Publié le 22 Nov 2019 - 03:32
GRACE MEDICALE POUR HISSENE HABRE

Les avocats des victimes s’opposent

 

Face aux différentes sorties médiatiques relatives à l’état de santé de l’ex-président Hissène Habré, le collectif des avocats des victimes dit non à tout projet de grâce médicale, en rappelant les obligations internationales du Sénégal dans ce dossier.

 

Le chapitre Hissène Habré suit son cours. Et c’est au tour du collectif des avocats des victimes de l’ancien président tchadien de monter au créneau pour opposer un refus catégorique à une grâce médicale. Dans un communiqué parvenu à ‘’EnQuête’’ ils déclarent : ‘’Nous, les avocats de milliers de ses victimes, rejetons cette demande et exigeons que, conformément au verdict historique prononcé par les Chambres africaines extraordinaires et aux obligations internationales du Sénégal, M. Hissène Habré purge la peine de la réclusion à vie à laquelle il a été condamné. Si M. Habré est vraiment malade (mais qui ne se souvient de sa prétendue “crise cardiaque“ à la veille du procès ?) un traitement adapté peut et doit lui être prodigué sans que l’exécution de sa peine ne soit suspendue par une mesure de grâce.’’

Une position qui devrait réjouir son épouse qui, depuis samedi dernier, demande la prise en charge médicale du président. Ce, sans jamais évoquer l’idée d’une grâce.

D’un autre côté, les avocats du détenu s’activent, d’un point de vue médiatique, pour alarmer l’opinion, affirmant que leur client est effectivement mal-en-point. Le 12 novembre 2019, le Forum du justiciable, évoquant son état de santé, avait demandé à l’Etat du Sénégal de permettre à Hissène Habré de sortir de prison pour se faire soigner. Chose qui, vu la réaction du collectif des avocats des victimes, ne risque pas d’arriver. ‘’Une grâce violerait non seulement les obligations internationales du Sénégal, mais serait également un désaveu moral envers ses milliers de victimes. Ce jugement exemplaire, qui fait l’honneur du Sénégal et de l’Afrique, a établi que Hissène Habré a ordonné la commission de crimes ignobles, des milliers d’assassinats, l’usage systématique de la torture, l’esclavage sexuel, les viols dont les survivants portent encore les stigmates. Ces personnes continuent de souffrir de douleurs chroniques liées aux mauvais traitements qu’elles ont subis’’, affirme le collectif.

Selon les avocats des victimes, le statut des Chambres africaines extraordinaires est clair sur la question, au travers de l’article 26.3 qui prévoit expressément que l’état de l’exécution des peines est lié par la durée de la peine prononcée par les chambres. De plus, l’article 26.2 précise que les peines d'emprisonnement doivent être exécutées conformément aux standards internationaux, et non nationaux, surtout que la Chambre d’appel a rappelé que le Sénégal exécute la sentence prononcée ‘’pour le compte du tribunal en application du droit international et non de son droit interne’’. 

En conséquence, ‘’cet Etat ne peut, en aucun cas… altérer la nature de cette peine, afin de ne pas remettre en cause son caractère véritablement international’’.

Et le collectif d’ajouter : ‘’Nous attirons aussi l’attention sur le fait que les chambres ont ordonné à Habré de payer 82 milliards de francs Cfa aux 7 396 personnes désignées. A ce jour, il n’a toujours pas versé un seul centime aux victimes. Hissène Habré a caché, et cache toujours, l’argent qu’il a volé au peuple tchadien, tandis que les victimes sont réduites à manifester tous les jours dans les rues de N’Djamena pour demander le paiement des indemnisations.’’

EMMANUELLA MARAME FAYE

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