé-présence, grâce à nos infrastructures. Nous avons aujourd’hui une infrastructure télécom de dernière génération qui permet d’interconnecter les structures de l’Administration. C’est grâce à cela qu’on peut aujourd’hui organiser des rencontres en mode télé-présence, dans un réseau fermé et sécurisé. On a su montrer la puissance de nos installations, mais également nos capacités à pouvoir faire face quand des situations pareilles se présentent sans pour autant dépendre d’un quelconque prestataire ou d’une multinationale. On sait que dans ce domaine, beaucoup de multinationales ont des solutions.

Au-delà du Conseil des ministres, nous avions un package intitulé ‘’Package Covid-19’’. Nous avions un certain nombre de dispositifs que nous mettions au profit des structures. La plupart de ces solutions étaient déjà développées par l’ADIE. Mais force était de constater que nous avions un niveau d’utilisation faible. Grâce à la Covid-19, toutes les administrations sont venues à l’ADIE pour disposer de ces solutions. C’est l’utilisation de la messagerie administrative, parce que pendant cette période, les mails ont été beaucoup plus utilisés au détriment du courrier physique. Nos plateformes qui dématérialisent et qui gèrent les projets de manière générale ont pu être utilisées par beaucoup d’administrations, dans le cadre de la gestion des projets. Notre réseau, de manière générale, a été beaucoup sollicité. A tous les niveaux, nos services ont été là. Parfois même, on arrivait à des niveaux de saturation. Ce qui veut dire tout simplement que ce sont des infrastructures qu’il faut avoir pour permettre à notre Etat, quelles que soient les difficultés auxquelles nous sommes confrontés, de pouvoir assurer la continuité de sa mission.

Le secteur privé vous a-t-il sollicité ?

Il y a eu quelques privés que nous avons aidés. Mais 95 % notre action concerne l’Etat. Nous sommes en train de travailler à l’ouverture de nos produits et services, nos produits de manière générale. Nous disposons aujourd’hui de surcapacité sur les infrastructures que nous gérons. Ces dernières, en besoin primaire, sont pour l’Etat. Mais quand même, nous voulons mettre la surcapacité au profit du secteur privé.

Comment vous comptez vous y prendre ?

Pour nos installations de fibre optique, nous avons un catalogue que nous mettons à la disposition des opérateurs titulaires de licence. Nous avons de la fibre optique dans les 45 départements du Sénégal. Ce qui n’est pas le cas pour beaucoup d’opérateurs. Grâce à ces installations, les Sénégalais peuvent disposer du haut débit dans beaucoup de localités, parce que les opérateurs n’investissent pas dans des zones non-rentables. C’est cela l’avantage que nous avons en tant que service de l’Etat. C’est une offre de service que nous allons diversifier pour le service privé. On espère, d’ici quelques années, jouer les premiers rôles dans tout ce qui est digitalisation au Sénégal. Au niveau de l’Etat, on a presque vraiment tout fait.

Parlant de digitalisation, il a beaucoup été question des procédures administratives.

Sur la digitalisation des procédures administratives, on va dire que ces cinq dernières années, nous avons accéléré les choses. Nous avons créé un outil que nous appelons ‘’TeleDac’’. Il permet de digitaliser n’importe quelle procédure en un temps record. C’est une avancée majeure. Cela veut dire que si un ministère nous sollicite sur sa procédure, en moins d’un mois, nous sommes capables de lui délivrer une télé-procédure prête à être opérationnelle. Nous l’avons fait avec beaucoup d’administrations et de structures. C’est une avancée qui a permis de digitaliser une cinquantaine de procédures au niveau de l’Etat. Nous pouvons réaliser beaucoup de choses dans ce domaine, au bénéfice de nos concitoyens.

Malgré tous ces efforts, l’un des principaux casse-têtes reste jusqu’ici sans solution. C’est l’informatisation de l’état civil. Qu’est-ce qui bloque ce projet ?

C’est un projet extrêmement complexe. C’est une compétence transférée aux collectivités territoriales. Ce sont les mairies qui sont compétentes pour gérer l’état civil. Aujourd’hui, c’est le ministère des Collectivités territoriales, à travers la Direction de l’état civil, qui accompagne les mairies à digitaliser l’état civil.

Aujourd’hui, 100, voire 200 centres d’état civil sont informatisés. L’objectif est de permettre aux 557 centres d’état civil d’être dans les normes, modernes avec une application qui permet de gérer l’état civil.

Il y a un autre objectif qui est d’avoir une interconnexion dans toutes les localités. C’est un projet d’envergure. Le ministère en charge des collectivités territoriales est en train de faire un travail dans ce sens, pour une mise à niveau de tous les centres d’état civil. Ce qui permettra d’avoir une digitalisation intégrale de l’état civil au Sénégal. Ce projet est financé par l’UE et sera logiquement totalement réalisé dans deux ans au maximum.

