Publié le 8 May 2020 - 07:10
OUMY GUÈYE (ARTISTE RAPPEUSE)

‘’Je n’accorde pas d’importance aux propos de Nitdoff’’

 

Elle sort du lot. Oumy Guèye alias ‘’OMG’’ est l’une des rappeuses les plus présentes sur la scène musicale. Elle de la technique, du flow, du style et du talent.  Elle est surtout productive. Ce qui lui a valu de gagner trois fois d’affilée le prix de la Meilleure artiste féminine. Dans cet entretien, elle revient, entre autres sujets, sur la polémique qui enfle autour de la rencontre des acteurs des cultures urbaines avec le président de la République, la percée des artistes féminines et sur son expérience dans Galsen Hip-Hop Awards.

 

Vous avez eu une audience à la présidence. Qu’est-ce qui a été dit lors de cette rencontre avec le président de la République ?

Beaucoup de points ont été soulevés, notamment le plus important qui est la sensibilisation par rapport à la maladie du coronavirus. Et bien évidemment la contribution des cultures urbaines dans ce combat. Des idées sont sorties de cet entretien comme celle de faire une chanson avec beaucoup d’artistes du monde des cultures urbaines, la vendre dans les différentes plateformes de téléchargement pour ensuite reverser toutes les recettes au ministère de la Santé. Le président de la République nous a interpellés sur l’importance et l’évolution du Fonds de développement des cultures urbaines (FDCU) dans la gestion des structures du secteur.

Macky Sall vous a promis 500 millions de plus. Est-ce que cet argent est destiné au FDCU qui passerait alors au-dessus du milliard que réclamaient les artistes ou c’est pour aider les artistes à faire face à la pandémie ?

En effet, durant l’audience, le président de la République a promis d’augmenter la dotation du Fonds de développement des cultures urbaines. Ce fonds est destiné à des structures soumettant des projets de développement du secteur. La promesse d’augmenter l’enveloppe de ce fonds constitue une manière, pour le président de la République, d’aider ces différentes structures à faire face à cette période de crise. L’aide pour les artistes est gérée par le ministère de la Culture et le FDCU est géré par la Direction des arts.

Cette somme ne pose-t-elle pas de problème, surtout avec la sortie de Nitdoff qui dit que les artistes ayant pris part à cette rencontre sont des vendus ?

Les propos de Nitdoff n’engagent que lui et je n’y accorde pas d’importance. Nous avons pris part à cette rencontre parce que nous y avons été conviés par le palais de la République. Cette somme n’est pas destinée à une personne ou à des personnes en particulier, mais elle est destinée à des structures. Ce qu’il est important de souligner, c’est que les cultures urbaines sont un secteur organisé et tout acteur de ce secteur ayant une structure peut soumettre son projet et donc peut bien évidemment bénéficier de ce fonds.

D’autres musiciens comme ceux de l’AMS disent qu’ils ne comprennent pas le fait que seuls les acteurs des cultures urbaines soient choisis par le ministre de la Culture comme interlocuteurs. Qu’en pensez-vous ?

Il faut d’abord savoir que je suis membre de l’AMS, mais nous sommes parties au palais de la République en tant que représentant des cultures urbaines. Le ministère de la Culture sera plus apte, je pense, à répondre à cette question du pourquoi il a porté son choix sur les acteurs de notre secteur.

Comment est-ce que vous vivez le semi- confinement, en tant qu’artiste et femme mariée ?

Quand on est artiste, on est habitué à beaucoup bouger et à voyager. Ce n’est pas du tout évident de rester confiné à la maison. Mais on essaie tant bien que mal de s’occuper. Une partie de la maison a été transformée en studio. Ce qui me permet de continuer à travailler malgré le confinement, tout en ayant aussi le temps de m’occuper de ma famille.

Qu’est-ce qui vous a motivée à initier le concept ‘’Freestyle spécial confinement’’ ?

Le concept ‘’Freestyle spécial confinement’’ était une manière, pour moi, de continuer à donner un contenu à mes fans pour les accompagner durant cette dure période. On connaît la puissance de la musique pour soulager, aider et remonter le moral des personnes. Ceci constitue un rôle pour nous artistes, et continuer à donner cette musique à la population est notre message à leur endroit pour leur dire qu’on est là, qu’on les soutient, qu’on partage ces moments avec eux et peu importe la situation, on continuera à être à leur côté.

Ce freestyle me permet également d’alimenter mes réseaux sociaux, en cette période de semi-confinement.

Comment analysez-vous la percée des artistes féminines dans le rap sénégalais ?

C’est très difficile, pour une femme, de percer dans le rap. C’est un milieu très masculin où il est difficile d’être considéré à la hauteur de son talent. Les femmes rencontrent beaucoup d’obstacles, notamment pour la production musicale, la production visuelle et la promotion de leur musique. Elles n’ont pas la visibilité qu’elles devraient avoir. Elles sont obligées de travailler deux fois plus que les hommes pour avoir un semblant de reconnaissance.

Comment est né chez vous cet amour de la musique urbaine ?

C’est une musique que j’ai adoptée. Naturellement, je suis une personne très casanière et écouter du rap m’a permis de voyager. C’est une musique qui m’a beaucoup appris. C’est un monde dans lequel je me retrouvais.

Parlez-nous de votre expérience avec Galsen Hip-Hop Awards ?

C’est la plus grande cérémonie destinée à récompenser les acteurs des cultures urbaines. Les Awards constituent une distinction importante pour chaque artiste. Remporter un Award est un plus dans la carrière d’un artiste. Le GHHA a été une très belle expérience. J’ai gagné 3 fois consécutives le trophée de la Meilleure artiste féminin en 2017, 2018 et 2019. Et par la suite, j’ai décidé de ne plus concourir pour la catégorie Meilleure artiste féminine. Le fait de le faire constitue un acte symbolique pour dire à tous les acteurs du secteur et particulièrement aux organisateurs et au jury que les femmes méritent de gagner d’autres trophées que celui qui leur est dédié. Pour moi, renoncer à cette catégorie constitue un combat contre le machisme qui existe dans le rap.

BABACAR SY SEYE 

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