Publié le 8 Feb 2023 - 18:37

L’étrange mandat du droit-del’hommiste Henri Valentin B. GOMIS

 

La traduction concrète du respect des droits de la défense, considéré comme l’une des règles fondamentales de la justice, consiste dans « le droit pour toute personne à l'assistance d'un conseil et dans la faculté pour une partie d'être représentée par un avocat ». Quid de la défense des « amnésiques politiques », des « boulimiques alimentaires politiques », des  « bellâtres de la troisième candidature », des « loufoques gens » et des « pyromanes politiques » ? L’avocat au barreau de Dakar, Henri Valentin B. GOMIS, s’est commis d’office pour les clouer au pilori au tribunal populaire. Mais qui sont ces « proscrits » ? Qu’ont-ils donc en commun dans leur droit d’être et de parler qui agace tant Maître GOMIS ? D’où l’auxiliaire de justice tire-t-il sa légitimité pour les sommer à se taire ?

« Penser par le ventre »

Les « amnésiques politiques » ne se souviendraient de rien. La sous-culture populaire et urbaine considère qu’ils ne se souviennent même pas du menu du dîner la veille de leur prise de parole publique. L’insulte se passe de commentaire.

Les « boulimiques alimentaires politiques » vivraient de la politique et mangeraient à tous les râteliers… Mais il y a un vrai risque à s’attaquer à eux. L’homme politique expérimenté et intègre, El Hadj Momar SAMBE, estime que celles et ceux qui ne voient à travers chaque « politicien(ne) » rompu(e) à la tâche qu’un « mange-mil » pensent par le ventre.  Nous laissons le soin aux lectrices et aux lecteurs d’approfondir la construction intellectuelle qui permet de conquérir un très grand nombre de faits politiques sur les préjugés d’observateurs peu rigoureux.

S’agissant des « bellâtres de la troisième candidature », ils sont physiquement beaux, mais leurs torts sont d’être trop fats (déplaisants) et trop niais (inexpérimentés) pour se prononcer sur un mandat présidentiel. Ils n’auraient donc pas droit à la parole même lorsqu’ils s’appuient sur les éclairages de spécialistes. Ils feraient donc mieux de se taire.

Les « loufoques gens » sont des fous. Leur prise en compte par Maître GOMIS pourrait être assimilée à la pratique illégale de la médecine par un avocat. Un auxiliaire de justice ne doit pas dire ou écrire ça ! Que dit d’ailleurs la loi ?

Et, pour finir, les mots et les commentaires libres des « pyromanes politiques » seraient aussi dangereux que les briquets, les boîtes d’allumette, les bonbonnes de gaz, les bidons d’essence, les pneus brûlés, les lance-flammes, les armes légères et les mitrailles des insurgés rompus au « Mortal Kombat » inspiré par la série de jeux vidéos de combat.  Le factieux Ousmane SONKO en a la fringale a telle enseigne qu’il le  recommande, sans les y avoir initiés, à nos écoliers et élèves encanaillés par son langage au ras des pâquerettes. Hallucinant !

Contrairement à ce que Maître GOMIS insinue dans son laborieux exercice de philologie amateure, les « amnésiques politiques », les « boulimiques alimentaires politiques », les  « bellâtres de la troisième candidature », les « loufoques gens » et les « pyromanes politiques » ne se trompent pas de jurisprudence puisqu’il savent tous que le président sortant en 2012, Maître Abdoulaye Wade, élu en mars 2000 sous l’empire de la loi fondamentale de 1963, puis réélu en février 2007 sous l’empire de la Constitution de 2001, avait été autorisé en janvier 2012, par le Conseil constitutionnel, à briguer un troisième mandat. Le droit-de-l’hommiste Henri Valentin B. GOMIS appliquera alors aux « proscrits » qu’il désigne lui-même une double peine en les vilipendant comme c’est pas permis et en foulant au pied leur droit à la défense en cas d’attaques dirigées contre eux et leurs biens par les inconditionnels de M. SONKO. Bien étrange mandat que celui d’infliger deux peines pour une infraction imaginaire…

Clap de fin des philosophes

En même que paraissait dans les colonnes du journal Sud Quotidien, daté du mercredi 18 janvier 2023, la très courte démonstration de Maître Henri Valentin B. GOMIS, l’Astre de Hann - Le Soleil - publiait l’interview que lui accorda l’un des plus remarquables penseurs du XXIe siècle commençant, le Sénégalais Souleymane Bachir DIAGNE.

DIAGNE présidera, jusqu’en 2026 au moins, le conseil d’administration de la Fondation pour la démocratie en Afrique qu’abrite l’Université du Wits située à Johannesbourg dans la région historique du Witwatersrand. Travaillant de façon bénévole, le philosophe dit ne s’être pas dérobé quand la proposition lui a été faite de contribuer à l’animation de la Fondation dès lors qu’il lui a été donné de mettre la main à la pâte dans son travail philosophique qui a toujours été aussi une « défense des valeurs de la démocratie ».

« Il ne faut pas se donner des régimes invivables », avertit l’auteur, avec Jean-Loup Amselle de « En quête d’Afrique (s) : Universalisme et pensée décoloniale » (Albin  Michel, Paris, 2018). De l’avis du Directeur de l’École normale supérieure (Ens) de Paris, le philosophe Frédéric WORMS, une des manières de se taper un régime politique « invivable » est de ne pas tenir compte des « risques qui pèsent sur le discours démocratique, notamment avec l’Internet qui peut être “le pire poison ou le pire remède” ». S’exprimant à l’Académie nationale des sciences et techniques du Sénégal (Ansts), WORMS dit de la démocratie qu’elle est « l’institution progressive des limites dans toutes les relations humaines pour éviter qu’elles soient un moyen de domination » (Le Soleil, 18 janvier 2023).

De quel étrange mandat dispose alors Maître Henri Valentin B. GOMIS pour exclure du débat démocratique celles et ceux qu’il dit être des « amnésiques politiques », des « boulimiques alimentaires politiques », des  « bellâtres de la troisième candidature », des « loufoques gens » et des « pyromanes politiques » ? Aucun vraiment !

Abdoul Aziz DIOP
Auteur de « Gagner le débat » (L’Harmattan Sénégal, 2023)
Conseiller spécial à la Présidence de la République

 

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