L’équation de l’argent

‘’Une eau abondante de qualité pour tous, partout et pour tous les usages, dans un espace durablement assaini, pour un Sénégal émergent’’. Ce slogan du ministère de l’Eau et de l’Assainissement sonne creux à Touba où l’alimentation durable en eau potable de la ville est une préoccupation majeure aussi bien du pouvoir que des autorités religieuses. D’ailleurs, le chef de l’Etat l’a réaffirmé, lors de la réunion hebdomadaire du Conseil des ministres du mercredi 11 mars 2020. Ils peinent à mobiliser les ressources nécessaires pour le plan d’urgence.
Quelle solution pour une alimentation durable en eau potable de la ville de Touba ? Cette équation est devenue un casse-tête pour les différents régimes qui se sont succédé à la tête du Sénégal, depuis les indépendances. Plusieurs solutions ont été proposées, mais elles n’ont pas eu l’effet escompté. Cela, en dépit de l’existence de 30 forages gérés de façon spéciale.
Pour les techniciens du ministère de l’Hydraulique, les solutions immédiates sont le financement et l’exécution du programme d’urgence chiffré à 2 278 692 000 F CFA. Ce programme, qui a été exposé lors du comité régional de développement spécial du 2 mars passé et présidé par le ministre de l’Eau et de l’Assainissement Serigne Mbaye Thiam, comprend le renouvellement des ouvrages de captage, de stockage et les conduites les plus vétustes dont l’âge dépasse 25 ans.
Dans ce programme d’urgence, il est impératif, pour les techniciens, que les usagers abandonnent le refoulement direct dans le réseau. Il faudra aussi construire de nouveaux châteaux d’eau et implanter des vannes de sectionnement sur le réseau d’AEP, afin de créer un zonage des différents champs d’influence des points d’eau existants. La solution consiste à réhabiliter le réseau et à renouveler les branchements dans les quartiers tels que Darou Marnane, Darou Khoudoss, Nguiranène, Ndame et Sam, identifiés pendant les périodes de pointe comme étant des zones de pénurie systématique.
Dans le même sillage, il est demandé de procéder à des opérations de maillage qui contribuent positivement à l’amélioration de la couverture en eau des zones déficitaires. Il s’agit de quadriller les quartiers de Dianatou Mahwa, Touba Mosquée et Darou Rahmane, pour renforcer le réseau existant naguère déficitaire.
Pour les techniciens, la réhabilitation des systèmes de production au niveau des forages et des châteaux d’eau, par l’installation d’équipements de régulation automatique, de soupapes de décharge, de compteurs, etc., sur les points d’eau qui en manquent et la rénovation des équipements de pompage des forages réalisés avant 2025, sont impératives. Les autres solutions sont la dilution entre les forages et le transfert d’eau. Pour cette dernière solution, les techniciens souhaiteraient promouvoir le transfert à partir des 4 champs captant (130 000 m3/j) dans les zones d’Afé, Darou Minam Taïf, Yoro Sadio et Touba Fall. L’avantage, c’est qu’elles sont proches de Touba et la disponibilité en eau au niveau de la nappe peut permettre d’étancher la soif des populations de la cité religieuse, avec une eau douce et de qualité. Le potentiel exploitable sans créer un déséquilibre entre la recharge et les prélèvements est de 130 000 m3/jour et il y a un faible risque d’attirer des eaux saumâtres en maintenant les forages de Touba en pompage.
L’opportunité de ce potentiel de 130 000 m3/j d’eau de bonne qualité identifié dans les nappes maestrichtiennes à l’est de Touba, c’est qu’elle offre la possibilité de réaliser 40 forages pour transfert d’eau.
Si Touba en est arrivée à cette situation, c’est parce que la problématique de la situation de l’alimentation en eau potable de cette ville se caractérise par de fortes teneurs en sel dissous en sus d’une présence de fluor. Il s’y ajoute le dimensionnement de certains tronçons avec un sous-dimensionnement ou diamètres non standards. La capitale du mouridisme est aussi caractérisée par la configuration et la gestion du réseau avec des forages interconnectés, un zonage très difficile et un refoulement direct dans le réseau pour certains forages.
Les techniciens de l’hydraulique ont noté, entre autres problématiques, le non-respect des normes de branchement avec la multiplicité des intervenants sans autorisation pour la plupart, une méconnaissance du réseau qui se caractérise par sa vétusté et un rendement non maitrisé, etc. Il est regretté la surcharge du réseau avec une extension des quartiers de la ville ainsi que l’accroissement démographique.
S’exprimant sur le programme d’urgence spécial, Seyni Ndao, le directeur général de l’Office des forages ruraux (Ofor) soutient qu’il va être ‘’relancé, parce que ce sont des forages à grand débit et on n’a pas eu des entreprises qui ont soumissionné. L’Ofor a mis 500 millions’’. A sa suite, le ministre Serigne Mbaye Thiam a laissé entendre ‘’un plan d’urgence de 2,278 milliards de F CFA dont le financement est mobilisé et couvert actuellement à hauteur de 1 milliard et une demande complémentaire de dotation a été faite. Mais nous n’avons pas attendu. Les appels d’offres ont été lancés et les délais nous permettent de réaliser ce plan d’urgence au niveau de la commune de Touba. En attendant, nous sommes en train de trouver une solution à long terme pour Touba et les autres localités qui connaissent un problème de qualité d’eau sur un programme de transfert d’eau. Mais c’est un programme d’eau plus ambitieux’’.
Boucar Aliou Diallo