Publié le 24 Mar 2023 - 11:12
REFORME DES RETRAITES

Net rebond de la mobilisation dans toute la France

 

Pour cette neuvième journée d'action contre la réforme des retraites, la mobilisation est en hausse un peu partout dans l'Hexagone, au lendemain d'une intervention du président de la République qui a hérissé les opposants. Un total de 3,5 millions de manifestants ont manifesté jeudi selon le syndicat CGT, 1,08 million pour le ministère de l'Intérieur. Fort de ce succès, les syndicats appellent à une 10e journée de mobilisation.

 

Cette journée est la première organisée au niveau national après l'adoption de la loi via l'arme constitutionnelle du 49.3, le 16 mars. Les critiques visent particulièrement le président de la République après son intervention télévisée.

« J'ai trouvé que c'était du gros foutage de gueule. Il est dans une espèce de bulle en dehors de la réalité, il se croit invincible et intouchable dans son château d'or. Mais on va finir par faire comprendre que ce n'est pas possible et qu’il faut que ça s'arrête maintenant », déclare Sarah, 23 ans étudiante, interrogée par notre correspondant à Strasbourg, Wyloën Munhoz-Boillot

Les manifestants contre la réforme des retraites étaient nettement plus nombreux dans de nombreuses villes, d'après les chiffres des syndicats comme ceux des autorités. Une semaine après un huitième round en demi-teinte, les cortèges font de nouveau le plein. À Rouen, la préfecture a dénombré 14 800 manifestants, un record depuis le début du mouvement social, tandis que la CGT en a revendiqué 23 000. Les premiers cortèges étaient fournis, davantage que lors de la dernière journée de mobilisation, mais sans atteindre les records, comme à Clermont-Ferrand où ils étaient selon les autorités 13 500, ou à Agen (4 000) et Bayonne (9 500).

Forte mobilisation à Paris et en régions

Participation également en forte hausse à Lyon (22 000 à 55 000), Brest (20 000 à 40 000) ou Montpellier (18 000 à 40 000), où la mobilisation est toutefois restée en-deçà des sommets enregistrés lors des précédentes journées, surtout le 31 janvier et le 7 mars. Le regain par rapport à la précédente journée de mobilisation était aussi observé dans des villes moyennes comme Agen (4 000 à 6 000), Laval (5 200 à 9 600) ou Valenciennes (3 100 d'après la police).

Si les estimations variaient le plus souvent du simple au double, certaines villes se distinguaient par des écarts plus prononcés, notamment Saint-Etienne (6 200 à 35 000), Nice (5 200 à 40 000) et, comme à l'accoutumée, Marseille où la préfecture a compté 16 000 manifestants, soit dix-sept fois moins que les 280 000 avancés par la CGT.

Quelque 800 000 personnes manifestaient jeudi à Paris pour la neuvième journée de mobilisation contre la réforme des retraites, a annoncé la CGT à l'AFP, alors que le chiffre des autorités n'était pas immédiatement disponible. C'est le chiffre le plus élevé avancé par le syndicat depuis le début du mouvement, le précédent record dans la capitale remontant au 7 mars, avec 700 000 manifestants, selon la CGT (81 000, selon la préfecture).

Dans le cortège à Strasbourg, Sylvain Arnaud, professeur d'histoire, estime que l'intervention du chef de l'État a renforcé les rangs des manifestants.« Ce discours a fait lever en fait la colère des gens, des gens qui n'avaient jamais encore manifesté ou fait grève. Au tout début de la manif, j'ai croisé quelqu'un qui m'a dit : « C'est la première fois que je fais grève. » Et je pense que ce n'est pas terminé. Les gens vont être de plus en plus déterminés et le mouvement ne fait que commencer. »

La présence des jeunes dans la rue a aussi été importante. Étudiants, lycéens qui étaient silencieux lors des dernières manifestations se sont réveillés et sont descendues massivement dans les rues de l'Hexagone. L'Unef, le principal syndicat d'étudiants, avance le chiffre de 150 000 jeunes présents.

Un total de 3,5 millions de manifestants ont manifesté jeudi en France, selon le syndicat CGT. Ce sont 1,08 million de personnes qui se sont mobilisés pour le ministère de l'Intérieur, dont 119 000 à Paris. La mobilisation a battu un record à Paris et est en hausse par rapport à la 8e journée de mobilisation le 15 mars, où 480 000 personnes étaient descendues dans la rue en France, selon la Place Beauvau.

