Publié le 24 Jan 2019 - 23:36
MOUSSA DIAW (ENSEIGNANT-CHERCHEUR EN SCIENCE POLITIQUE A L’UGB)

‘’L’attitude du Pds est contreproductive’’

 

Selon l’enseignant-chercheur en Science politique à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, Moussa Diaw, la stratégie du Pds relève tout simplement d’une attitude suicidaire.

 

Quelle appréciation faites-vous de la décision du Parti démocratique sénégalais (Pds) de maintenir coute que coute la candidature de Karim Wade à l’élection présidentielle du 24 février 2019 ?

A mon avis c’est une stratégie qui n’est pas du tout de nature à conforter ce parti dans le paysage politique sénégalais. Cela pour la simple raison qu’il reste positionner dans une attitude qui est d’ailleurs une forme de boycott voilé qui ne permet pas d’avoir une lecture claire de l’attitude du Pds. C’est en fait s’engouffrer dans une impasse en maintenant une candidature tout en sachant pertinemment qu’elle est sans issue, d’autant plus qu’il y a des démêlés judiciaires. Ce qui est incompréhensible pour un grand parti comme le Pds qui, a joué un rôle important de par ses actions dans le renforcement de la démocratie sénégalaise. Face à une nouvelle situation, la formation politique de Me Wade  adopte une attitude vraiment suicidaire. Politiquement c’est une attitude incompréhensible qui risque de plomber ce parti alors qu’il aurait pu jouer un rôle important dans cette compétition électorale.

Le Pds refuge de s’aligner derrière un candidat autre que Karim Wade ou d’accorder même son soutien à Me Madické Niang. Pensez-vous que cette stratégie de ‘’Karim ou rien’’ puisse prospérer ?

Cette stratégie ne peut pas prospérer à mon avis. C’est une attitude contreproductive politiquement. Elle risque de fragiliser davantage ce grand parti pour la simple raison qu’elle est déjà confrontée à une dispersion de ses leaders. Il y a déjà une implosion parce que la plupart sont partis, parce qu’il n’y a plus de repère depuis le départ de Wade, depuis qu’il est absent du pays et que la coordination n’arrive pas à assurer l’arrière garde et participer justement à une réorganisation du parti en l’absence de son leader charismatique. Cela se traduit par cette fragilité, par cette absence de perspectives et d’ambitions parce qu’il n’y a pas de leader, il n’y a pas d’activités politiques encore moins de directives. Cela pose des problèmes pour l’avenir de ce parti.

Le Pds s’entête à dire qu’il n’y aura pas d’élection si Karim Wade n’est pas candidat. Les partisans de Me Wade ont-ils les moyens d’empêcher la tenue du scrutin présidentiel ?

C’est une tempête dans un verre d’eau puisque ça ne peut pas prospérer. Le Pds ne peut pas empêcher le déroulement des élections parce que tout simplement la majorité prendra toutes les dispositions pour que les élections passent dans de bonnes conditions. A mon avis c’est une gesticulation qui n’a pas d’avenir. Il faut plutôt se positionner par rapport aux candidats qui restent et essayer de jouer le jeu pour exister politiquement. Sinon ce serait la mort de ce parti malheureusement.

En adoptant une telle posture, est ce que le Pds n’est pas dans une posture de boycotter le scrutin présidentiel du 24 février 2019 ?

Je disais tout à l’heure que l’attitude du Pds est une forme de boycott voilé qui ne dit pas son nom. Mais en réalité, on s’achemine vers ça. Ce n’est pas une bonne stratégie parce que le boycott n’a jamais produit de résultats probants en politique. C’est plutôt une marginalisation. C’est tourner une page et de ne plus revenir dans la compétition politique. Parce que refonder un parti comme celui-là en face d’un leader qui n’arrive pas à voir l’avenir au-delà de son fils, ça pose problème. On est en train de voir les résultats aujourd’hui au sein même du Pds. 

A qui profiterait un boycott du Pds ?

Ça va profiter à la majorité. Parce qu’on voit que déjà sur le terrain les responsables capables de mobiliser sont en train d’aller vers la majorité. Il y a un effritement et une fragmentation de ce parti. Une partie va certes rester dans l’opposition mais elle va être récupérer par certains leaders. Mais une bonne partie risque de rejoindre la majorité. Ceux qui sont sur le terrain constituent des acteurs importants en termes de mobilisation et de sensibilisation. Si ces leaders partent, il ne restera pas grand-chose dans le parti, sinon des leaders qui n’auront aucune consistance dans la stratégie de développement et de consolidation de ce parti.

Est-ce que le Pds ne travaille pas à faciliter la réélection du président Macky Sall, pour positionner son candidat après 2019 ?

Je ne le crois pas parce qu’il y a une réalité politique qui est là. Les cartes se dessinent à chaque fois qu’il y a un changement politique, à chaque fois qu’il y a des rapports de forces. Le contexte actuel milite pour une réorganisation de l’espace politique. Si jamais le Pds n’est pas à ce rendez-vous, l’avenir est incertain. En politique beaucoup de choses peuvent changer, les rapports de forces notamment et il y aura une redistribution des cartes. A mon avis, ce serait une erreur de penser l’avenir en éclipsant le présent, en s’abstenant de jouer le jeu, d’exister et de se renforcer davantage par rapport aux négociations qui auront lieu justement dans ce cadre pour aborder avec sérénité les prochaines élections.

Quelles sont aujourd’hui les perspectives qui s’offrent aux libéraux du Pds ?

Cela dépend de la capacité de ceux qui restent de revoir, reformuler et réorganiser le parti, au-delà du leader. Parce que le chef est d’un certain âge et s’entête. A mon avis il ne tient pas encore les stratégies nécessaires parce que la politique évolue avec le contexte et avec les leaders qui apparaissent. Le paysage politique se renouvelle chaque fois et il faut s’adapter. A mon avis, l’ancien président de la République n’arrive pas à s’adapter, à comprendre les autres enjeux et de voir l’avenir sans son fils. Ceux qui restent encore dans le parti risquent de partir et de refonder une autre formation politique. Dans cette situation, le Pds ne restera que l’ombre de lui-même.

A qui pourrait profiter l’électorat du Pds si  jamais il ne participe pas à l’élection présidentielle ?

Il y a de nouveaux leaders dans le champ politique sénégalais  comme par exemple Ousmane Sonko ou Issa Sall. Sonko pourrait récupérer une bonne partie de l’électorat de Me Abdoulaye Wade, d’autant plus qu’il y a une certaine convergence entre lui et Me Wade. Le leader du Pastef pourrait donc profiter  de la situation.  

Dans ce cas, que deviendront Idrissa Seck et Me Madické Niang qui sont des libéraux de souche ?

Le problème est qu’ils ne sont pas en odeur de sainteté avec Me Wade. On le voit d’ailleurs à travers la presse. Abdoulaye Wade en veut toujours à Me Madické Niang. Son contentieux avec Idrissa Seck n’est pas jusque-là résolu. Il préfère se tourner vers un nouveau leader surtout vers un jeune qui a de l’avenir devant lui. Ça permet d’avoir une nouvelle santé politique pour pouvoir ‘’redémarrer’’ son parti dans de bonnes conditions.

PAR ASSANE MBAYE

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