Deux ans, n’est-ce pas trop long ? Y a-t-il des blocages dans l’exécution ?

C’est plus une question de moyens, parce qu’il faut accompagner les collectivités territoriales. Il faut mettre à niveau les centres qui accueillent les populations. Il faut que les bâtiments soient aux normes. Il faut que, dans certains centres où il n’y a pas d’électricité, qu’on puisse en avoir. Il y a également la problématique liée à la collectivité. Pour que tous les centres soient connectés, il faut un système national. L’enjeu majeur est d’avoir un outil qui répondra à ces problématiques. Cela demande des finances. On a un partenaire stratégique qui est l’Union européenne et qui est prête à mettre plusieurs milliards pour que ce projet puisse être réalisé. Nous, en tant qu’ADIE, nous allons accompagner le ministère, par la mise à disposition de notre réseau qui est national, mais également par notre expertise en termes de développement de logiciels, de mise en place de procédures digitalisées, pour y arriver rapidement. Au moment où je vous parle, un atelier est organisé dans ce sens par le ministère et nos équipes sont là-bas pour participer aux travaux.

Le Sénégal est le cinquième pays le plus touché par les cybers attaques. Est-ce que cela veut dire que nous sommes tous en danger ?

Pour la cybercriminalité, c’est une réalité partout dans le monde. C’est moins problématique pour nos Etats, parce que nous n’avons pas beaucoup de systèmes d’informations présents dans la toile. Mais plus on va se digitaliser, plus on va être exposé. Du coup, autant nous devons investir sur les systèmes d’informations, la digitalisation des procédures, autant nous devons investir sur les systèmes de défense, la cyber-sécurité en général. 

Il faut saluer la vision du chef de l’Etat qui a, aujourd’hui, mis en place la première école à vocation sous-régionale et orientée dans la cyber-sécurité. Elle va permettre, non seulement de former les jeunes de manière générale, mais également les agents de l’Administration. C’est un établissement logé à l’Ecole nationale d’administration. Ce qui va permettre de prendre les dernières préoccupations dans le domaine.

Au-delà de cette école, l’Etat est en train de faire de gros investissements dans le domaine de la cyber-sécurité. On est en train de travailler sur le projet ‘’Security Operation Center’’ qui est le centre des opérations de sécurité.

Aujourd’hui, au niveau de l’ADIE, on a lancé un petit centre, il y a deux ans, pour prendre en charge les problématiques liées à la cyber-sécurité pour l’intranet administratif. Mais l’idée est d’avoir un centre qui va gérer l’ensemble des réseaux du Sénégal, qu’ils soient publics ou privés. Ce qui va renforcer davantage notre capacité à pouvoir faire face aux attaques des cybercriminels. A ce niveau-là, nos autorités seront bien sensibilisées, mais également avec le personnel de qualité que nous avons dans l’Administration au Sénégal, je pense que nous pouvons faire face et prendre en charge les défis liés à la cybercriminalité.

Quel est l’intérêt de la construction de Data Center à Diamniadio ?

C’est un projet extrêmement important. D’abord, pour le président qui a eu la vision de mettre un Data Center de dernière génération à Diamniadio. Il prendra en charge tous les besoins, en termes d’hébergement, des données de l’Etat du Sénégal. Ce sera un dispositif qui sera aux normes. Il est de type Tier 3. Ce qui va être une première dans notre Etat. Il va permettre à beaucoup d’entités privées d’avoir une possibilité d’héberger des données au Sénégal. Il y a quelques opérateurs qui ont fait des investissements dans le domaine. Mais ce que l’Etat a fait au niveau de Diamniadio va permettre de faire du Sénégal un hub technologique qui va renforcer la visibilité de notre pays et le rendre plus attractif. Il va permettre à beaucoup de grandes multinationales, comme Google et Facebook qui ont aujourd’hui besoin de ce genre d’infrastructures, de pouvoir s’implanter au Sénégal.

C’est vraiment un projet structurant qui va renforcer la place du Sénégal dans le domaine technologique.

Où en êtes-vous avec le projet Smart Sénégal ?

C’est un projet qui est presque au bout et qui a cinq composantes. La première est la partie ‘’Smart territoire’’, avec des territoires intelligents. Nous voulons faire bénéficier à l’ensemble des territoires les technologies que nous développons. On a prévu, dans ce cadre, de mettre en place ce qu’on appelle les ‘’Espaces Sénégal services’’. L’idée, c’est d’avoir un guichet unique dans les 45 départements. Dans chaque département, les services de l’Administration pourront travailler en un seul point, d’abord grâce aux plateformes qui seront accessibles dans chaque espace. Nous allons mettre en place une plateforme d’intermédiation qui sera connectée à toutes les plateformes digitalisées au niveau de l’Etat. On a la plateforme, par exemple, pour gérer les impôts à la DGID. Il y a celle pour gérer les transactions à la douane, le permis de construire est digitalisé également. Nous allons pouvoir accéder à toutes ces plateformes digitalisées à partir d’une seule et même plateforme. L’usager qui va venir, quelle que soit la procédure qu’il veut effectuer, pourra le faire directement dans ces espaces. Il n’aura plus besoin de se déplacer dans les administrations.

Nous avons également la partie ‘’Education’’. L’ensemble des universités du Sénégal sont interconnectées dans un réseau fermé. Ce qui permet d’avoir des échanges en temps réel entre les universités, mais surtout permet aux étudiants qui sont dans ces campus de pouvoir se connecter dans des plateformes hébergées directement dans des universités. Ce qui augmente les ressources pédagogiques et renforce tout ce qu’on a fait jusqu’ici sur le télé-enseignement.

Au-delà de ce volet, nous avons la partie ‘’Sécurité’’ avec le programme ‘’Les villes sûres’’ ou ‘’Safe City’’. Nous avons travaillé avec les forces de défense et de sécurité sur ce projet. Avec ce projet, nous voulons rendre nos villes plus sûres, en permettant aux forces de défense et de sécurité de pouvoir agir vite. Il y a un problème dans les places publiques, en général. On a mis plus de 500 caméras intelligentes au niveau de Dakar, de Saly, de Mbour, de Kaolack, de Saint-Louis, de Touba et de Mbacké. Ces grandes villes, qui regroupent beaucoup de populations, ont ces dispositifs avec des centres de commandement qui permettent aux forces de défense et de sécurité de pouvoir non seulement surveiller ces espaces, mais également pouvoir coordonner leurs actions. Que cela soit la police, la gendarmerie, les sapeurs-pompiers ou les services du ministère de la Santé, ils pourront tous communiqué avec les centres de commandement. On espère qu’ainsi, ces villes seront les plus sûres du monde, à l’image de Londres, de New York où il y a exactement le même dispositif.

Au-delà de ça, nous avons la partie ‘’Wifi public’’. L’enjeu de la connectivité est un enjeu majeur, même économiquement, parce que plus les gens sont connectés, plus notre économie va mieux se porter, parce que nous allons permettre à beaucoup de Sénégalais, de nos patriotes et des gens qui vivent au Sénégal, de pouvoir disposer de l’information sur Internet, mais également d’y mettre de l’information. Il nous permet ainsi d’interagir avec le monde. La Banque mondiale dit qu’aujourd’hui, s’il y a une pénétration à haut débit de 10 % de la population, le pays gagne en moyenne une croissance de 1 %. Ce qui veut dire que plus on va donner accès aux Sénégalais le haut débit, mieux se portera notre économie.

Vous avez parlé de wifi public. Discutez-vous, pour cela, avec les opérateurs ?

On discute avec tous les opérateurs. Il n’y a pas d’exclusivité. Nous n’avons pas la prérogative de vendre l’Internet. Nous sommes obligés de passer par les opérateurs. C’est pourquoi nous travaillons avec tous les opérateurs. Sur beaucoup de sites à Dakar, nous sommes avec Free. Nous sommes en négociation avec Orange et Expresso sur plusieurs sites au Sénégal. L’objectif est de rendre très abordable l’accès au haut débit. On sait que la connexion 3 G et 4 G coûtent un peu plus cher. Le wifi, en termes de coût, est beaucoup plus abordable et accessible. Avec ce dispositif que nous avons mis en place et qui marche avec le solaire, c’est beaucoup plus rentable. En termes de maintenance, c’est beaucoup plus facile. Avec ces dispositifs, nous renforçons l’infrastructure existante en matière de connectivité, de mobilité avec celle déployée par l’opérateur.

Et la dernière partie de ce programme Smart Sénégal est le ‘’câble sous-marin’’. Dans le cadre de l’accès au haut débit, nous aurons, d’ici décembre 2021, normalement, un nouveau câble qui va atterrir sur les côtes sénégalaises. Il va renforcer la bande passante internationale de notre pays. Il permettra à l’Etat d’être autonome, parce qu’aujourd’hui, nous dépensons plusieurs milliards pour nous connecter à Internet. Avec ce nouveau câble sous-marin, notre objectif est de baisser au maximum l’utilisation de l’Internet au niveau de l’Etat. Ce sont des coûts que nous allons éliminer et ces économies, nous allons pouvoir les investir dans d’autres domaines prioritaires.

L’ADIE est le premier opérateur de fibre optique. Tout ce qui nous manquait, c’était d’avoir accès au câble sous-marin. Ce qui va nous permettre de rendre l’Etat autonome. Nous disposons également de la surcapacité que nous mettrons à la disposition des opérateurs titulaires de licence, des fournisseurs d’accès Internet pour leur permettre de vendre aux Sénégalais de l’Internet.

Propos recueillis par GASTON COLY

 

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