Les hommages de la République

Le président de la République était, samedi, à la levée du corps de l’artiste Habib Faye. Il est décédé mercredi dernier à Paris et repose désormais au cimetière musulman de Yoff.
Des levées de corps, il y en a presque quotidiennement à l’hôpital Principal de Dakar. Notamment, celles de grandes autorités et d’artistes de renom. Et pourtant, celle d’Habib Faye, ce samedi, a revêtu un cachet exceptionnel. Peut-être que, de son vivant, il n’aurait jamais imaginé avoir autant d’hommages à sa mort, tellement le défunt bassiste a vécu discret. ‘’Il n’a jamais rien réclamé’’, disait Ngoné Ndour. Car, malgré son statut de leader et de bassiste hors-pair, il a vécu en toute humilité. Samedi, la République lui a rendu l’hommage que mérite tout homme de sa carrure.
Le président de la République, Macky Sall, a pris part à la cérémonie. Il était accompagné de son Premier ministre Mouhamad Boun Abdallah Dionne, du président du Haut conseil des collectivités territoriales (Hcct) Ousmane Tanor Dieng, du ministre du Renouveau urbain, de l'Habitat et du Cadre de vie, Diène Farba Sarr, des ministres conseillers Mbaye Ndiaye et Youssou Ndour, naturellement. A ce dernier, la famille du défunt a rendu un vibrant hommage. Il se serait occupé de tout, absolument tout.
‘’Youssou m’a demandé de le laisser payer le linceul de Habib et je le lui ai accordé. Je n’ai rien dépensé, même pas un centime pour l’organisation des obsèques ou même le rapatriement du corps’’, a informé l’aîné de la famille Faye, le chanteur et guitariste Vieux Mac.
La veuve d’Habib Faye, par l’intermédiaire de sa tante, la députée Aïssata Tall Sall, a également vivement remercié le lead vocal du Super Etoile. En parlant de cette formation musicale montée par Youssou Ndour et au sein de laquelle a évolué le défunt bassiste, tous les membres de la bande étaient présents. La tristesse, cela va de soi, se lisait sur leurs visages. Comme sur ceux des autres acteurs culturels présents. Ils étaient nombreux. Coumba Gawlo, Viviane Chédid, Kiné Lâm, Soda Mama Fall, Mansour Seck du Dande Lenol, Salam Diallo, Bouba Kirikou, Ismaïla Lô, Omar Pène, Ndiolé Tall, Wally Ballago Seck, Pape Birahim, Idrissa Diop, Aby Ndour, Henry Guillabert, etc.
Tous tenaient à accompagner la dépouille de leur collègue. Ils étaient tellement nombreux qu’ils ne tenaient pas dans la cour de la morgue où des talibés mourides psalmodiaient des ‘’khassida’’. Habib Faye était disciple mouride. C’est pour cela d’ailleurs qu’a pris part à cette cérémonie Serigne Mourtalla Ibn Serigne Saliou. La famille chérifienne a été également représentée. Tout ce beau monde a accompagné Habib Faye. L’ambulance a eu du mal à sortir, après la cérémonie officielle de levée du corps, parce que la rue, également, était bondée. Elle devait amener le corps à la mosquée El Mansour de la Rue 10 où devait être effectuée la prière mortuaire, avant l’enterrement au cimetière musulman de Yoff.
De l’hôpital Principal à Yoff, la foule a grossi. Du beau monde a accompagné Habib Faye à sa dernière demeure où, désormais, on l’espère, il repose en paix.
REACTIONS… REACTIONS… REACTIONS… Elimane Ndour (père de Youssou Ndour) ‘’J’ai perdu un enfant’’ ‘’Mes condoléances, M. le Président. Celui qui est parti aujourd’hui est mon fils. J’ai perdu un enfant. Il était avec mon fils et l’accompagnait. Donc, il était mon fils. Il me faut faire un témoignage. Quand on perd quelqu’un comme Habib, on ne peut pas ne pas le faire. Il était avec mon fils et, ensemble, ils ont suivi mes recommandations. Il a réalisé de grandes choses. Tous les enfants que j’ai éduqués sont de bons musulmans, travailleurs et ne tendent pas la main. Le Super Etoile, ce n’est pas que Youssou. S’il en est arrivé là, c’est grâce aux autres. Personne n’est roi sans peuple. Président, nous vous remercions pour votre présence aujourd’hui. On est témoin de beaucoup de choses et je peux vous assurer que vous venez de réaliser une grande chose. Vous deviez voyager aujourd’hui, mais vous avez retardé votre départ pour être présent. Je vous remercie beaucoup. Tous ceux qui sont là aujourd’hui sont de la famille d’Habib.’’ Me Aïssata Tall Sall (cousine de la veuve) ‘’Nous restons avec l’héritage d’Habib’’ ‘’Monsieur le Président de la République, mon oncle ici présent, Ibrahima Sall Mbaye, qui est le père de la veuve, et l’ensemble de la famille voudrions vous présenter nos hommages les plus déférents et vous remercier pour ce geste hautement symbolique que vous accomplissez ce matin, en venant avec l’ensemble de votre gouvernement vous incliner devant la dépouille de notre très cher frère et beau-frère Habib Faye. Cela nous touche énormément. Nous saluons le Premier ministre ainsi que M. Ousmane Tanor Dieng et l’ensemble des autorités ici présentes. Nous présentons nos respects à la famille de Khadim Rassoul qui est ici pour accompagner leur fidèle talibé Habib Faye ainsi que la famille chérifienne ici présente. Monsieur le Président, je ne serais pas long. Au nom de toute notre famille, celle de Dakar, de Podor, de Mboumba à laquelle appartient la veuve, vous disent merci pour toutes les dispositions que vous avez prises depuis le décès d’Habib Faye. Nous sommes aussi reconnaissants