Publié le 23 Mar 2021 - 21:57
JOURNEE MONDIALE DE L’EAU

La Société civile internationale dénonce la marchandisation de l’eau 

 

Laisser les lois du marché décider de la répartition et de la gestion de l’eau est inacceptable, au regard des droits humains, et ‘’irresponsable’’ face à la situation écologique et sanitaire mondiale. C’est ce qu’a soutenu la Société civile internationale, dans une déclaration publiée hier, à l’occasion de la Journée internationale de l’eau.

 

Ce 22 mars, les Nations Unies ont célébré la Journée mondiale de l’eau autour du thème officiel ‘’La valeur de l’eau’’. Un choix de thème qui doit, selon la Société civile internationale, alerter. ‘’Donner une valeur financière à la nature est un phénomène grandissant qui vient d‘atteindre son paroxysme, avec l’entrée en bourse de l’élément le plus essentiel pour l’humanité et la vie : l’eau. Parce que l’eau est la source de la vie, elle ne peut être considérée comme une marchandise, ni comme un placement financier ou un objet de spéculation. Les menaces que font peser la pandémie et la crise climatique au niveau mondial doivent nous en faire prendre conscience de manière urgente. Laisser les lois du marché décider de la répartition et de la gestion de l’eau est inacceptable, au regard des droits humains, et irresponsable face à la situation écologique et sanitaire mondiale’’, soutient la Société civile dans une déclaration transmise hier à ‘’EnQuête’’.

La Société civile internationale considère que l’entrée de l’eau en bourse est ‘’un crime contre le vivant’’. Ainsi, elle rappelle que le 7 décembre 2020, la plus grande société mondiale d’échange de produits dérivés financiers, CME Group, a lancé le premier marché à terme de l’eau. ‘’Les investisseurs et spéculateurs peuvent désormais parier sur l’évolution du cours de l’eau en Californie. En théorie, les contrats à terme doivent permettre de lutter contre la volatilité des prix et offrir une sécurité aux agriculteurs. La réalité, elle, a largement montré le contraire. Les impacts des ‘marchés de l’eau’ déjà mis en place dans plusieurs pays, sont catastrophiques. Au Chili, des rivières sont mises aux enchères et acquises par des milliardaires qui utilisent les eaux pour irriguer massivement les productions intensives d’avocats ou alimenter les mines, tandis que des millions de personnes tentent de survivre à cet accaparement de l’eau qui entraine des sécheresses majeures’’, dénonce-t-elle.

L’eau de qualité de plus en plus ‘’rare et convoitée’’

En Australie, aussi, le document révèle que le marché de l’eau, censé soutenir l’économie tout en empêchant le gaspillage de l’eau, a finalement incité les investisseurs et les industriels de l’agriculture à la spéculation, en fonction des prévisions de pénurie et du prix futur de l’eau, au détriment de l’accès à l’eau des paysans.

Au-delà ce phénomène, la Société civile internationale indique que la pollution, la surexploitation, la marchandisation, les accaparements, la perturbation des cycles… restent autant de pressions que subissent déjà les écosystèmes aquatiques du fait des modèles de développement des pays. Dans ce contexte de crise de l’eau généralisée, elle pense que l’eau de qualité est ‘’de plus en plus rare et convoitée’’. Elle devient un ‘’placement financier idéal’’ pour les investisseurs, puisque chaque personne en a besoin pour vivre, et qu’aucun substitut ne peut la remplacer.

Alors que l’Organisation des Nations Unies (ONU) a reconnu le droit humain à l’eau, il y a plus de dix ans, la Société civile internationale affirme donc qu’un sursaut est nécessaire. ‘’Pour que le droit à l’eau devienne une réalité pour tout le monde, nous devons rejeter cette vision purement économique et utilitariste de l’eau. Dans de nombreux territoires, des politiques de l’eau alternatives s’expérimentent avec, au cœur, le respect des écosystèmes dont nous dépendons. A travers le monde, des personnes s’organisent pour faire reconnaitre leur droit à l’eau et exigent leur pleine participation aux politiques des bassins versants’’, renchérit notre source.

Elle relève dans sa déclaration signée par plus de 550 organisations et collectifs du monde entier, que de nombreux collectifs dénoncent la mainmise des intérêts privés sur l’eau et résistent face à des projets mettant en péril l’eau de leur milieu de vie. D’autres font pression pour que des droits soient reconnus à des rivières, des glaciers ou des lacs. ‘’Cette responsabilité collective des communautés humaines vis-à-vis de l’eau en tant que bien commun du vivant, n’est pas une option. C’est pourquoi, en cette Journée mondiale de l’eau, associations et collectifs de tous les pays, dans toute notre diversité, nous nous unissons pour rappeler que l’eau est un droit humain et un bien commun. Nous continuerons de le dire, dans toutes les langues s’il le faut : l’eau c’est la vie ! Nous réaffirmons qu’un droit humain n’est pas conditionné à la capacité de payer. Nous réaffirmons qu’un bien commun ne doit pas être géré et contrôlé par les lois des marchés financiers’’, insiste-t-elle.

 Ainsi, la Société civile internationale appelle à la prise de responsabilité des pouvoirs publics pour qu’ils s’opposent à la ‘’financiarisation de la vie’’ et qu’ils prennent toutes les mesures nécessaires pour ‘’rendre illégale’’ la cotation de l’eau en bourse. ‘’Nous appelons également chaque personne à revendiquer son droit à l’eau, à refuser l’emprise des acteurs financiers sur cet élément vital, à se réapproprier ce bien commun du vivant et à contribuer à sa protection pour les générations présentes et futures. Ayons l’audace de repenser notre rapport à l’eau, car il y va de l’habitabilité de la terre’’, lance-t-elle.

D’après elle, des milliards de personnes ‘’ne jouissent toujours pas’’ de leur droit humain à l’eau et des millions de petits paysans ‘’éprouvent déjà de grandes difficultés’’ pour accéder à l’eau. ‘’La financiarisation de l’eau ouvre la porte à des spéculations massives et à des prix de l’eau élevés favorisant les acteurs économiques les plus puissants. C’est le risque de voir se multiplier des monocultures ou des zones sacrifiées par des crimes environnementaux causés par l’agrobusiness et l’extractivisme, dont les intérêts économiques et financiers sont bien plus attractifs pour les spéculateurs. Dans ce lucratif marché, les besoins humains et les besoins des écosystèmes ne sont pas prioritaires’’, conclut la Société civile internationale.

MARIAMA DIEME

 

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