Publié le 4 Oct 2012 - 15:43
LA CHRONIQUE DE MAGUM KÊR

Une chaude rentrée politique

 

 

Le Sénégal n’est pas sorti du cercle vicieux des gouvernements pléthoriques, selon l’aveu du chef de l’Etat en même temps que l’opinion apprenait que le leader du Parti socialiste Ousmane Tanor Dieng était devenu ministre d’Etat, entre chien et loup. La rentrée s’annonce chaude si un remaniement ministériel devait conforter ce qui semble être une nouvelle politique d’ouverture sur sa gauche après que le retour en grâce de certaines personnalités marquantes de l’ancien régime ait suscité diverses réactions. Cette tendance infirme le postulat de sobriété et de vertu sur lequel s’ouvrait l’ère de Macky Sall et compromettra gravement ses alliés pressentis, s’ils ne l’étaient déjà sous le régime de Me Abdoulaye Wade.

 

S’il faut trouver quelque artifice présidentiel dans l’option de faire revenir dans la périphérie de l’appareil de l’Etat certains alliés jusque-là oubliés, c’est d’abord la nécessité de compenser leurs appétits éventuels de présider la deuxième institution délibérative en gestation. Même si le président de l’Assemblée nationale ne lui a pas encore donné l’occasion de regretter de l’avoir si généreusement adoubé, Macky Sall ne pouvait rester sourd longtemps à l’alerte venue des rangs de l’Alliance pour la République. Lequel devrait, pour asseoir une hégémonie durable sur ses associés au pouvoir, être aux commandes de la locomotive des politiques de rupture promises au pays.

 

Pris entre la future nécessité d’assumer seul son bilan et l’éventualité de partager d’éventuelles mesures impopulaires avec l’opposition, le moment est peut-être venu pour le nouveau président de jouer serré en tenant compte des vicissitudes des alliances. Est-ce un hasard si certaine presse étale les états d’âme d’anciens camarades libéraux, Idrissa Seck qui le précéda dans la dissidence et Aminata Tall, secrétaire générale de la présidence de la République qui l’y suivit. L’apparent désintéressement du premier n’est pas sans conséquence sur sa base politique écartelée entre la mouvance présidentielle et la reprise de leur autonomie d’action.

 

La seconde, Aminata Tall, devrait peut-être tempérer son caractère indocile qui lui a été bénéfique dans sa séparation avec l’ancien président. Sa position était plus éminente et sa légitimité historique plus évidente dans le Parti démocratique sénégalais et sous la pression de ses cadres, Macky Sall pourrait se souvenir qu’elle est venue à lui sur le tard et après quelques balancements. Il n’est pas certain par ailleurs que la fameuse phrase du président, sentencieuse à souhait, leur fût destinée. Elle rappelle à mi-parcours sa capacité de délier les alliances : «Si demain, parmi mes ministres, quelqu’un prend le chemin inverse, je n’hésiterai pas à me séparer de lui.»

 

Mais aussi, tout bien pesé, cette phrase annonce une prise en main des ministres de quelque obédience qu’ils fussent par un président qui s’est délié d’une assurance tous risques des chefs de parti à leurs affidés. Leur maintien au gouvernement dépend surtout de lui et l’avis contraire de son chef de parti pourrait lui déplaire et causer une crise ministérielle. Est-ce aussi un bilan d’étape qui ne dit pas son nom, parce certains ministres passent à côté de leurs pompes et qui, à ouïr leur discours mal à propos, ne sont pas à la hauteur de la fonction. La tradition républicaine de ne pas défenestrer un ministre incompétent avant six mois nous vaut peut-être l’opportunité de ce coup de semonce présidentiel.

 

L’augmentation de la taille du gouvernement sans trahir la promesse de sobriété et de vertu, requiert des mesures drastiques dont le mode d’emploi n’est ni dans le programme du parti présidentiel ni dans les fameuses conclusions des Assises nationales. En France, le ton était déjà donné par le régime de Sarkozy : le Premier ministre François Fillion avait interdit à tous les ministres de cumuler leur indemnité ministérielle avec leur retraite parlementaire limitée à 5000 euros. La loi sur la transparence d’avril 2011 ramenait à 2700 euros au plus les indemnités liées aux mandats locaux qui plafonnaient jusque-là à 7000 euros. Au surplus, le candidat François Hollande avait promis dans son programme de réduire de 30% les 14000 euros d’indemnités ministériels.

 

C’est donc que la France, notre espoir, comme la plupart des pays européens, vit plus ou moins douloureusement la crise de la monnaie unique, entre autres. Le Sénégal ne se porte guère mieux face aux secteurs vitaux du service public en ébullition, qui égrènent le chapelet de leurs revendications en comparant leurs acquis précarisés au train de vie de la classe dirigeante. La seule voie de sortie est de trouver les ressources nécessaires pour les satisfaire sinon de les exhorter à la sobriété et à l’austérité sur le chemin du «Yokkute». Pour cela le gouvernement devrait prêcher d’exemple, ce qui n’est pas le cas : en fait de «Yokkute», croissance en Wolof, seuls les prix du gaz, du carburant ont tenu la promesse du nouveau régime. 

 

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