Publié le 2 Nov 2017 - 16:29
RAPPORT DOING BUSINESS 2018

Le Sénégal rate son pari 

 

Etre dans le top 100 des meilleurs réformateurs au monde dans le classement du rapport Doing Business 2018. Tel était l’objectif que s’était fixé le gouvernement pour cette année. A l’arrivée, c’est un véritable flop, car le pays est classé 140e mondial avec seulement un gain de 7 places par rapport à 2017. La Directrice des Opérations de la BM, Louise Cord, a suggéré mardi dernier, lors de la publication du rapport, des pistes pour permettre au Sénégal d’approfondir les réformes et d’améliorer sa compétitivité.

 

L’Afrique subsaharienne a réussi, en 10 ans, à être la première région réformatrice au monde. Dans le rapport  Doing Business de 2017, les pays de cette zone avaient battu le record avec 80 réformes. De manière globale, à la date du 1er octobre dernier, la région a fait 75 réformes. Le Sénégal n’est pas resté en marge de ce mouvement jugé ‘’impressionnant’’ par la Directrice des Opérations de la Banque mondiale, Louise Cord.

 En effet, dans le classement 2018, le pays de la Teranga (économique ?) fait partie des 5 meilleurs réformateurs d’Afrique. Sur le plan mondial, le Sénégal a enregistré un bond en avant de 7 places, par rapport à l’année dernière, en se positionnant à la 140e  place du  classement. Une position qui fausse l’objectif que le gouvernement s’était fixé en 2017. Les autorités voulaient que le pays intègre le top 100 des meilleurs réformateurs mondiaux. ‘’Certes, il y a des progrès accomplis. Mais il ne faut pas perdre de vue qu’il reste beaucoup à faire pour l’ensemble des pays de la région, pour rivaliser avec les économies connues comme les meilleures réformatrices. En effet, la majeure partie des pays en Afrique subsaharienne, même ceux qui ont enregistré une nette amélioration, demeurent au plus bas du plafond de compétitivité’’, a signalé Louise Cord, dans son allocution lors de la publication du rapport avant-hier mardi.

Dès lors, la Directrice des Opérations de la Banque mondiale a suggéré au gouvernement sénégalais des pistes pour approfondir les réformes et améliorer la compétitivité du pays. D’abord, elle a estimé qu’il faut ‘’continuer à simplifier’’ la fiscalité des affaires et l’effectivité des contrôles de données. ‘’La poursuite des réformes visant à moderniser l’administration des taxes et impôts, notamment à travers la généralisation du télépaiement à tous les usagers, ainsi qu’un renforcement du contrôle des importations, peut permettre de faciliter la formalisation des entreprises’’, a-t-elle suggéré. Selon elle, ce processus est l’un des éléments les plus importants qui freinent le développement du secteur formel.

Un accès au marché international limité

En plus, renchérit Louise Cord, la poursuite du programme de dématérialisation des procédures administratives et l’effectivité du paiement en ligne sont ‘’critiques’’. Ceci s’applique à toutes les procédures administratives essentielles pour les entreprises comme par exemple l’accès au registre de commerce et au crédit immobilier, l’obtention des autorisations comme le permis de construction.

‘’Par ailleurs, une réflexion de fond sur le système de paiement en ligne s’impose pour faciliter l’exportation. Car les entreprises sénégalaises sont actuellement limitées dans les moyens d’effectuer des ventes de services en ligne à l’étranger. L’exportation de mobilier par exemple est très difficile’’, a-t-elle regretté. Pour la Directrice des Opérations de la BM, la question est ‘’clairement complexe’’ et implique de nombreux acteurs étatiques régionaux, mais également ceux du secteur bancaire.

Cependant, pour Mme Cord, l’exportation mérite une ‘’attention particulièrement’’, si on veut que les entreprises sénégalaises ‘’profitent pleinement’’ des opportunités existantes sur le marché international. D’après elle, des pays comme le Kenya constituent des exemples intéressants dont il faut s’inspirer. Toutefois, il est à noter que ces pistes d’améliorations sont toutes ‘’conditionnées’’ par le développement des télécoms.

‘’Un secteur bien réglementé où la concurrence effective dans les différents schémas clés, que ce soit la fibre optique, la téléphonie mobile ou l’accès à internet, doit permettre au Sénégal de mieux tirer profit de ces acquis technologiques et favoriser le dynamisme du secteur privé dans les filières nouvelles telles que l’entrepreneuriat numérique’’, a soutenu Mme Cord. Avant d’ajouter que des efforts visant à améliorer la justice commerciale sont également à encourager. Celles-ci constituent le ‘’socle’’ sur lequel la patronne de la BM au Sénégal pense qu’on peut améliorer l’environnement des affaires. Dans ce sens, la mise en place effective du tribunal de commerce doit, selon elle, permettre de ‘’professionnaliser’’ la justice commerciale pour améliorer la transformation du secteur.

