Publié le 21 Dec 2018 - 00:03
FORUM DES PARTIS POLITIQUES SUR LA PRESIDENTIELLE

Les acteurs se parlent

 

Pour la sécurisation de l’élection présidentielle du 24 février, le Gradec a réuni, hier, pour des concertations, partis politiques, administration électorale et acteurs de la société civile.

 

A moins de trois mois de l’élection présidentielle, la tension dans l’espace politique reste palpable. Et, chaque jour, son lot de divergences. Hier, lors d’un forum des partis politiques organisé par le Gradec (Groupe de recherche et d’appui pour la démocratie participative et la bonne gouvernance), Me Mame Adama Guèye n’a pas fait dans la langue de bois. Il déclare : ‘’Ce que nous voyons ne nous rassure pas. Ces derniers jours, il a encore été révélé que le ministère n’est pas dans cette dynamique. On nous signale que la modification de la carte électorale va concerner environ 600 000 électeurs au minimum. Cette modification a été faite sans consultation des acteurs. Or, depuis 2000, toutes les élections ont été menées sur la base d’un consensus. Cette fois, ce n’est pas du tout le cas.’’

Ce qui est navrant, à en croire l’avocat, c’est qu’une modification d’une telle ampleur ne doit pouvoir être conduite sans concertation avec les différentes parties prenantes. ‘’Nous ne saurions dire que la modification est légitime, puisqu’on n’a pas été associé au processus. Le ministère, encore une fois, n’a pas fait preuve de bonne foi. Celle-ci aurait recommandé la consultation des acteurs. Nous demandons donc à la société civile de vérifier cela’’.

Casimir : ‘’Notre préoccupation est de travailler à ce que les électeurs puissent exercer librement leurs droits’’

Sur le thème de l’intégrité du système de sécurisation des opérations électorales, les acteurs ont cogité durant toute la journée d’hier. Le directeur de la Communication à la Dge, Bernard Casimir Demba Cissé, avait le ton solennel. Avec fermeté et beaucoup d’assurance, il a, une énième fois, convié les partis à plus de responsabilité, affirmant que son administration ne ménagera aucun effort pour un bon déroulement du scrutin. Revenant sur le problème de la modification de la carte électorale, il informe que cela n’est pas une première.

‘’Cette délicate phase du processus électoral qui, il faut le rappeler, est observée avant chaque scrutin, requiert la participation de tous les acteurs’’, insiste-t-il, avant de donner des gages : ‘’Les cartes d’électeur rééditées, conséquemment à certaines modifications, seront produites, envoyées et les stratégies appropriées seront déployées à la base pour en informer les citoyens concernés et les acteurs du jeu politique.’’ Casimir ne s’en limite pas. Il implore ces derniers de s’engager à porter ‘’la bonne parole’’ aux citoyens concernés. Cela, affirme-t-il, ‘’semble hautement plus bénéfique que les sciences et les énergies déployées pour y débusquer une quelconque volonté de malversation ou de fraude. Pour nous, il est d’un minime honneur que de vouloir jouer le bon rôle durant cette période. Nous, administration électorale, nous n’y gagnerons rien, car nous sommes tous concernés’’.

Loin de dénier à la société civile son rôle dans le processus, M. Cissé considère que ‘’les efforts de l’administration électorale seraient hautement renforcées par la précieuse contribution de la société civile, des acteurs politiques, des leaders religieux ou d’opinions pour le seul bénéfice des citoyens’’. ‘’Notre préoccupation, ajoute-t-il, est de travailler à ce que les électeurs puissent exercer librement leurs droits de vote. C’est un devoir, une obligation pour nous’’.

Eu égard aux difficultés exprimées par certains Sénégalais de retrouver leurs cartes, il informe que la Dge ne s’accordera ‘’aucun répit pour qu’en relation avec la Daf, tout correctif puisse être apporté’’. Puis, dans une dernière envolée, il confesse : ‘’Conscients que tous nos efforts de préparation seraient vains, sans une bonne organisation et un bon fonctionnement des bureaux de vote, nous allons tout faire pour minimiser les insuffisances déplorées, lors des élections passées. Notre souci de préserver le sens du vote des Sénégalais sera fortement manifesté dans la minutie qui sera apportée au déroulement du scrutin, au dépouillement, à l’accès libre au bureau à l’affichage immédiat des résultats…’’.

Casimir a enfin réaffirmé la volonté de son service à recevoir et traiter toute récrimination fondée sur les opérations liées au processus. ‘’Notre engagement, fulmine-t-il, fait fi des accusations que nous mettons sur le compte de la surenchère légitime entre acteurs. Des doutes et suspicions, nous continuons notre travail, le processus devenant irréversible, le corps électoral étant déjà convoqué’’, peste-t-il.

Ayant quitté le lieu de la rencontre, quand Mame Adama Guèye se prononçait sur le nombre d’électeurs qui seraient impactés par la modification de la carte électorale, le directeur de la Communication a été appelé pour les besoins de recoupements, mais sans succès.

Mazide Ndiaye : ‘’Ce qui est immoral, illégal, inacceptable, on va continuer de le dire.’’

Mazide Ndiaye, lui, livre son opinion sur ce dossier de la modification de la carte électorale : ‘’Cela fait longtemps qu’on demande de mettre à la disposition des gens la carte électorale. Mais, on peut comprendre que le gouvernement hésite à le faire, parce qu’à chaque fois qu’un Bv atteint 600 personnes, il faut en créer un nouveau. Et tant que la carte n’est pas établie, on ne peut savoir quels sont les Bv qui ont 600 électeurs. Mais je préfère laisser la question au Gradec et à la Pacte qui vont se réunir.’’

Entre l’opposition et le pouvoir, il y a surtout la société civile qui s’interpose. Souvent accusée de parti pris, celle-ci s’en défend, mais assume ses prises de position. Mazide Ndiaye réplique : ‘’Parfois, il nous arrive d’être un peu lâche. On voit Bombardier ’di door kourpagn Baba Maal’… Il y a des cas où nous, société civile, on est obligé de dire que ça ce n’est pas bon ; et on le fait. On le fait avec nos propres mots, avec notre méthode. C’est pourquoi, il est heureux de voir le ministère participer à ce genre de rencontre, parce que tout le monde en apprend. Qu’il s’agisse d’élections ou d’autre chose, lorsque les choses ne tournent pas dans le sens, pas nécessairement légal, mais légitime, il est de notre rôle d’essayer par nos méthodes d’agir.’’

Interpellé sur les accusations faites à l’endroit de la société civile, il rétorque : ‘’Il se trouve que certaines décisions prises par le gouvernement sont critiquables. Et, dans ces cas-là, on le critique. Et c’est en ce moment qu’ils disent qu’on est encagoulé, qu’on est bla-bla-bla. Mais quand ils font de bonnes choses et qu’on l’approuve, ils ne disent rien. Nous restons droits dans nos bottes. Ce qui est immoral, illégal, inacceptable, on va le dire.’’

Mazide Ndiaye demande également aux partis politiques (pouvoir et opposition) de jouer leur rôle, en contribuant à l’éducation de la population ainsi qu’en étant présents dans les bureaux de vote. Pour lui, le dialogue est fondamental pour restaurer la confiance en vue d’aller au scrutin dans les meilleures conditions.

Il rappelle : ‘’L’an dernier, Macky Sall nous avait reçus avec Babacar Guèye. Nous lui avions clairement expliqué qu’il faut que dans nos rencontres, tout le monde doit être sur le même pied. Le ministre de l’Intérieur ne pouvait présider les travaux de commission. Il n’était pas du même avis. Il avait défendu que si le ministre est là, c’est lui qui doit présider. Nous avons dit non et il nous a alors dit : dans ce cas, vous faites vos commissions ad hoc’’.  Pour Mazide Ndiaye, les protagonistes doivent pouvoir se battre à armes égales.

Par rapport à certaines récriminations, Mazide Ndiaye explique que, souvent, ce n’est pas la loi qui est remise en cause, mais les hommes chargés de la mettre en œuvre. En ce qui concerne le fichier, il salue le contrôle qui a été opéré tout en regrettant la manière ‘’pas transparente’’. Il déclare : ‘’Il faut que les gens puissent vérifier pour s’assurer que ce qui est dit est réel. En plus, quand vous dites aux gens d’apporter 0,8 %, vous devez leur permettre de savoir ce qui est dans le fichier…’’.

Le représentant de la Cena, Amsata Sall, a lui fait savoir que l’institution va jouer pleinement sa partition pour une sécurisation du scrutin. ‘’Nous avons l’intime conviction qu’avec un climat social apaisé et avec un effort collectif de tous les acteurs, nous pourrons avoir une élection libre, sincère et transparente. Que chacun assume sa part de responsabilité. La politique n’est pas l’art du pouvoir, mais celui du vouloir’’.

Les médias parmi les sources de vulnérabilité

Les participants au forum sont également revenus sur les principales sources de vulnérabilité qui pèsent sur le scrutin. A ce niveau, les médias ont retenu particulièrement l’attention du directeur exécutif de Gorée Institute, Doudou Dia. A l’en croire, les organes de presse sont en bonne place dans la classification des sources de conflit dans les élections. Il souligne : ‘’C’est un danger qui nous guette. Les médias sénégalais ont toujours été jugés comme étant indépendants et crédibles. Actuellement, il y a beaucoup à dire. Par exemple, le problème de l’accès aux médias se posait, surtout avec les médias publics, on le voit de plus en plus avec les médias privés. En outre, vous achetez n’importe quel journal, vous vous rendez compte de son ancrage dans un bord ou dans un autre.’’

Mais outre les médias, il existe d’autres sources de vulnérabilité, selon toujours M. Ka. Parmi elles, il y a l’absence de dialogue, le manque de consensus autour du fichier, l’acceptation de tous les candidats, le manque de confiance, la place des médias… ‘’Depuis les législatives de 2017, nous sommes dans une tension permanente. Et à cela s’ajoute un climat de suspicion, de collision entre les juges et le gouvernement. Sans parler de la question du parrainage qui a fini de déstabiliser l’opposition ainsi que les doutes sur les organes en charge de l’organisation du scrutin’’.

L’ancien directeur de la Communication, Macoumba Coumé, est quant à lui revenu sur les risques majeurs et les risques mineurs. Les premiers ont trait notamment à la modification de la carte électorale qui entraine nécessairement une augmentation du nombre d’inscrits et impacte sur le nombre de bureaux de vote. ‘’On parle de 15 000 bureaux de vote. Ce qui va poser un problème de ressources humaines. Mais il ne suffit pas de recruter, il faut également les former, alors que le temps est court. S’ils ne sont pas bien formés, cela peut déteindre négativement sur le bon déroulement de l’élection’’. Monsieur Coumé met également en garde contre une communication défectueuse sur ce sujet. ‘’S’il n’y a pas une bonne communication, beaucoup d’électeurs auront du mal à retrouver leurs cartes ou à leurs bureaux de vote’’.

MOR AMAR

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