à notre frère M. le Ministre Youssou Ndour pour la grande générosité dont il a fait preuve, lorsque ce décès nous a frappés. Youssou, merci au nom de toute notre famille. Merci pour cette sagacité qui vous a amené. Nous sommes tristes, parce qu’Habib était un bon vivant. On ne peut pas imaginer un bon vivant mort. Mais la mort n’appartient qu’aux vivants. Seuls ceux qui ont vécu peuvent mourir. Habib est parti, mais nous restons avec son héritage humain, de générosité, d’ouverture. Youssou, comme tu as été à nos côtés, nous serons à tes côtés dans la mesure du possible. Elle te dit merci, ma petite sœur Oumou qui a été courageuse jusque dans les derniers instants d’Habib avec qui tu n’as cessé de communiquer. Oumou vous dit merci M. le Président ainsi que mon oncle Ibrahima et toute la famille. Qu’allah vous rétribue tous vos actes de grande générosité.’’ Macky Sall (président de la République) ‘’Habib Faye fut un patrimoine de notre culture’’ ‘’Innalilahi wa inna ilayhi rajahoun. Au-delà du monde des arts, aujourd’hui, c’est tout le Sénégal, toute l’Afrique, le monde de la musique, ensemble, qui pleurent après cette perte immense. La perte d’un homme connu pour sa discrétion. Sa famille l’a dit à travers notre papa El Hadji Elimane Ndour. Sa belle-famille l’a dit à travers ma sœur Aïssata Tall Sall qui a parlé au nom de toute la belle famille. Un homme généreux avec une discipline sans égal, une exigence dans sa quête constante de perfection. Habib Faye est parti avec une dignité peu connue, en silence, comme pour nous épargner la souffrance de sa disparition. Ceux comme notre frère, le ministre Youssou Ndour, les artistes du Super Etoile, les artistes du Sénégal en général, je les salue tous, ici, ainsi que ses amis venus d’Afrique, du monde. Ceux qui ont vécu avec Habib Faye ont insisté sur sa générosité et sa courtoisie professionnelle. Pour moi, le néophyte, j’ai apprécié ton talent le long du compagnonnage avec le Super Etoile, Youssou Ndour, mais aussi avec son œuvre ‘’H2O’’. La musique d’Habib Faye nous touchait tous, parce qu’elle partait toujours de ce que nous sommes, de ce que nous sentons pour nous entrainer vers des rythmes et des mélodies bien loin de notre quotidien. Elle était authentiquement d’ici, avant d’aller vers l’universel. Je dois avouer que je ne suis pas un grand connaisseur du jazz, quoiqu’étant étudiants, nous nous habituions un peu aux sonorités de John Coltrane, Miles Davis et d’autres grands du jazz. Mais Habib était perçu par ses pairs comme un architecte de la musique. Sa contribution est reconnue comme décisive dans l’œuvre de modernisation de notre création musicale qui s’est opérée depuis les années 1980, grâce en partie à un monument de cette musique sénégalaise, je veux nommer Youssou Ndour ainsi que d’autres grandes voix. Je voudrais distinguer Ismaïla Lô ici, Omar Pène et toutes ces grandes voix dont notre ami Idrissa Diop et tant d’autres. Chacun de ses chants nous rappelait que la basse était son instrument privilégié, que la basse était une percussion, une rythmique qui attise nos émotions. Il a su l’adapter au mbalax, ce qui a donné un contenu particulier à la musique sénégalaise. Il a, par ailleurs, Habib, contribué à élargir nos perspectives culturelles et musicales bien au-delà de nos frontières, par des collaborations significatives avec les plus grands noms de l’élite musicale internationale. Tout comme son grand frère Youssou Ndour, Habib Faye fut un patrimoine de notre culture que nous devons honorer et dont l’œuvre doit être perpétuée par nos jeunes talents. Vieux Mac, Lamine, votre famille, notre sœur la veuve, je sais que vous éprouvez la douleur de la perte d’un membre éminent de votre famille, mais je peux vous dire également que le Sénégal vient de perdre un grand fils, une vitrine internationale. L’on me rappelle aussi que l’Afrique pleure la mort d’Habib Faye. Je voudrais, à cet instant solennel et particulier et au nom de la Nation sénégalaise toute entière, vous présenter nos condoléances attristées et prier pour qu’Allah l’accueille en son paradis éternel. Puisse Khadim Rassoul, dont les mélodies sont en train d’être psalmodiées, l’accompagner dans ce chemin. Je reconnais que Youssou m’a appelé, quand il a reçu la nouvelle, en vain. Je l’ai rappelé, alors qu’il était à Abidjan, c’est ainsi qu’il me l’a annoncée. L’amitié est très importante et Youssou le sait. Il n’a cessé de me tenir au courant de l’évolution de la situation. Jeudi, il m’a dit que la dépouille arriverait vendredi, alors que je lui disais que je dois aller à Brazzaville et que je voudrais avant prendre part à la levée du corps. Je devais y aller très tôt ce matin. J’ai retardé mon départ pour être là afin de magnifier la contribution d’Habib Faye dans la musique sénégalaise. Je veux rendre hommage à nos musiciens, nos artistes. Un pays se construit avec tous : les menuisiers, les artistes, les intellectuels, les enseignants, les pêcheurs, les agriculteurs, les éleveurs, etc. On se doit donc de rendre hommage au plus brillant d’entre eux. Voilà ce qui explique ma présence ici aujourd’hui. Je me devais d’être là pour partager votre tristesse et vous soutenir. Il ne reste plus qu’à prier pour lui.’’ |
BIGUE BOB