Les Sénégalais vivant au Tchad craignent pour leur vie

Les enquêtes en vue de la tenue du procès de l’ancien président tchadien démarrent en février. Mais déjà pour les Sénégalais qui vivent au Tchad, c’est la peur contre d’éventuelles représailles des partisans de Hissène Habré. Ils interpellent l’État du Sénégal.
Hissène Habré n’est certainement pas le seul à avoir peur pour son jugement. Le même sentiment anime les ressortissants sénégalais vivant au Tchad. Ils ont fait état hier à EnQuête de leurs craintes, par rapport à la tenue du procès de l'ancien dictateur. Cheikh Thiam, président des jeunes ressortissants sénégalais, s’est voulu clair : ''Nous ne demandons pas de ne pas juger l’ancien président tchadien, mais que les autorités du Sénégal pensent à nous qui vivons dans ce pays''.
Cheikh Thiam et les ressortissants sénégalais estiment que si le jugement de Habré doit se tenir, l’État du Sénégal doit prendre au préalable des mesures pour mettre en sécurité ses ressortissants. Ils interpellent ferme : ''Que les autorités organisent des vols pour nous rapatrier au Sénégal en cas de danger''. Ces ressortissants sénégalais gardent toujours de mauvais souvenirs des événements intervenus en 2012, lorsque le président Wade avait pris, à la surprise générale, la décision de rapatrier Hissène Habré vers son pays d’origine. ''Nous avons reçu plusieurs menaces'', confie Cheikh Thiam qui raconte qu’un ami à lui, faisant partie de la famille d’Hissène Habré, l’a même appelé un jour pour lui dire ceci : ''Mais vous les Sénégalais qu’est-ce que vous croyez ? Vous avez fini de bouffer le fric du vieux et vous voulez le ramener.
Cela ne se passera pas comme ça !’’ Pour le président des jeunes ressortissants sénégalais au Tchad, les choses sont on ne peut plus claires : ''Pareils individus seraient prêts à agir contre les Sénégalais.'' Il ajoute qu’au Tchad, plusieurs individus sont pour le jugement d’Habré, mais les ''Gouranes'', son ethnie, restent réticents. Toujours replongés dans leurs souvenirs, les Sénégalais qui vivent au Tchad se rappellent, dans N’Djamena, les marches de protestation contre l’impunité dont bénéficie l’ancien chef d’État. ''Lors d’une marche en 2004, on a craquelé une vitre de mon atelier. C’était fait sciemment, car les auteurs savaient que je suis sénégalais'', témoigne Cheikh Thiam, présent au Tchad depuis 2002.
Couturier de son état, ce Sénégalais de 31 ans semble trouver son compte au pays d’Idriss Déby Itno, où il gère un petit complexe fait d’une boutique de prêt-à-porter, d’accessoires féminins, d’un atelier de couture et d’un salon de coiffure. En dehors des dangers auxquels expose l’affaire Habré, dit-il, les Sénégalais vivent en paix au Tchad. Hormis des ennuis causés par quelques agents de l’immigration ''racketteurs'' qui les embêtent en des périodes creuses du mois, bien entendu.
Amadou NDIAYE