Des perspectives reportées

A ce propos, le Directeur général de l’Apix, Mountaga Sy, a indiqué que la loi pour la mise en place d’un tribunal de commerce a été votée cette année. ‘’Les perspectives pour 2018, c’est plus de célérité dans la généralisation du télépaiement par l’acquittement en ligne des taxes et redevances liées aux démarches administratives, l’opérationnalisation du guichet électronique portuaire, celle du tribunal de commerce’’, a ainsi promis le Dg de l’Agence en charge de la promotion des investissements.

 Il faut indiquer que dans la feuille de route du gouvernement, établie après la publication du rapport Doing business de 2017, il était prévu de généraliser le télépaiement pour les frais liés à la délivrance des actes administratifs déjà dématérialisés (création entreprise, permis de construire, sûreté et actes de greffe), avant le 15 mars 2017.

Concernant la finalisation du processus de mise en place d’un Guichet unique intégral au Port, sous forme de centre de service et traitement centralisé de toutes les formalités d’import-export, elle devait se faire à la date du 30 avril  2017. La mise en place d’un système permettant le paiement unique des taxes sociales dans le cadre de la mise en synergie de la Caisse de sécurité sociale et l’Institution de prévoyance retraite du Sénégal (Ipres) est également décalée pour 2018. La réduction des coûts par la suppression des droits de timbres pour la mutation d’immeubles au profit des Pme, la rationalisation des frais portuaires et l’amélioration de la qualité des procédures par l’augmentation du taux d’enrôlement du bureau d’information sur le crédit, non plus, ne seront pas pour 2017. C’est également le cas pour l’amélioration de l’Indice sur la protection des investisseurs et l’opérationnalisation du livre du foncier électronique et la mise en place de procédures dédiées à la résolution rapide des petits contentieux.

En d’autres termes, le Sénégal est loin d’avoir atteint son objectif. Sur une trentaine de points retenus sur la feuille de route, seules 6 réformes ont été vraiment concluantes. Pourtant les autorités se sont beaucoup données pour l’atteinte de l’objectif. Après un séminaire gouvernemental pour valider la feuille de route autour du premier ministre, le gouvernement a organisé au moins deux séminaires de partage avec les acteurs. Une large communication a été faite sur cet objectif.

Il s’y ajoute que lors d’un séminaire à Radisson à la fin du mois de décembre 2016, la quasi-totalité des représentants des différentes institutions publiques avaient réellement indiqué que les délais étaient à respecter. Dans l’édition du 2 janvier 2017, EnQuête avait titré : ‘’les ambitions irréalistes du gouvernement’’, en s’appuyant sur les déclarations des différents intervenants.  

Mais le gouvernement semble avoir oublié cet objectif pour se féliciter des avancées. Le ministre de l’Economie, des Finances et du Plan, Amadou Ba, a souligné que de manière plus spécifique, le ‘’bon classement’’ du Sénégal dans le Doing Business 2018 a été possible grâce notamment à la baisse du coût de création des entreprises. La réduction des mutations d'immeubles au profit des Pme, avec une diminution des émoluments des notaires à un prix forfaitaire de 500 000 F CFA pour le transfert de propriété d'un immeuble dont la valeur est inférieure à 40 millions de F CFA, en plus de la réduction de moitié du salaire du Conservateur, ont été déterminantes dans cette position. C’est également dans cette perspective que la BM a salué les efforts réalisés pour la réduction des coûts de raccordement à l'électricité et l'amélioration de la fiabilité du réseau d'électricité, avec la baisse de la durée et de la fréquence des coupures de courant. Mais également l’amoindrissement des délais de branchement à l'eau, du remboursement de crédit de TVA.

Tout compte fait, le Sénégal a accompli six (6) réformes dans le rapport 2015, quatre  (4) en 2016, quatre (4) autres en 2017 et cinq (5) réformes pour 2018. Ce qui fait un total de 19 réformes en 4 ans. Ceci a permis au pays de remonter de 14 positions entre 2015 et 2017. Mais l’objectif de figurer dans le top 100 des meilleurs réformateurs au monde devra encore attendre.   

MARIAMA DIEME

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