Publié le 11 Dec 2013 - 17:11
MON HOMMAGE CROISE A NELSON MANDELA ET A FREDERIK DE KLERK

Ils ne l’ont pas volé, leur Prix Nobel de la Paix !

 

27 années de prison. C’est-à-dire 27 années d’isolement, et dans les conditions les plus strictes. Mais 27 années d’introspection salubre, de « psychothérapie », où le « patient » va travailler, de manière soutenue, à la fois sur lui-même et sur ses geôliers. Dur labeur que celui-là ! mais un dur labeur qui en vaut la peine, puisqu’au terme de ces 27 années de « psychothérapie », le « patient » deviendra lui-même un « psychothérapeute », comme pour signifier que c’est là le meilleur moyen pour lui de survivre et à lui-même et à ses 27 années d’isolement et, à plus forte raison, à ses geôliers.

Ce « patient », devenu « psychothérapeute », c’est Nelson Mandela, qui, sans plus tarder, va tendre la main au premier de ses geôliers, le président Frederik de Klerk. Celui-ci l’acceptera en lui tendant en retour la sienne, tandis que la poignée de main qui va s’ensuivre vaudra « un traitement psychothérapeutique » de belle facture. Une poignée de main authentique, vraie et sincère, parce que spontanée.

En effet, ici, il n’y a pas l’ombre d’une stratégie, pas même de la tactique. Mais il y a une volonté réelle de se pardonner mutuellement et de se réconcilier ; il y a, et tout à la fois, désir et volonté de paix véritable, tant et si bien que la poignée de main les actualisera de la plus belle des manières. C’était alors à l’occasion de la remise du Prix Nobel de la Paix conjointement à Nelson Mandela et au président Frederik De Klerk, à Oslo, en Norvège, le 10 décembre 1993.

Certes, cette poignée de main n’était ni la première ni la dernière, mais elle était on ne pouvait plus symbolique et plus belle. En vérité, une poignée de main, quand elle est authentique, vraie et sincère, tout le monde le ressent, même si personne ne peut se l’expliquer.

Aussi, est-il une autre poignée de main, tout aussi authentique, vraie et sincère, celle qui réunit jadis le président François Mitterrand et le chancelier Helmut Khol, lors de la cérémonie commémorant les morts de la Première Guerre Mondiale.

C’était le 22 septembre 1984, le président François Mitterrand tenant de sa main gauche la main droite du chancelier Helmut Khol. Cette poignée de main, faut-il le rappeler, sera définitivement consacrée comme authentique, vraie et sincère par les larmes du chancelier allemand lors de la cérémonie d’Adieu dédiée à son ami feu le président français.

Les poignées de main Jean-Marie Tjibaou/Jacques Lafleur et Yasser Arafat/Yitzhak Rabin eussent-elles été authentiques, vraies et sincères ? Eussent-elles été spontanées, non-contraintes, non-contrariées ? Je n’en sais rien. D’autant que le frisson qu’elles provoquèrent contrastait avec l’émotion apaisante que procurèrent les deux précédentes. Quoi qu’il en soit, leurs conséquences quasi-immédiates furent tragiques.

Quant à la poignée de main Abbé Diamacoune/Abdou Diouf, elle s’avérera être de la pure comédie. Qui plus est, le président Diouf aura beau y exceller, il finira tout de même par se lâcher, près de quatre ans après la disparition de l’Abbé Diamacoune, notamment en ces termes : «…Mais de voir émerger, quand je suis devenu président, ce mouvement indépendantiste poussé par ce prêtre que je n’ose pas qualifier, cela m’a beaucoup déçu… Une fois que l’on a mis le doigt dans l’engrenage de la violence… parce qu’il n’y avait pas de revendication sérieuse, cela devient du banditisme…»

Malgré cela, et en tant que partisan du «droit et du devoir indissolublement réunis à l’oubli», je fus saisi, à l’annonce de la mort de Nelson Mandela, par le désir et la volonté de voir tout « effacé » pour devoir être « recommencé » chez nous, particulièrement en Casamance. Puis, tout à coup, je me délectai à l’idée de voir le « socialiste » Abdou Diouf, le « libéral » Abdoulaye Wade et le « social-libéral » Macky Sall main dans la main, et rendant un dernier hommage, mais un hommage bien mérité, à Nelson Mandela.

Bien évidemment, mon rêve n’était pas gratuit, il n’était pas désintéressé, loin s’en faut. C’est que j’étais persuadé que, si, de son vivant, Nelson Mandela a pu survivre à la fois à ses 27 années de prison, à ses geôliers et à lui-même, mort, il continuerait à vivre à travers le vécu, le comportement voire quelques uns des actes de ceux qui lui survivraient. Or, manifestement, les présidents Diouf, Wade et Sall sont de ceux-là.

Et, de surcroît, ils sont Sénégalais. C’est-à-dire qu’ils sont du Sénégal, où perdure un conflit armé entre l’Etat et le Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance (MFDC) depuis trois décennies. Pour avoir été ou bien pour être, chacun, président de la République du Sénégal, ils en sont comptables. Tout comme ils sont comptables, chacun à la mesure de son magistère, des convulsons politiques et autres difficultés socioéconomiques dont souffre, aujourd’hui encore, le Sénégal.

Ainsi, je les aurais vus, tous les trois présidents sénégalais, main dans la main, à Soweto, en Afrique du Sud, se recueillant auprès de la dépouille de Nelson Mandela, au nom du Peuple sénégalais et à leur nom propre, puis, à leur retour au Sénégal, et de la même manière, au chevet de la Casamance meurtrie. 

Je les aurais donc vus se réconcilier avec eux-mêmes et mutuellement, et même s’aimer mutuellement, de manière authentique, vraie et sincère, avant de le partager avec l’ensemble des populations du Sénégal, et notamment de la Casamance. Et dans cette même dynamique de réconciliation, je les aurais vus tendre en chœur la main au MFDC, qui l’accepterait sans détour, pour alors offrir à la Nation toute entière une poignée de main pourvoyeuse de paix authentique, vraie et sincère.

Cependant, l’histoire retiendra, hélas, qu’une telle poignée de main signée Abdou Diouf, Abdoulaye Wade et Macky Sall n’aura pas eu lieu en Afrique du Sud.

Pour autant, cette même histoire ne peut ni ne saurait les exonérer, à l’avenir, de ce qui passe pour un devoir républicain, voire une obligation morale, d’honorer, depuis chez nous, la mémoire du héros sud-africain Nelson Mandela, et pourquoi pas ? en usant du prétexte que pourrait être en l’occurrence le « problème casamançais ». Du moins, je l’espère !

Dakar, le 10 décembre 2013.

Jean-Marie François BIAGUI

Président du Mouvement pour le Fédéralisme

et la Démocratie Constitutionnels (MFDC-fédéraliste)

 

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