Publié le 21 Feb 2012 - 09:12
MAKHTAR LE KAGOULARD

''Abdoulaye Wade est presque fini''

Makhtar le Kagoulard

 

Le Sénégal est en crise depuis la validation, par le Conseil constitutionnel, de la candidature du président sortant. Comment appréciez-vous la situation ?

Je qualifierais ce que j’ai vu se produire chez nous de germination de la liberté. Les Sénégalais ont toujours vécu dans la paix en dehors des périodes de troubles qu’on a connus avec Wade opposant et Wade président. Maintenant, quand combattre l’autorité devient chose inéluctable, il faut faire face. Tous les candidats doivent être aux côtés du peuple pour mener ensemble la bataille.

 

Il y a des morts, tous des jeunes. Quels conseils leur donnerez-vous à ce stade de la lutte ?

Je présente mes condoléances aux familles éplorées. Que ces défunts soient accueillis au Paradis. En outre, je demande aux jeunes de se départir, sous l’emprise de la colère, de tout esprit nihiliste qui favoriserait la destruction de bus et autres propriétés de l’État ou appartenant à des privés. J’aimerais, par ailleurs, que cette génération de politiciens, qui a plus de 60 ans, sache que son époque est révolue et qu’elle n’a pas le droit de plonger le pays dans le chaos. La bataille du 23 juin a été exemplaire. J’ai été ému de voir que mes camarades (de Y'en a marre) se sont laissés embarquer les mains en l’air sans opposer de résistance. Un combat de cette nature peut faire flancher n’importe quel tyran. J’aimerais aussi dire aux jeunes que la victoire est proche et qu’il ne faudrait surtout pas lâcher prise, Wade est presque fini.

 

On est en période électorale, Makhtar Le Kagoulard a-t-il un candidat ?

Tout le monde a un candidat mais tout le monde ne peut dévoiler le nom du candidat pour lequel il compte voter. Dans certains cas, comme le mien, je pourrais influencer quelques personnes, alors que le vote est une affaire personnelle. Je ne voudrais pas être le directeur de conscience de qui que ce soit, pour la simple raison que je ne voudrais pas être pris pour responsables des choix des autres. Je n’assumerai que le mien. Cela dit, rien ne m’empêche de penser et de partager l’idée qu’il y a encore des hommes de valeur dans ce pays. J’ai suivi le parcours de beaucoup d’hommes politiques et non politiques au Sénégal. Je les ai écoutés. Je me suis intéressé à leurs projets. Et pour moi, l’enjeu capital de cette élection est qu’il faut changer de perspectives de vue. Changer de perspectives veut dire tout simplement avoir le courage de changer les hommes. Et sur ce genre de sujet, je ne compte pas me taire par contre. Certains pensent que le Sénégal est une équipe de rue qui joue ses matches sans chrono et les remplacements se font quand on veut. On joue une mi-temps, on revient vers la fin du match etc. ; je veux parler de ces individus que nous voyons défiler à tour de rôle devant nous depuis des années. C’est à croire que le Sénégal n’est peuplé que de ces piteux individus en mal de privilèges. Pourquoi on n’ose pas tester ceux qui n’ont jamais été mêlés à des magouilles, qui n’ont pas fait de la politique un moyen de promotion sociale ? A mon avis, on ne perd rien à les tester, puisqu’on ne peut tomber sur pire que ce que nous avons connu. Et personne ne peut imaginer, ni vous ni moi, que le candidat Ibrahima Fall soit pire que celui qui nous dirige. Au contraire, nous n’avons jamais eu un candidat d’une telle intégrité de par son parcours. J’ai un candidat mais j’ai aussi un rêve de mise sur pied d’une dream team qui serait composée de Talla Sylla, Cheikh Bamba Dièye, Mansour Sy Djamil avec Ibrahima Fall à la tête.

 

Pourquoi Ibrahima Fall ?

Revisitez son parcours et je suis sûr que vous-même tomberez sous le charme et le respect de cet homme. Il a été le seul ministre au Sénégal des années 80 à présenter une déclaration de patrimoine. Vous vous souvenez au moins du contexte dans lequel nous étions, le régime socialiste avec un niveau de corruption terrible mais pas équivalent à ce que nous voyons aujourd’hui ; c'est sans commune mesure. Vous vous souvenez de l’homme posé, à l’écoute de tout le monde mais réaliste et ferme dans ses décisions. C’est un homme qui, à mon avis, a dominé les craintes liées à l’usure du pouvoir et ses tentations. En tout cas, moi, il m’a séduit par sa simplicité, son humanisme et son dédain pour les choses factices et superficielles. Regardez lors d’un séjour à New York, il a refusé, par exemple, de monter dans la limousine qu’on lui a cherché pour la simple raison que rien ne justifiait une telle ostentation pour un candidat qui voudrait remettre les choses à l’endroit. D’autres auraient prétendu que ''xamul lu baax''. C’est méconnaître l’homme dont le CV plaide pour lui, il avait un statut proche de celui de tous les chefs d’État africains. Son sérieux n’est pas à discuter sinon les autres candidats l’auraient mentionné car il a été le professeur de certains d’entre eux à la Faculté de droit.

 

On lui reproche de s’être trop s’éloigné du Sénégal ?

Soyons sérieux please, évitons que la même chose qui nous était arrivé en 1978 avec Cheikh Anta Diop, leader du RND, ne se reproduise. Senghor avait, jadis, adopté la même stratégie pour que Cheikh Anta ne soit connu au Sénégal qu’après le repos de son âme. Si on se focalisait moins sur ces distractions créées de toutes pièces, on pourrait réfléchir sur ce qu’il a accompli dans sa carrière.

 

Ces propos engageraient-il Y'en marre dans sa globalité ou Makhtar Le Kagoulard seulement ?

Je l’ai dit au début de mon propos. Ce choix n’engage que Makhtar Le Kagoulard.

 

Ne pensez-vous pas que votre organisation dans sa globalité devrait faire autant que vous ?

Mon avis est qu’on devient leader parce qu’on a une certaine clairvoyance. Alors nous devons penser à orienter la masse qui nous suit, à éveiller leurs consciences objectivement. Les aider à faire le meilleur choix possible devient un impératif. J’ai appelé l’instance dirigeante de YEM (Y'en a marre) Sénégal, en l’occurrence, Aliou Sané, le chargé de la communication et Malal Talla Fou Malade, pour leur exposer objectivement le pourquoi de l’impératif de positionnement de YEM par rapport au choix du meilleur candidat. Nous voyons, aujourd’hui, beaucoup de Sénégalais vivre un malaise par le simple fait qu’ils n’arrivent pas à se situer dans cette foultitude de candidats presque tous issus du monde politique. D’autres candidats ne sont là que pour projeter des investissements en vue d’être approché au second tour et profiter ensuite d’éventuels avantages parce que, selon eux, ils y auraient contribué. Nous avons un devoir envers ces Sénégalais indécis. Néanmoins, je comprends YEM qui s’en limite à la ligne qu’il avait définie au début du mouvement, c'est-à-dire ne pas se prononcer pour un candidat.

 

BIGUÉ BOB

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