Publié le 3 Aug 2012 - 22:05

Nouveau Type de Transhumant

 

Ceux qui pensaient avoir dit tout le mal qu’ils savaient de cette espèce homo-animalière qu’est le transhumant politique, et qui croyaient l’animal aux abois au point de sonner l’hallali, devront déchanter.

 

En effet, cet «animal domestique» qui gambade, toute honte bue, dans les prairies du landerneau politique, ne veut point se laisser immoler facilement. Coriace comme il n’est pas possible de l’être, le transhumant trouve toujours les moyens de se tirer du guêpier à lui tendu par les adeptes de l’éthique en politique. Comme le chat, le transhumant a sept vies. Comme Phœnix, le transhumant renaît toujours de ses cendres. Comme le caméléon, le transhumant change tout le temps de couleur, au gré de la situation de son environnement immédiat. Comme les abeilles qui butinent les fleurs pour y chercher du nectar, le transhumant saute d’un arbre à l’autre et tournoie sans cesse. Nullement incommodé par les vertus de dignité, de fidélité ou de constance qui ne semblent avoir un quelconque sens ou signification particulière à ses yeux, en ce sens qu’elles vont au travers de ses intérêts personnels et égocentriques, le transhumant n’est mu que par sa soif inextinguible de prébendes et de sinécures.

 

 

C’est ainsi que, se sachant traqué et pourchassé par la vindicte populaire, torturé par la morale mais aussi acculé dans ses derniers retranchements, le transhumant, habité par un instinct de conservation voire de survie, sort ses griffes pour contre-attaquer. Pas bête pour un sou, et ayant de la suite dans les idées, le transhumant reprend ainsi du poil de la bête et arrive à se mouvoir, tel un poisson dans l’eau, dans le dédale du paysage politique. Par mimétisme, snobisme ou effet de mode, le transhumant, pour être à la page, s’engouffre dans la brèche «Nouveau Type de…» qu’il adapte à sa propre situation. Ainsi, éclot le Nouveau Type de Transhumant (NTT) qui est un prototype évolué de l’espèce à laquelle on a fait allusion plus haut. Ce qui dépare aujourd’hui le Nouveau Type de Transhumant à son ancêtre, le transhumant classique, tient essentiellement à la manière de migrer vers les oasis enchantées.

 

 

En effet, échaudés par la «jurisprudence» Khouraïchi Thiam, ex-Secrétaire général de la Fédération départementale PDS de Tambacounda, qui a décidé de déposer ses baluchons chez Macky Sall, ainsi que de Moulaye Guèye, maire de Diamniadio qui a migré, le 1er juillet dernier, jour du scrutin législatif, du PDS vers l’APR, les Nouveaux Types de Transhumants, se font plus prudents en s’entourant de toutes les garanties avant de se livrer corps et âme aux «républicains» de l’APR.

 

En effet, au lendemain de leur traîtrise, ces deux ex-libéraux ont voulu tomber, de façon éhontée, dans les bras des «apéristes». Mais, mal leur en a pris, car ils ont essuyé, chacun en ce qui le concerne, un magistral uppercut qui l’a rendu complètement groggy. Jugés indésirables par les «apéristes», Khouraïchi Thiam et Moulaye Guèye, devenus du coup, persona non grata dans le parti du président Macky Sall, ont payé cash leur attitude aussi virevoltante que versatile. Vomis par leur ancienne formation politique et snobés par ce qui aurait dû être leur parti d’accueil, ils errent désormais comme des âmes en détresse, cherchant désespérément une bouée de sauvetage pour s’y accrocher.

 

Le Nouveau Type de Transhumant, ne voulant pas subir le même sort que ces deux malheureux, emprunte donc une «voie de contournement» consistant à créer, de toutes pièces, un mouvement fantoche qui représente, provisoirement, de la poudre aux yeux afin de brouiller les pistes. Ce mouvement ou parti politique restera, un moment, dans l’antichambre du parti au pouvoir en tant qu’«allié», le temps de s’acclimater et de s’assurer que «la voie est libre», avant de faire son immersion totale dans la mare du pouvoir dans un ersatz de fusion cachant un réel phagocytage. En réalité, ces mouvements et petits partis, créés à tour de bras, sont du simple tape-à-l’œil de la part de leurs promoteurs, une couverture dont ils se drapent pour faire du lobbying auprès du pouvoir et se forger une certaine légitimité.

