Publié le 9 Mar 2024 - 11:40
Les Comptes de Almamy Bocar LA CHRONIQUE DU VÉTÉRAN

Qui perd, gagne

 

Un monde à part

‘’Alea jacta est’’, les dés sont jetés. Il y aura, donc, élection présidentielle avant le départ du président Macky Sall, après douze années de magistrature suprême. Le 5e président élu par le suffrage universel ne sortira, donc, que du groupe des 19 retenus par le Conseil constitutionnel.

Ainsi, ni Karim Wade, ni Ousmane Sonko, ni un des candidats ‘’spoliés’’ ne viendra augmenter le quota des prétendants à la succession de Macky Sall. Tout le monde a joué sa carte au sein de la classe politique sénégalaise où la ruse, la manipulation, le travestissement, le mensonge et le parjure sont devenus les principaux ressorts de l’action politique avec le résultat détestable qui a fait de notre pays l’empire du mensonge.

Le syndrome du canard boiteux (‘’Lame duck’’) tant redouté aux États-Unis et qui consiste à la délégitimation et à la perte d’autorité d’un président de la République sortant au cours de son second mandat, a frappé de plein fouet le président Macky Sall. À la seule différence que lui, il a commencé à subir cet impact dès l’obtention de son deuxième mandat en 2019, à tel point que durant toute la durée de ce second quinquennat, son action a été plombée par une guerre de succession dans son propre camp et les tentatives insurrectionnelles de la nouvelle opposition radicale et violente des politiciens locaux. Il s’y ajoute son exercice un peu trop solitaire du pouvoir et la guerre des petits chefs dans son dispositif d’exercice du pouvoir, avec l’affrontement permanent entre le ‘’gouvernement du palais’’ et le ‘’gouvernement de Mermoz’’, c’est-à-dire les ministres pro-Macky Sall et les ministres protégés par le cercle familial présidentiel ont plombé l’autorité de l’État.

D’un autre côté, l’affaissement des grands partis traditionnels comme le PS, le PDS, les partis de gauche et les partis satellitaires nés des flancs socialistes et des libéraux ayant permis l’émergence d’une nouvelle opposition violente dans le discours et outrageante dans ses défis permanents à l’Administration et aux institutions, a conduit le pays au bord du gouffre où l’amalgame et la confusion entretenus et amplifiés avec les possibilités qu’offrent les nouvelles technologies de la communication ont porté des coups à la cohésion nationale et au vivre-ensemble, au point que le président Macky Sall a cru devoir proposer cette loi d’amnistie.

‘’Dura lex sed lex’’ ; la loi est dure, mais c’est la loi. Adoptée par l’Assemblée nationale après des débats passionnés, cette loi d’amnistie, qu’elle soit juste ou inopportune, n’en révèle pas moins les connivences et les jeux d’intérêts personnels et partisans devenus les seules raisons de l’engagement politique sous nos cieux. C’est un truisme que de dire que la politique est un métier dans notre pays. Pire, elle est devenue l’arme maîtresse pour tous les ambitieux à la recherche de promotion facile, de notoriété rapide, mais surtout le meilleur outil de promotion pour l’accès à des prébendes et aux ressources publiques.

L’introduction des alliances ‘’incestueuses’’ sans fondement idéologique entre partis et acteurs politiques ainsi que l’utilisation des alliances, même contre nature pour sévir contre un adversaire, quitte à se comporter comme une association de malfaiteurs ne divergeant au final que sur le partage du butin, ont fait du pays un vaste champ d’affrontement permanent au détriment de sa cohésion sociale, de son économie et de son développement.

Le président Macky Sall, depuis le report de la date initiale du scrutin présidentiel du 25 février, semble dérouler une stratégie de règlements de comptes avant son départ du pouvoir.

On peut comprendre, ainsi, le solde des comptes qu’il opère avant de transmettre le pouvoir en s’octroyant le bénéfice de la pacification politique, mais aussi en remettant à leur place tous ceux qui ont bénéficié de ses largesses et de sa générosité durant son magistère et qui ont manqué, pour certains d’entre eux, de loyauté à son endroit en n’allant jamais à son secours ou à sa défense quand il était confronté à des situations sociales ou politiques difficiles méritant leur soutien. L’exercice du pouvoir lui aura appris, certainement à ses dépens, que la majorité du genre humain n’a que des fidélités à géométrie variable en fonction de ses intérêts du moment et des calculs pour la défense de ses intérêts immédiats et futurs.

Tout cela explique en partie le quart d’heure que le pays traverse depuis le mois de juillet dernier, à l’annonce de sa décision volontaire à ne pas briguer un nouveau mandat. Car depuis, on joue plus à qui perd et à qui va gagner après le 2 avril 2024…

Abdoulaye Bamba DIALLO

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