Publié le 25 Nov 2021 - 09:20
LOCALES À GRAND-YOFF - INSÉCURITÉ, INSALUBRITÉ, PAUVRETÉ...

Les déceptions, exigences et attentes de la population

 
 
Les populations de Grand-Yoff attendent beaucoup de la prochaine équipe municipale qui sera élue au soir du 23 janvier. Pour certains, le maire sortant n’a pas répondu aux attentes, malgré quelques réalisations.  
 
 
Les élections locales de janvier 2022 ne sont pas qu’une affaire des politiques. A deux mois des prochaines échéances, la population, également, attend de s’imprégner des programmes des différents candidats afin de faire son choix. Ce, même si certains se sont déjà fait une idée de la chose politique et ne comptent en aucun cas aborder la question des Locales ou leurs critères de choix.  
 
Grand-Yoff fait partie des communes les plus peuplées de la capitale sénégalaise. En cette matinée du lundi, les va-et-vient sont incessants dans cette ruelle de la cité Millionnaire qui mène vers les HLM Grand-Yoff. Dans une rue sablonneuse, Penda tient son étal et vend le petit-déjeuner. La jeune dame, un bout de tissu à la main, éloigne les mouches tout en restant concentrée sur son smartphone avant l’arrivée d’un nouveau client. Au lendemain des investitures de la coalition Yewwi Askan Wi au terrain Khar Yalla de Grand-Yoff et de la réunion de clôture des activités de Cheikh Bakhoum au rond-point de la mairie de la commune, en perspective des Locales, la jeune dame à la corpulence moyenne indique n’être pas au courant de l’actualité politique dans la localité. Entre deux rires aux éclats, elle lance : ‘’Je ne m’intéresse qu’aux choses qui sont en rapport avec mon commerce. Si vous avez des questions concernant mon activité, je peux répondre, sinon, je ne peux rien dire sur le reste.’’  
 
Si la gargotière a choisi de nous éconduire de manière courtoise, sa cliente qui débarque en pleine discussion, elle, accepte de se prêter au jeu. La dame au teint clair est venue acheter du ‘’pain-thon’’. Emmitouflée dans une longue robe en wax, elle semble pressée de rejoindre sa boutique située de l’autre côté de la rue, mais a tenu à dire : ‘’Tout sauf Madiop Diop !’’ Après avoir récupéré son sandwich, notre interlocutrice poursuit : ‘’Je préfère aller voter à Dakar-Plateau pour Alioune Ndoye, plutôt que de choisir encore le maire sortant. Nous sommes une famille socialiste, mais je suis très déçue du bilan de l’équipe en place. Regardez comment nos rues sont insalubres. Nous ne bénéficions d’aucune assistance sociale. Ailleurs, ils ont des prises en charge médicale à hauteur de 50 % et reçoivent des aides à l’occasion des fêtes religieuses.’’
 
Sur ces propos, elle s’éloigne tout en ruminant sa colère contre l’équipe en place.  
 
En face de l’étal ou sont exposés différents ustensiles, Pape Mor Mbow tient son atelier de couture. Le jeune homme est seul dans une grande salle où le son de la télévision est inaudible à cause du bruit de la machine. Monsieur Mbow vit à Grand-Yoff depuis 29 ans. Ce matin, il s’affaire autour d’une tenue, ce qui ne l’empêche pas toutefois de s’intéresser à la discussion concernant les élections locales. Le tailleur connait d’ailleurs tous les candidats en course dans la municipalité qu’il liste un à un. Contrairement à la dame au sandwich, M. Mbow, moins catégorique, trouve que l’équipe sortante a un bilan mitigé, ‘’pour ne pas dire moyen’’. ‘’On ne peut pas dire qu’il n’a rien réalisé depuis son arrivée à la tête de la mairie, en 2009. Seulement, il faut reconnaitre qu’il n’a pas atteint les objectifs qu’on lui avait fixés ou plutôt n’a pas satisfait toutes nos attentes. On voulait un Grand-Yoff plus stable, plus propre, mais il faut reconnaitre qu’il reste des choses à faire. On peut espérer qu’il se rattrape avec un autre mandat’’, soutient-il.  
 
‘’Les habitants sont très remontés…’’  
 
 Au chapitre des réalisations, Pape constate que mis à part la réfection de la maternité de la localité, aucune autre réalisation n’a été notée. ‘’La politique n’est pas mon dada, car je n’y gagne absolument rien. Donc, pour ces Locales, je milite pour celui qui changera le visage de la commune’’, précise-t-il.
 
Grand-Yoff est réputée être une localité à problèmes, à cause de l’insécurité, la promiscuité et les inondations qui hantent la population. Cependant, aux yeux de Pape Mor Mbow, tout est prioritaire dans la zone, car, regrette-t-il, tout est à l’arrêt. Il pense toutefois que les candidats à la conquête de la mairie sont les plus informés en ce qui concerne les difficultés. Même si, dans ses propos, ressortent l’urgence de faire face aux agressions.  
 