 

C’est d’abord Serigne Mboup, ex-Président de la Fédération Nationale des Cadres Libéraux, ex-PCA de la Société Africaine de Raffinage (SAR), ex-responsable politique PDS de Pire qui déclare sans sourciller : « (…) Avec la défaite du PDS j’ai pris la décision de mettre en place un grand mouvement citoyen et républicain (…). Avec les législatives, j’ai appelé à voter pour la coalition Benno Bokk Yaakaar pour contribuer à donner à Macky Sall une majorité confortable qui lui permettra de tenir ses promesses». Ensuite, Khouraïchi Thiam y va de son alibi : «J’ai été l’un des plus fervents défenseurs d'Abdoulaye Wade. Je q uitte le PDS, et je suis sur le chemin de l’APR car j’ai été trahi. Ma région a été trahie également. En conséquence, je reprends ma liberté d’expression et d’action. Je vais réorganiser notre mouvement, Agir pour le Sénégal, avec des hommes et des femmes de notre pays pour nous mettre au service de tous ceux qui partagent l’ambition de développer le Sénégal en général, et en particulier la région de Tambacounda».

 

Enfin, Aminata Tall, actuelle secrétaire générale de la présidence de la république, qui s’est vue récemment rappelée, par Moustapha Cissé Lô, son statut de transhumante ayant attendu que les carottes soient cuites pour le président Wade pour faire les yeux doux à Macky Sall, n’est pas allée directement chez les «républicains», mais a fabriqué un «Set-Sellal» fantôme comme premier jalon avant la fusion avec l’APR. Ce qui, du reste, a toujours été son ambition (inavouée) de départ. Les Sénégalais auront noté que la plupart de ces mouvements-nains, qui s’épanchent à longueur de journée dans les médias, ne sont en réalité que des tonneaux vides – qui font naturellement beaucoup de bruits – car constitués pour la plupart que de deux pelés et de trois tondus. Si la solution mouvement «autonome» est aujourd’hui privilégiée par les Nouveaux Types de Transhumants comme tremplin avant de faire le saut, c’est parce que cela évite les incertitudes des chemins directs avec tout ce que cela comporte comme risques et périls. Les Nouveaux Types de Transhumants penchent dorénavant pour les sentiers moins directs, sinueux et tortueux, et surtout plus sûrs, pour aboutir au même résultat : aller brouter l’herbe de la prairie du parti au pouvoir.

 

Au Nouveau Type de Transhumant comme à son ancêtre, il convient de leur réserver un enterrement de première classe en donnant suite à la proposition de Djibo Ka qui plaide pour le vote d’une loi organique contre la transhumance politique. Mieux, il y a lieu de tuer dans l’œuf toutes les velléités tendant à encourager la transhumance comme cela a été le cas avec la fameuse «loi Samba Bathily» qui a voulu, en 2004, légaliser la transhumance inter-groupes. Pour rappel, ce député, aujourd’hui transfuge du PDS au REWMI, avait, au plus fort du règne du parti libéral, accepté, comme un mouton de Panurge, de suivre docilement les instructions de son parti d’alors, le PDS, et d’endosser personnellement la responsabilité historique de donner son nom à cette loi scélérate.

 

Pour neutraliser l'opposition parlementaire mais aussi pour venger son parti, le Pds, qui a souffert de la transhumance de ses députés, il proposa l'abrogation de l'article 7 du Règlement intérieur de l'Assemblée nationale. Cet article qui reprend, in extenso, l'article 60 de la Constitution dispose que «tout député qui démissionne de son parti en cours de législature est automatiquement déchu de son mandat». Samba Bathily se fixa alors pour objectif de supprimer cette «loi anti-trahison» en légalisant la transhumance inter-groupes, même si, faut-il le rappeler, cette proposition de loi sera mort-née. Ce genre de rappel était important car il permet de démasquer des politiciens qui comptaient sans doute avec l’amnésie des Sénégalais pour enterrer définitivement, leurs forfaitures, ces tristes épisodes de leur carrière politique.

 

Au total, nous faisons nôtre cette réflexion du politologue Babacar Justin Ndiaye qui déclare avec pertinence : «La transhumance a fâcheusement de beaux jours devant elle. Malgré les professions de foi, les hommes politiques, assoiffés de victoires électorales et avides de majorités parlementaires, seront toujours bienveillants, voire cléments à l’endroit des transhumants. C’est une plaie purulente qui donne un visage vide d’éthique, donc hideux à notre démocratie et à notre gouvernance.»

 

Pape SAMB

papeasamb@hotmail.com

 

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