Publié le 27 Jul 2020 - 14:41
FACT CHECKING SUR DES PROPOS TENUS PAR BIRAHIME SECK, COORDONNATEUR DU FORUM CIVIL

Oui, l’IGE doit pouvoir vérifier la gestion de la fondation Servir le Sénégal

 

Le 13 juillet 2020, l’Inspection générale d’Etat (IGE) a publié, conformément à sa mission, trois rapports sur l’état de la gouvernance au Sénégal et de la reddition des comptes : celui de 2016, de 2017 et de 2018-2019. Après que le contenu des rapports a été diversement apprécié par les Sénégalais, Birahime Seck, Coordonnateur du Forum civil, une organisation de la société civile sénégalaise, a fait une déclaration, le 22 juillet 2020, soulevant des manquements de l’organisation de vérification de l’Administration publique.

Lors d’une conférence de presse, il assurait : ‘’On s’est rendu compte qu’avant la publication de ces trois rapports 2016, 2017 et 2018-2019, l’IGE est restée presque quatre ans ou bien cinq ans sans publier de rapport. Donc, du point de vue de la période de publication, il y a une violation manifeste de la loi par l’Inspection générale d’Etat qui est quand même un corps qui est chargé de vérifier la régularité et la conformité des lois.’’

Le 26 juillet 2020, en relevant des institutions publiques sur lesquelles l’IGE n’a pas publié de rapport depuis bien des années, le coordonnateur du Forum civil a affirmé, dans l’émission ‘’Grand Jury’’ sur la RFM, que l’IGE était compétente pour vérifier la gestion de la fondation Servir le Sénégal dirigée par la première dame Marième Faye Sall. ‘’EnQuête’’ a vérifié.

Dans l’émission ‘’Grand Jury’’, Birahime Seck, Coordonnateur du Forum Civil/Section sénégalaise de Transparency International, a affirmé : ‘’On n’a jamais vu l’Inspection générale d’Etat vérifier ou bien publier la gestion de l’administration de l’Assemblée nationale. Mais également un rapport de l’IGE sur la gestion financière de la présidence de la République, ne serait-ce que le Secrétariat général à la présidence de la République. On n’a jamais vu, également, un rapport de la Cour des comptes sur les services judiciaires. C’est-à-dire la gestion administrative et financière du Conseil constitutionnel qui est un organe de régulation quand même assez important dans le jeu démocratique. On n’a jamais vu un rapport de l’IGE sur les fonds alloués à la Cour d’appel de Dakar. Ni sur la gestion administrative de la Cour suprême. On n’a jamais vu un rapport de l’Inspection générale d’Etat sur la fondation Servir le Sénégal.’’ 

Ceci dit, il a continué en affirmant que ‘’l’IGE est compétente pour vérifier tous les organismes qui sont dans la générosité publique, qui sont d’utilité publique. Dans l’article 6 de la loi 2011-14 du 8 juillet 2011, l’IGE est compétente pour vérifier la gestion administrative et financière de ces structures. Pour preuve, la fondation Solidarité-Partage de l’ancienne première dame Elisabeth Diouf, comme de l’ex-première dame Viviane Wade, ont fait l’objet de contrôles de la Cour des comptes. Il y a plus de compétences conférées à l’Inspection générale d’Etat que de compétences conférées à la Cour des comptes’’.

Joint à travers une plateforme de réseau social, Birahime Seck a confirmé ses propos en nous demandant de nous ‘’référer à l'audio’’ (de l’émission ‘’Grand Jury’’, NDLR) : ‘’J'ai parlé de textes et de faits avec les fondations antérieures’’, a-t-il ajouté.

La fondation Servir le Sénégal est bien un organisme d’utilité publique

Nous avons vérifié le statut de la fondation Servir le Sénégal. C’est par lettre en date du 24 avril 2012 que madame Marème Faye Sall a sollicité la reconnaissance d’utilité publique de la fondation dénommée ‘’Fondation Servir le Sénégal’’. Le décret n°2012-989 du 18 septembre 2012 a accordé la reconnaissance d’utilité publique à la fondation Servir le Sénégal, accompagnée d’une durée indéterminée.

Nous avons aussi vérifié la loi à laquelle M. Seck a fait allusion. Il s’agit de la loi n°2011-14 du 8 juillet 2011 abrogeant et remplaçant la loi n°2005-23 du 11 août 2005 portant statut des inspecteurs généraux d’Etat, modifiée par la loi n°2007-17 du 19 février 2007. En son article 6, elle dispose : ‘’Les missions de l’Inspection générale d’Etat, en tant qu’institution supérieure de contrôle de l’ordre administratif (Iscoa) s’exercent sur : (entre plusieurs points) les organismes, les associations ou les fonctions faisant appel à la générosité du public.’’

Et dans les statuts du décret n°2012-989 du 18 septembre 2012 accordant la reconnaissance d’utilité publique à la fondation Servir le Sénégal, l’article 5 dispose : ‘’Elle a pour mission de recevoir et de gérer, en les capitalisant, les biens qui lui seront apportés à titre gratuit et de manière irrévocable (…).’’

Selon les textes, la déclaration de Birahime Seck est vraie

L’on peut ainsi déduire de l’article premier du décret n°2012-989 du 18 septembre 2012, que la fondation Servir le Sénégal est bien un organisme d’utilité publique et qu’elle fait appel à la générosité publique, si l’on se réfère à son article 5.

L’on peut aussi déduire de l’article 6 de la loi n°2011-14 du 8 juillet 2011 abrogeant et remplaçant la loi n°2005-23 du 11 août 2005 portant statut des inspecteurs généraux d’Etat, modifiée par la loi n°2007-17 du 19 février 2007, que l’IGE est apte pour vérifier les organismes, les associations ou les fonctions faisant appel à la générosité du public.

Ainsi, la vérification des textes permet de dire que, conformément aux déclarations tenues par Birahime Seck, Coordonnateur du Forum civil, dans l’émission ‘’Grand Jury’’, l’Inspection générale d’Etat a une autorité qui s’exerce sur une organisation telle que la fondation Servir le Sénégal.

L’on est tenté de se demander pourquoi, depuis 2012, aucun rapport sur la fondation Servir le Sénégal n'a été publié par l'IGE ? A cette question, le coordonnateur du Forum civil donne sa langue au chat : ‘’Ce n'est pas uniquement l'IGE, c'est valable aussi pour la Cour des comptes. Mais il appartient à l'IGE de répondre à cette question.’’

Lamine Diouf

Section: