’’On n’a jamais vécu autant de persécutions contre les opposants’’

Hier, le leader de Taxawu Senegaal, Khalifa Sall, a accueilli Ousmane Sonko. Une occasion, pour le leader du Pastef/Les patriotes, d’inviter l’opposition sénégalaise à un front commun.
‘’Nous réitérons notre ouverture, notre main tendue à notre ami de Taxawu Senegaal, à une collaboration la plus large possible, à tout point de vue, pour ensemble partager une vision et aller ensemble vers ce qui devra changer ce pays’’, a dit hier Ousmane Sonko au leader de Taxawu Senegaal, Khalifa Sall. C’était lors d’une visite de remerciement.
En effet, l’enseignement que M. Sonko tire des événements ayant secoué le pays ces derniers jours, c’est que le peuple semble être plus prêt que la classe politique. ‘’Nous devons rattraper ce peuple aujourd’hui pour montrer que nous sommes à la hauteur. Parce que ce pays ne sera pas changé par un homme. Il faut que toutes les forces saines se retrouvent au sein de l’essentiel, pour qu’ensemble nous puissions changer le pays. Et je pense que nous pouvons valablement penser que Taxawu Senegaal en fait partie.
Ainsi, le leader du Pastef/Les patriotes compte mobiliser l’opposition sénégalaise, la société civile, les mouvements citoyens, indépendamment des colorations politiques, autour d’un large front commun. L’objectif étant de ‘’défendre la démocratie sénégalaise et d’être aux côtés du peuple qui souffre’’.
Selon Ousmane Sonko, les évènements qui se sont déroulés récemment au Sénégal sont la conséquence de la ‘’boulimie du pouvoir, le rêve obsessionnel d’un mandat à vie’’. Ainsi, il assure que les responsabilités seront situées, qu’il n’y aura pas d’impunité. ‘’Nous en tirerons toutes les conséquences de droit. Parce que c’est à cause de l’impunité que ces comportements se reproduisent. C’est parce qu’on n’a pas su tirer les conséquences de ce qui s’est passé en 2011, que ça continue’’, tonne-t-il.
Il trouve qu’il n’est plus admissible que quelqu’un, au Sénégal, puisse se mettre devant le peuple pour penser briguer un troisième mandat. ‘’Un troisième mandat est à exclure. Et le jour où quelqu’un voudrait le faire, on ira le déloger au palais’’, prévient-il.
En ce qui concerne le calendrier électoral, le leader du Pastef estime qu’’’il ne doit plus être laissé à l’appréciation d’une seule personne qui dit ‘je ferai les élections quand je veux’’’.
D’ailleurs, dans le mémorandum du Mouvement pour la défense de la démocratie (M2D), il y a la question du troisième mandat et celle de l’organisation de la Présidentielle en 2024. En effet, il est demandé au président Macky Sall de reconnaître publiquement l’impossibilité constitutionnelle et morale à briguer un troisième mandat. Il est aussi invité à s’engager publiquement à organiser les élections locales en 2021, les Législatives en 2022 et la Présidentielle en 2024 dans des conditions libres, démocratiques et transparentes.
Ainsi, Ousmane Sonko remercie tous les guides religieux et guides coutumiers, notamment Serigne Mountakha Mbacké, qui a assumé la responsabilité d’engager des initiatives ‘’de manière équidistante’’. ‘’Il l’a même dit. Il n’est pas partisan, mais il ne peut pas, en tant qu’autorité religieuse de cette envergure, rester insensible à ce qui se passe dans ce pays’’, dit-il. ‘’Les gens ont tendance à dire que les guides religieux n’interviennent pas. Ils sont tous, à un moment ou à un autre, intervenu, mais n’ont pas été écoutés. C’est la réalité. C’est quand ça brûle, et que celui qui se croyait extrêmement fort s’est retrouvé en position de faiblesse, qu’il est allé recourir à des autorités religieuses’’, a-t-il ajouté.
Le leader de Taxawu Senegaal se réjouit qu’il existe au Sénégal des ressorts grâce auxquels, à chaque fois qu'on est au bord du gouffre et du précipice, on s’arrête. Il estime que ça doit être considéré, compris, accepté comme un acquis. Toutefois, il croit que ce que vit le pays aujourd’hui est le point d’un nouveau départ de sa construction. ‘’C’est un nouveau départ pour que la démocratie en consolidation puisse continuer à s’améliorer et à s’exercer dans les meilleures conditions pour toutes et pour tous. Il faudra que les libertés et la démocratie puissent être confortées, consolidées dans ce pays. Il faudra que les ruptures au plan comportemental puissent se faire dans les meilleures conditions. Nous devons gérer ce pays autrement, puisque la principale leçon à tirer est que les gens n'accepteront plus jamais que tout soit fait comme avant. Cela veut dire ça suffit. Vous vous assumez, on s’assume ; vous ne vous assumez pas, on s’assume’’, dit-il.
‘’Dictature de Macky Sall’’
L’ex député-maire Khalifa Sall, qui a été emprisonné, est ‘’l’exemple patent des dérives dictatoriales de Macky Sall’’, selon Ousmane Sonko. ‘’Je considère que le statut que vous confère le peuple, personne ne peut l’annuler. C’est à tort, illégalement et injustement, que le député-maire Khalifa Sall a été privé de ce statut que le peuple lui a conféré par la voie des urnes’’, se désole-t-il.
En effet, M. Sonko pense que, depuis 9 ans que Macky Sall est au pouvoir, ‘’on n’a jamais vécu autant de persécutions contre les opposants’’. Pour preuve, il déclare : ‘’J’ai tendance à dire qu’on peut tout reprocher au président Abdoulaye Wade, mais il n’a jamais empêché à un adversaire de pouvoir se présenter à une élection. En 2007, la menace la plus grande contre son régime venait d’Idrissa Seck. Et pourtant, il l’a élargi de prison avant les élections et lui a permis de participer aux élections de 2007.’’ Il a également rappelé que même si l’opposant Abdoulaye Wade a pu être emprisonné par moments, avant chaque élection, il a recouvré tous ses droits pour pouvoir se présenter.
‘’C’est la première fois, dans l’histoire politique du Sénégal, qu’on a un président qui s’est juré qu’il ira aux élections sans opposition. Et c’est symptomatique qu’un homme politique, à partir du moment où il est élu à la magistrature suprême, puisse dire : ‘Je réduirai l’opposition à sa plus simple expression’’’, regrette le leader du Pastef.
‘’Et il l’a matérialisé par des pratiques malsaines. Par la corruption d’opposants, pour les retourner et en faire des alliés, avec cette fameuse théorie de la transhumance qui n’honore pas la classe politique. Parce que ça renvoie à l’animalité même (aller chercher l’herbe là où elle est verte). C’est, ensuite, le détournement des moyens d’Etat (la justice, l’Administration, les forces de sécurité) pour traquer des opposants. Et les éliminer systématiquement’’, a-t-il poursuivi.
La démocratie, c’est une majorité qui gouverne et une opposition forte qui s’oppose, a-t-on l’habitude de dire.
BABACAR SY SEYE