Publié le 14 Mar 2013 - 10:05
GOUYE MASSALY, UN DAARA ''MODÈLE''

Ses « talibés » vitupèrent contre Macky Sall et son gouvernement

Au moment où les écoles coraniques polarisent les attentions, les pensionnaires du daara Gouye Massaly arborent la toge de l'avocat des ''ouztaz'' et crachent du feu sur le chef de l’État sénégalais. Reportage sur un daara considéré comme modèle!

 

''Que Macky Sall nous laisse en paix. L'incendie de la Médina ne doit pas être un prétexte pour interdire la mendicité infantile. Il n'aurait pas demandé qu'on ferme les écoles publiques, si l'une d'elles avait pris feu!». Ces propos de Moustapha Yade, un jeune talibé originaire de la région de Kaolack, ont de quoi donner des frissons à une partie de l'opinion publique qui prône une nouvelle approche de l'enseignement religieux dans notre pays, en vue de sauver des enfants de la maltraitance et des conditions de vie inhumaines.

 

Le jeune garçon, qui tient sur ses 10 berges, porte, pour autant, la voix de ses autres camarades, pensionnaires du célèbre daara Gouye Massaly, dans le populeux quartier de Niarry Tally, sur le site qui abritait la célèbre mosquée mouride Massalikoul Djinane. Tous acquiescent par un hochement de tête en tirant, à l'unisson, à bout portant sur le nouveau régime qui n'aurait, à leurs yeux, aucunement le droit de traquer des maîtres coraniques ou d'afficher l'intention de fermer des ''daaras'' qui rameraient à contre courant des droits des enfants. Moustapha Yade, Ousmane Seck, originaire de Touba et Ousmane Diaw, qui vient du Saloum, disent tous la même chose.

 

Ambiance bon enfant à Gouye Massaly

 

Toutefois, si dans ce daara les enfants ''talibés'' ont le sourire bariolé et que la joie de vivre se reflète dans leur regard, c'est parce qu'ils ne sont pas assujettis aux traitements inhumains et à l'exploitation qu'on fait subir à leur congénères d'autres daara. Les chaussures sont certes poussiéreuses, les habits sales, mais le visage avenant. Les jeunes talibés de Gouye Massaly affichent clairement leur bonheur d'évoluer dans cet environnement caractérisé par une certaine promiscuité.

 

Un bonheur dû au fait que ce grand site désertique a vu défiler plusieurs générations de talibés. ''Mon frère est un ancien élève de cette école, il tient aujourd'hui un commerce fructueux''. ''Mon oncle aussi était un pensionnaire du daara, il est chauffeur de car rapide...'' Tous ont la forte conviction que la réussite est au bout du tournant, surtout qu'ils auront la possibilité de suivre des cours d'arabe à leur ''sortie''. ''Nombreux sont ceux qui ont pu, par la suite, obtenir le bac arabe et décrocher une bourse pour des études à l'étranger. Ils me rendent souvent visite'', confie, avec une sérénité digne des grands hommes, le tuteur et responsable de cette école religieuse, Serigne Diop.

 

Son école, dépourvue de moyens logistiques et financiers, aurait formé des hommes qui seraient des modèles de vertu dans leur secteur d'activités respectifs. De nombreux fidèles continuent de s'acquitter de leurs 5 prières quotidiennes dans ce lieu mythique qui abritait naguère une mosquée. ''Je suis un ancien élève de cette école. C'est parce que le marabout Serigne Diop est un modèle, une référence que nous continuons à prier ici. C'est un homme exemplaire qui mérite vraiment d'être soutenu par l'État'', confie Alioune Diouf, un ancien contrôleur de la défunte Sotrac.

 

Un marabout pas comme les autres !

 

De nature calme et effacé, Serigne Diop est du genre à inculquer à ses disciples le sens de la dignité dans l'épreuve. Il n'aurait pas besoin de mettre ses talibés sur le droit chemin, à grands renforts de gifles et de coups de ceinturon. Le regard perçant, une voix forte, le marabout dit puiser son caractère de son expérience d'ancien talibé. Il est un pur produit du « daara » qu'il dirige aujourd'hui. Il allie, aux yeux de ses pairs, rigueur et probité morale. L'homme dit faire dans la souplesse avec ses disciples à qui il a appris à agir dans la rectitude.

 

Dans ce daara, tous les enfants ne sont pas soumis à la mendicité. Ceux qui n'ont pas encore atteint l'âge de 7 ans de même que ceux qui ont plus de 12 ans en sont dispensés. Mieux, ceux qui vont mendier ne s'y attardent pas. Certains rentrent 30 minutes après, avec un bol de riz qu'ils partagent avec leurs camarades. Interpellé, le marabout cherche à dissimuler sa satisfaction. Ses disciples se démarquent, en effet, de bon nombre de ''talibés'' qui passent plus de temps dehors que sur leur lieu d'apprentissage. Et d'ailleurs, la plupart rendent régulièrement visite à leurs parents, passent les fêtes religieuses en famille et retrouvent toujours le cocon familial, après leur formation religieuse.

 

Le seul hic : les parents ne s'acquittent guère d'une prise en charge financière. ''Je rends grâce à Dieu qui m'aide à tenir ce daara, avec mes maigres moyens. J'ai vraiment besoin de l'aide des autorités étatiques. Ce n'est pas évident, mais j'ai pu tenir jusqu'à présent'', confie le marabout Serigne Diop. Il veut pérenniser le legs de son père. ''J'essaie d'assurer la relève, d'être fidèle à ses enseignements. Faire preuve d'humanité envers ces enfants est une obligation, une reconnaissance envers le divin. Le daara, c'est ma vie, ma famille. J'en fais un sacerdoce. Je n'ai aucunement le droit de faillir à ma mission, même si je dois dire qu'on a vraiment besoin de soutien financier ».

 

Pour Serigne Diop, comme pour d'autres, même si un coup de balai s'impose dans le secteur, c'est à l’État de redynamiser l'enseignement religieux, en leur allouant des moyens subséquents, mais en faisant jouir ces enfants d'une protection sociale et médicale.

 

Matel BOCOUM

 

 

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