Dans cette partie de la commune de Grand-Yoff, plusieurs commerces se côtoient. Des vendeurs d’appareils électro-ménagers, en passant par les gargotières aux réparateurs de téléphones, tout y est. Les établissements scolaires y sont également très présents. En témoigne le vacarme des élèves qui répètent à la lettre la leçon du jour. Juste avant l’autopont qui mène vers les Parcelles-Assainies, un quatre jeunes hommes discutent de sujets divers, assis sous un hangar, sur un banc en bois. La journée avance et les embouteillages se forment peu à peu. Regroupés autour d’un vendeur de café dans un point communément appelé ‘’Café-Gui’’, ils ne se privent pas pour donner leurs avis sur le sujet.  
 
Abdou est l’un d’eux. Vêtu d’un polo vert, un bonnet sur la tête qui cache sa chevelure, l’homme s’attaque directement au problème des inondations. ‘’Quand il pleut, nous sommes tous dans la tourmente. Il suffit de quelques millimètres pour que tous nos quartiers soient inondés’’, se désole-t-il d’emblée.  
 
Notre interlocuteur ajoute le pavage des trottoirs qui, à ses yeux, ne nécessite pas beaucoup de moyens, mais l’équipe municipale, dit-il, ne veut faire aucun effort. ‘’En plus de la maternité, j’ai entendu qu’il a réfectionné le foyer des jeunes et le stade municipal dont les gradins étaient impraticables’’, dit-il. A ses côtés, Oumar est vêtu d’un ensemble en jean bleu. Pour lui, le prochain maire de Grand-Yoff doit être plus proche des habitants et des jeunes en particulier avec des bons projets. ‘’Nous ne voulons pas d’un maire qui n’est intéressé que par la politique ou des invectives. Les habitants sont très remontés contre celui qui gère actuellement la mairie pour diverses raisons. L’insécurité est permanente ici, avec les crimes et les agressions. Vous voyez l’arrêt bus là-bas (il pointe son doigt dans une direction), on y agresse des gens souvent. Les malfaiteurs profitent des bouchons pour commettre leurs forfaits’’, se désole-t-il. Oumar pense que le chômage et l’oisiveté sont à la base de toutes ces dérives. ‘’La police fait de son mieux avec des patrouilles, mais il faut dire que c’est fait à la va-vite, entre 22 h et 00 h, et pire, les policiers n’entrent pas dans certaines zones jugées critiques. Certes, certaines tâches relèvent de la gestion étatique, mais il revient au maire d’aller exposer les problèmes des quartiers à la police’’, pense-t-il.  
 
Gestion inclusive  
 
 La commune de Grand-Yoff n’échappe pas non plus aux nombreux chantiers notés dans la capitale sénégalaise. La route qui mène au collège Hyacinthe Thiandoum est méconnaissable. Une grande partie de la chaussée est occupée par des machines qui soulèvent de temps en temps de la poussière ocre. Pendant ce temps, motocyclistes, piétons et vendeurs ambulants se disputent une petite piste. Après quelques mètres de marche, on se retrouve dans un quartier plus calme, avec une circulation fluide. Nous sommes à la cité Khadim (Scat Urbam) à quelques encablures du siège de la mairie. Ici, les complaintes diffèrent un peu. A part l’insécurité, la population ne fait pas face aux inondations. Seulement, les habitants se sentent lésés par rapport aux autres quartiers de la commune.  ‘’Madiop Diop œuvre certes dans le social, mais il le fait de manière disparate. Il privilégie certains quartiers au détriment des autres, alors que nous vivons tout près de la mairie.
 
Il se dit peut-être que nous sommes des nanties qui vivent dans des immeubles’’, relève Bineta Sady. D’après cette mère de famille, les habitants de cette cité ne sont jamais au courant des aides et autres assistances octroyées par la commune. ‘’Et pourtant, les gens passent par ici pour se rendre à la mairie et récupérer les dons. Nous ne souhaitons que le développement de notre cité, comme cela se fait dans les autres communes. Le maire doit mettre ses administrés au même pied et éviter de faire du favoritisme. Nous vivons tous dans des conditions difficiles’’, déclare-t-elle.
 
La mère de famille reconnait toutefois que des femmes de la cité ont, à travers un groupement, bénéficié du soutien de la mairie pour des cours d’alphabétisation et la formation dans la transformation de certains produits.  
 
Au vu de tout ce qui précède, il serait judicieux, pour le maire qui sera élu au soir du 23 janvier à Grand-Yoff, de privilégier des concertations avec les administrés afin d’identifier les racines du problème. C’est l’avis de Mor trouvé en face de la mairie, savourant des notes de ‘’Khassaides’’. ‘’Ici, dans beaucoup de quartiers, les jeunes manquent de repères, les garçons agressent, alors que les filles sont dans la prostitution. C’est parce que l’environnement dans lequel ils évoluent n’est pas stable. Les jeunes sont laissés à eux-mêmes. Je pense que nos dirigeants devraient les encadrer, les aider dans la formation et avoir un travail décent’’, soutient-il. Cette frange, pense-t-il, nécessite un accompagnement et un suivi. Dans ce dessein, nous n’avons pas besoin d’un maire qui distribue des miettes, mais plutôt de quelqu’un qui crée des emplois pérennes.  
 
Dans tous les cas, les candidats en course, à savoir Madiop Diop, Cheikh Bakhoum, Adama Faye, Boubacar Camara et Lass Badiane ont encore quelque temps pour convaincre et mettre sur la table un programme qui pourra répondre aux attentes des Grand-Yoffois.  
 
 
Section: