Publié le 15 Jul 2012 - 12:00
PROJET DE BARRAGE DE FELOU

Une affaire de corruption portant sur 8,3 milliards éclabousse l’OMVS

 

L’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS), son Haut commissaire, plus précisément, est citée dans une affaire de perception de commission aux râlants de corruption, de concussion et de prise illégale d’intérêt.

 

Le montant en jeu tourne autour de 8,3 milliards de francs Cfa dans le cadre du marché du barrage hydroélectrique de Félou. La Banque mondiale et le Banque européenne d’investissement (BEI), les bailleurs du projet pour un montant de 150 milliards sont en train d’enquêteurs sur le sujet.

 

L’affaire porte sur une commission de 5,5%, représentant 8,3 milliards de francs Cfa sur un marché de 152 milliards. Elle met en scelle le Mauritanien Mohamed Salem Ould Merzoug, Haut commissaire de l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS), et son compatriote Youssef Abdoul Fétah, les Sénégalais Saloum Cissé (ancien Directeur de l’Energie) et Amadou Bocar Sy (gérant de l’hôtel des députés), et la société chinoise Synohydro. Cette dernière, à l’issue d’un appel d’offres international, a remporté, pour 152 milliards de francs Cfa, le marché du barrage hydroélectrique de Félou, un projet de l’OMVS. Mais tout ce beau monde fait l’objet d’une plainte de la part d’un Sénégalais du nom d’Ousmane Thioye Diène, homme d’affaires.

 

Celui-ci a saisi le Procureur de la République, le Procureur général, la Banque mondiale et le Banque européenne d’investissement (BEI), les bailleurs du projet. Ce, pour prise illégale d’intérêt, corruption active et corruption passive, trafic d’influence, concussion, corruption de fonctionnaire, entre autres. Une affaire prise tellement au sérieux que la Banque mondiale et la Banque européenne d’investissement ont dépêché deux enquêteurs pour s’informer. Pour la Banque mondiale, c’est Mohamed El Maini, expert relevant de la vice présidence chargée de l'intégrité qui s’est déplacé pour auditionner M. Diène du 6 au 11 juillet ; pour la BIE, c’est Johan Vlogaert, chef de division ‘’Enquête sur les fraudes’’ qui a fait un détour au Sénégal du 27 au 29 juin dernier.

 

Tout commence en 2006 quand rencontre, dans une foire, Deng Sheng, un des responsables de la société chinoise Synohydro qui cherchait des marchés en Afrique de l’Ouest. Entre les deux partie, il a été convenu que le sieur Diène recevra une commission de 3% ‘’sur chaque contrat’’ que la société chinoise gagnerait par son entregent. Ce qui devait représenter pas moins de 4,5 milliards de francs Cfa avec le marché du barrage hydroélectrique de Félou. Après avoir passé toutes les étapes de la procédure, notamment les avis de non objection de la Banque mondiale, Sinohydro remporte l’appel d’offres pour un montant de 152 milliards de francs Cfa.

 

C’est en durant cette partie de la procédure qu’entre en jeu le Mauritanien Youssef Abdoul Fetah, présenté comme ‘’un homme’’ de Mohamed Merzoug, le Haut commissaire de l’OMVS. Ce dernier négocie avec les Chinois et fait passer la commission à percevoir de 3 à 5,5%. Soit 8,3 milliards de francs Cfa. Du coup, Ousmane Thioye Diène est écarté de l’affaire et Amadou Bocar Sy, actuel gérant de l’Hôtel des députés de l’Assemblée nationale. Ce dernier serait l’ami l’intime du grand frère de Merzoug qui a des relations avec Fétah.

 

S’attendant à un versement de commission à milliards, Ousmane Thioye Diène se voit remettre ‘’une modique somme’’ qui ne fait même pas 2 millions de francs Cfa. Mécontent, il porte plainte contre Amadou Bocar Sy et Youssef Abdoul Fétah pour abus de confiance au tribunal de Dakar. Et pour ‘’étouffer’’ l’affaire, Hussein Hayad, un homme d’affaires libano-syrien installé à Dakar, entre en jeu et fait deux versements de quelques millions (toujours pas de milliards) au sieur Diène. Mais d’après d’autres sources, c’est l’entreprise chinoise Sinohydro qui, voulant ne pas voir son nom mêlé à une affaire de corruption, ‘’a voulu désintéressé Ousmane Thioye Diène’’. C’est qui expliquerait ces deux versements en avril et juin 2011. ‘’M. Hayad m’a convaincu d’accepter cet engagement parce que le juge aurait reçu 3,5 millions de francs Cfa pour clore le cas’’, a soutenu M. Diène lors de son audition par l’expert de la BIE. Vrai ou faux ? Toujours est-il qu’après une longue procédure, le juge en charge du dossier a décerné un non lieu en faveur des mis en cause.

 

Toujours est-il qu’avec le changement politique au Sénégal, Ousmane Thioye Diène revient à la charge pour de nouvelles plaintes. D’abord à la Cour de justice de la Communauté économique des Etat de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), le 21 mai dernier. En réponse, cette juridiction ouest africaine n’a pas donné ‘’une suite favorable’’ à cette plainte ‘’pour des raisons d’irrégularités de forme et de fond’’, d’après la lettre réponse servie par Awa Nana Daboya, la présidente. Ces irrégularités tiennent au fait que ‘’les requête ne sont pas adressée à la présidente mais plutôt au greffe’’. Aussi que M. Diène devait se ‘’faire représenter par un avocat’’. Pis, ‘’la nature commerciale’’ de cette affaire ‘’demande le déclenchement de l’action publique, c'est-à-dire qu’il s’agit d’une action pénale ; ce qui n’est malheureusement pas de la compétence de la Cour de justice de la CEDEAO’’.

 

Ainsi donc, Ousmane Thioye Diène passe à la vitesse supérieure et porte plainte, cette fois contre la société Sinohydro auprès de la Banque mondiale, de la BIE et auprès du tribunal de Nanterre, en France. Deux autres plaintes sont aussi déposées auprès du Procureur de la République et du Procureur général. La première a été imputée à la Sûreté urbaine (SU) et l’autre à la Brigade de gendarmerie de Ouakam. Dans toutes les plaintes, Mohamed Merzoug, Youssef Abdoul Fétah, Amadou Bocar Sy, Saloum Cissé et Hussein Hayad sont cités en tant que complices.

 

 

BACHIR FOFANA

Section: