Les Sénégalais restent sur leur faim

Madame Yassine Fall, Ministre de l’Intégration africaine et des Affaires étrangères, en compagnie d’une délégation de parlementaires membres de la Commission des affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur, est arrivée le lundi 17 mars à Nouakchott. La ministre était porteuse d’un message écrit du président Bassirou Diomaye Faye à son homologue mauritanien. Au menu : la situation consécutive à l’expulsion de nombreux Sénégalais et leurs conditions de séjour.
Depuis la fin du mois de février, des centaines de ressortissants sénégalais en situation irrégulière ont été interpellés, arrêtés et reconduits à la frontière de Rosso. Cette situation a suscité des réactions à Dakar, où l’on n’a pas apprécié les conditions dans lesquelles ces compatriotes ont été interpellés, en violation flagrante de leurs droits. Des voix se sont élevées, parmi elles, celles de certains parlementaires qui ont invité la ministre des Affaires étrangères à se prononcer sur la question et sur la situation des Sénégalais en Mauritanie.
Les Sénégalais restent sur leur faim…
À son arrivée à Nouakchott, ce lundi 17 mars, Yassine Fall a été reçue par le président de la République de Mauritanie, Mohamed Cheikh El Ghazouani et a eu un tête-à-tête avec son homologue mauritanien Mohamed Salem Ould Merzoug. Bien que rien n’ait filtré des deux entretiens, la ministre s’est adressée à ses compatriotes à l’ambassade du Sénégal pour les rassurer sur la prise en charge de cette situation par l’Exécutif sénégalais.
Toutefois, l’échange a été si rapide que certains responsables sénégalais, ayant passé toute une journée à l’ambassade dans l’espoir d’entendre un message de soulagement, n’ont pas apprécié cette attente. Prendre leur mal en patience, oui, mais la situation est urgente et beaucoup de Sénégalais vivent dans une psychose totale. Ils subissent les affres des rafles et des rackets de policiers au quotidien.
Loin de considérer cette longue attente sans suite favorable comme un désespoir et un quiproquo, la majorité des Sénégalais s’inquiète de leur avenir dans ce pays frère, uni au Sénégal par des relations séculaires dont les origines se perdent dans la nuit des temps.
Toutefois, la ministre rassure que les échanges se poursuivent au plus haut sommet de l’État et qu’il y a des espoirs quant à une solution concertée et consensuelle au bénéfice des deux parties. ‘’Je vais d’abord rendre compte au chef de l’État qui m’a missionnée auprès de son homologue mauritanien et nous reviendrons vers vous au moment opportun’’, a-t-elle lancé à ses compatriotes visiblement frustrés et exténués de vivre cette situation.
Elle a également soutenu que les deux États s’accordent sur le fait qu’il y a une migration régulière à prendre en compte et une autre irrégulière qu’il faut combattre pour mettre fin aux hécatombes en mer. Cette rencontre se déroulait en présence du tout nouvel ambassadeur du Sénégal en Mauritanie, El Hadj Magatte Sèye, qui hérite d'une patate chaude, mais qui est visiblement très enthousiaste à l’idée de voir la réaction de l’État sénégalais face à cette situation intenable des Sénégalais établis en Mauritanie.
Les parlementaires préoccupés
Prolongeant leur séjour à Nouakchott, les députés membres de la Commission des affaires étrangères ont poursuivi les échanges avec les responsables sénégalais qui continuaient de raconter le calvaire de leurs compatriotes, tout en avançant des propositions de solution. Jusque tard dans la journée, ces parlementaires écoutaient le cri du cœur de leurs compatriotes. Ils avaient d’ailleurs tenté de rendre visite aux détenus sénégalais dans les centres de détention pour s’enquérir de leur situation carcérale, mais sans succès.
La Mauritanie fait face à une vague de migration irrégulière ces dernières années. Pour aider le pays à lutter contre cette migration et le trafic illicite de migrants, l’Union européenne a remis, en avril 2024, à l’autorité mauritanienne, une enveloppe financière de 210 millions d’euros, dont 60 millions pour faire face à l’émigration clandestine. L’Espagne a également contribué en mettant sa Guardia Civil à la disposition de Nouakchott.
Ces mannes financières expliquent à suffisance la situation que vivent les migrants en Mauritanie, au-delà de certaines considérations liées au trafic de personnes, à la menace terroriste ou encore à l’insécurité transfrontalière.
Ibou Badiane, correspondant en Mauritanie