Publié le 5 Nov 2013 - 20:00
PROCÈS BADA FALL

 De l’argent et du déballage à gogo !

 

Après un énième renvoi, l'ex-régisseur Bada Fall, l'infirmier Modou Ndiaye et le surveillant de la prison de Thiès Birame Faye, ont fait face hier aux accusations tous azimuts de la partie civile. Des accusations au cœur desquelles l'argent et la corruption ont été omniprésents. En attendant le verdict du tribunal correctionnel, le trio risque une peine de 2 ans de prison ferme

 

L’argent a coulé à flot lors du procès de Bada Fall en audience spéciale hier à Thiès. Dans une ambiance délibérée de déballages ! Par exemple, pour bénéficier d’une grâce présidentielle, d’une liberté provisoire, d’un changement de cellule pour un supplément de confort, d’une permission de sortie, entre autres avantages, les détenus de la maison d’arrêt et de correction de Thiès, courant 2009-2012, ne lésinaient pas sur les moyens. Ainsi, le sieur Francis Bergès, pour avoir droit à une grâce présidentielle, a mis 1,2 million de francs Cfa sur la table. Une somme identique lâchée par la dame Ndella Diouf. Quant à Anta Houssa, elle s'est acquittée d'un montant de 300 000 francs Cfa, contre 150 000 francs pour Sandra Oguona... Et la liste est loin d’être exhaustive.

Pour ces faits, l’ex-régisseur Bada Fall, l’infirmier Modou Ndiaye et le surveillant de prison Birame Faye, tous de la Mac de Thiès, font face à la justice depuis le 26 février 2013. Ils ont comparu hier pour répondre des chefs d’accusations suivants : association de malfaiteurs, escroquerie et  corruption. L’affaire a éclaté après une série de plaintes et complaintes des prisonniers au niveau du centre socio-éducatif de la prison.

«Je ne me dérobe pas comme mon chef !» (Modou Ndiaye, infirmier)

Aussi, l’assistante sociale Fatou Diouf Samb, mise au parfum de ces pratiques peu orthodoxes, a-t-elle interpellé directement l’intéressé. Furieux des accusations de celle-ci, l'ex-régisseur l’affecte alors au Camp pénal de Dakar sans que Mme Samb ne lâche du lest dans sa volonté de dénoncer les pratiques. Devant le tribunal, Bada Fall plaide non coupable. Son compagnon Modou Ndiaye ne s’engouffre pas dans cette brèche et crie haut et fort : «Je tombe, je me rends, mais je ne me dérobe pas comme mon supérieur. Je préfère mourir en prison que de me dérober», dit-il fermement. Interrogé par les juges, il explique que son ex-patron lui avait demandé de recenser tous les prisonniers qui étaient gérés par le 2e cabinet d’instruction. Objectif : offrir à chacun la liberté provisoire ou la grâce présidentielle moyennant une somme de 200 mille francs.

«J'ai investi 30 millions de francs dans cette prison» (Bada Fall)

«J’ai par deux fois remis la somme de 200 mille francs Cfa à Bada Fall. Et j’ai une fois accompagné un détenu lui remettre de l’argent», affirme-t-il. Réponse de Bada Fall : «Tout l’argent que j’ai reçu de la part de Francis Bergès, je l’ai versé au niveau de la Mac de Thiès. J’ai construit 3 salles sur fonds propres et grâce à mes partenaires», rétorque le chef maton. «J’ai investi 30 millions de francs Cfa dans cette prison. Donc quémander des 200 mille francs Cfa, ce n’est pas ma tasse de thé.»

Dans son réquisitoire, le procureur a qualifié Bada Fall et Cie de trompeurs. «Ils ont profité des personnes en état de vulnérabilité pour leur soutirer de l’argent. Ils ont violé les règlements de la Mac de Thiès». C'est pourquoi il a requis une peine de 2 ans de prison contre l'ex-régisseur, et 2 ans dont un an ferme pour Modou Ndiaye et Birame Faye.

Une peine jugée très lourde par les avocats de la défense. Me Magloire Ayi a soutenu que Bada Fall a tout donné à l’administration pour qu'on ne l'accuse pas, à deux années de la retraite, d’association de malfaiteurs. «La prison est un nid de frustrations, et des insuffisances non digérées peuvent être la cause de tout ceci.» Il a donc plaidé la relaxe au bénéfice du doute. Embouchant une autre trompette, Me Souleymane Ndéné Ndiaye a estimé que cette affaire est «un règlement de comptes entre Bada Fall et Fatou Diouf» car «ils ne s’entendaient pas».

Après huit mois de prison, le trio présumé de malfaiteurs devra encore patienter jusqu’au 26 novembre pour connaître le sort que le tribunal lui réserve.

NDEYE FATOU NIANG (THIES)

 

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