Suite au succès de la mobilisation, les syndicats ont annoncé une dixième journée de grèves et de manifestation, le 28 mars, et des rassemblements syndicaux de proximité ce week-end, pour protester contre la réforme des retraites. « Alors que l'exécutif cherche à tourner la page, ce mouvement social et syndical pérenne et responsable confirme la détermination du monde du travail et de la jeunesse à obtenir le retrait de la réforme », ont-ils affirmé à la fin de la journée de manifestations.

Heurts entre policiers et manifestants

Des heurts ont opposé jeudi à Nantes, Rennes et Lorient des manifestants aux forces de l'ordre, qui ont répondu aux dégradations et jets de projectiles par des tirs de gaz lacrymogène, ont constaté des journalistes de l'AFP. À Nantes, des manifestants se sont introduits dans le tribunal administratif, saccageant l'accueil et brisant vitres et portes, a constaté l'AFP. Les pompiers ont rapidement éteint un départ de feu dans une salle d'audience. À Rennes, le syndicat Force Ouvrière a annoncé 35 000 participants, 22 200 selon la préfecture. Les premiers heurts ont éclaté entre jeunes masqués et encapuchonnés, qui s'étaient postés en amont de la tête du cortège, et l'imposant dispositif policier. Des tensions plus ou moins fortes étaient également constatées à Toulouse, Lille, Bordeaux ou Dijon.

Joëlle, jeune retraitée, s'est joint au cortège qui défile cet après-midi à Paris. Militante habituée aux manifestations, elle est très surprise de l'ampleur de cette mobilisation, raconte-t-elle au micro d'Amélie Beaucour, journaliste au service France. « Les gens sont énervés et donc ça veut dire que ça peut être une escalade de la violence. Donc c'est dommage, mais on en est arrivé là », témoigne Joël. Des actions violentes qui sortent du cadre formel de la mobilisation syndicale, c'est ce qui risque de se multiplier dans les jours qui viennent. Déjà ce jeudi 23 mars, à différents endroits du cortège parisiens, des poubelles ont été brûlées et les forces de l'ordre sont intervenues à plusieurs reprises. 

Peu avant le départ du cortège parisien, le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger a noté un « regain de mobilisation » et appelé « à la non-violence », ajoutant que « jusqu'au bout, il va falloir garder l'opinion » qui est une « pépite ». À ses côtés, son homologue de la CGT Philippe Martinez a estimé qu'Emmanuel Macron avait « jeté un bidon d'essence sur le feu » avec son interview, rappelant que les syndicats avaient écrit au chef de l'État pour l'alerter sur la « situation explosive » du pays.

Le leader communiste Fabien Roussel a appelé jeudi, lors de la manifestation parisienne contre la réforme des retraites, à « tout faire pour bloquer l'outil de travail » et « mettre le pays à l'arrêt ». Depuis Marseille, Jean-Luc Mélenchon appelle les manifestants à « ne se laisser intimider d'aucune façon », dénonçant un Emmanuel Macron jouant « la stratégie de la paralysie, de la provocation et du chaos ».

Les grèves ont entrainé de nombreuses perturbations, notamment dans les transports. À la SNCF, seule la moitié des TGV Inoui et Ouigo et le tiers des TER circulaient, tandis que la RATP faisait état d'un trafic « très perturbé » dans le métro parisien, avec une trentaine de stations « fermées au public ». Les voies de la gare de Lyon à Paris ont également été envahies par plusieurs centaines de manifestants, interrompant la circulation des trains.

Des blocages dans tout le pays

À Quimper, des manifestants ont bloqué les accès à la gare et occupé les voies dès l'aube. Des dépôts de bus ont aussi été bloqués par des manifestants à Rennes, Saint-Brieuc et Evreux. Quelques dizaines de personnes ont également fait irruption à l'aéroport de Roissy, bloquant durant une heure les accès au terminal 1 avant d'en être délogés dans le calme. Le risque vient aussi de l'approvisionnement en kérosène, qui « devient critique » pour l'Ile-de-France et ses grands aéroports, en raison des grèves dans les raffineries, a fait savoir le ministère de la Transition énergétique.

Dans l'Éducation nationale où un regain de mobilisation était attendu, le ministère a comptabilisé 23,22% de grévistes dans le primaire et 19,61% dans le secondaire. Premier syndicat dans les écoles, le Snuipp-FSU prévoyait entre 40 et 50% de grévistes chez les professeurs du primaire et son homologue du second degré, le Snes-FSU, 50% dans les collèges et lycées.

L'agitation gagne aussi une partie de la jeunesse. Des dizaines de lycées et d'universités étaient ainsi bloqués en France. Même la peu révolutionnaire faculté de droit d'Assas, à Paris.

RFI

 

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