Publié le 23 Sep 2016 - 00:08
THIERNO SEYDOU BA, PRESIDENT FSB

‘’Notre bataille : amener le ring à Thiès, Louga, Fatick, Kaolack…’’

 

Elu président de la Fédération sénégalaise de boxe (FSB) nouvellement mise en place, le 6 août dernier, pour un mandat de quatre ans, le Colonel Thierno Seydou Ba est optimiste pour l’avenir de la discipline au Sénégal, malgré la situation laborieuse en ce moment. Dans cet entretien avec EnQuête, il fait l’état des lieux et dévoile son plan d’action. 

 

Quelle est la situation actuelle de la boxe sénégalaise ?

Depuis quelque temps, la boxe sénégalaise ne reluit pas. Elle est plutôt mal lotie dans le concert des nations de la boxe. Aux derniers Jeux africains au Congo, ils (les boxeurs sénégalais) sont rentrés sans aucune victoire. Donc, il ne faut même pas parler de médaille. Justement, nous voulons changer cela. Ça ne sera pas évident, parce que ce n’est pas seulement le travail du président, qui est plutôt administratif, mais celui du directeur technique, des entraîneurs et, surtout, du travail très dur des boxeurs. C’est eux d’abord qui doivent s’entraîner avec beaucoup de courage et d’abnégation pour être très en forme lors des compétitions. Ce que nous pouvons faire, à notre niveau, c’est d’organiser le plus grand nombre possible de galas aussi bien à Dakar que dans les régions.

Notre bataille, c’est d’amener le ring à Thiès, à Louga, à Fatick, à Kaolack, à Tamba pour que tous les boxeurs, les entraîneurs, les arbitres arrivent à travailler correctement. Notre camarade Saliou Konaté, président de la Ligue de boxe de Louga, a un complexe sportif là-bas dont une partie est réservée à la boxe. Il veut organiser une fête au mois de décembre afin que des compétitions y soient organisées. On travaille là-dessus. Nous comptons organiser beaucoup de galas, au moins deux par semaine et dans toutes les régions du Sénégal, du moins dans celles où il y a des Ligues en ce moment. Il nous faut remotiver Ziguinchor, Bignona, de même que Diourbel, pour que les choses reprennent là-bas, parce qu’on ne les entend plus.

Vous comptez combien de boxeurs licenciés à la FSB ?

Là, je ne peux pas donner des chiffres parce que les statistiques seraient faussées. Des gens vous disent que dans leur club, ils ont une soixantaine de boxeurs, mais dans la réalité, vous vous apercevez qu’il n’y a qu’un seul qui monte sur le ring pendant deux années. Il y a des clubs où aucun boxeur n’est monté sur le ring pendant deux ou trois ans. Il faudrait restructurer les clubs, savoir combien il y a de boxeurs licenciés, d’entraîneurs et d’arbitres. On pourra avoir des statistiques fiables.

Vous avez été élu président de la Fédération sénégalaise de Boxe (FSB) pour quatre ans. Quels sont les objectifs que vous vous êtes fixés durant votre mandat ?

J’ai été élu le 6 août dernier par 21 voies contre 6. J’ai donc été largement élu. Pour les objectifs, c’est d’abord relancer la boxe afin de la promouvoir. Il est temps maintenant de rendre la boxe très visible. Pour ce faire, il faut d’abord restructurer les clubs, renouveler les ligues, les doter de moyens informatiques, surtout que la communication est vraiment défaillante. Pour échanger, c’est seulement par appel téléphonique ou par SMS. Par contre, en envoyant des courriers électroniques, par exemple des documents, il y a beaucoup de clubs qui ne les reçoivent pas. Il faudrait quand même informatiser un tout petit peu le secteur.

On devrait aussi s’appesantir sur la formation. Parce que, depuis des années, les arbitres sont restés à l’état actuel, les entraîneurs également. Les boxeurs n’ont que très peu de temps d’entraînement. Il faut remédier à tout cela en faisant de telle sorte qu’il y ait au moins un stage par an pour les entraîneurs et pour les arbitres et des camps d’entraînement pour les boxeurs.  

Êtes-vous optimiste pour la relance de la boxe sénégalaise ? 

Je suis très optimiste. Je donne l’exemple de mon club Ville de Dakar. Au début, il n’y avait rien. La salle, il ne fallait pas voir ça. Cela pouvait même décourager les boxeurs les plus férus. Mais on a eu de la chance, car lorsque nous organisions notre gala, en décembre 2013, nous avions parmi le public un ancien boxeur, Lamine Cissé, qui réside en Suisse. C’est cet homme-là qui nous a vraiment aidés avec ses amis, et leurs partenaires suisses et européens. Actuellement, si vous allez à la salle de boxe du stade Iba Mar Diop, elle est vraiment fonctionnelle et nous n’avons rien à envier à certaines salles d’Europe.

Les moyens, il ne faut pas toujours les attendre de l’Etat et des collectivités locales. Sinon, vous n’avancez pas. Il faut être entreprenant, aller chercher des sponsors, des partenaires. Et c’est possible. Donc, si nous arrivons à capter l’attention de certaines personnes ressources ici au Sénégal, par exemple Mimran nous avait aidés en fournissant du matériel à hauteur de 20 millions francs CFA dont un ring, d’autres bonnes volontés pourraient faire la même chose pour la boxe. Si les gens veulent aider le Sénégal à rehausser le niveau de sa boxe, il est temps de faire des efforts dans ce sens.

Mise à part la salle de boxe du stade Iba Mar Diop, comment comptez-vous régler le problème d’infrastructure qui, à l’instar des autres disciplines sportives sénégalaises, gangrène la boxe ?  

Les infrastructures coûtent cher. Il faudrait que les collectivités locales aident assez substantiellement les clubs. Dans les régions, il y a 2 ou 3 clubs : à Tamba il y en a 2 ainsi qu’à Saint-Louis, 1 à Louga et 4 à Thiès. Certains clubs ont des salles d’entraînement, d’autres non. On doit donc se déplacer pour voir ce qu’il y a lieu de faire, connaître leurs besoins et les satisfaire autant que faire se peut. Cela demandera beaucoup de bonne volonté, d’abnégation parce qu’il faudra aller constamment à la rencontre des personnes ressources, des autorités étatiques qui pourraient aider au plan matériel ou financier.

Le Sénégal compte de nombreux boxeurs à l’étranger. Est-ce que vous comptez les approcher ?

Je me suis entretenu au téléphone avec Souleymane Cissokho qui a remporté une médaille de bronze aux JO de Rio. Il est disposé à aider la boxe sénégalaise. Il sera là au début du mois d’octobre. Il a promis de discuter avec moi pour voir dans quelle mesure cet appui pourrait se faire. Je suis en contact avec Dallas Diabaté, un ancien boxeur vivant en Suède où il a beaucoup apporté. On a beaucoup discuté et il m’a montré de hautes distinctions qui lui sont décernées par son pays d’adoption, la Suède. C’est un passionné de la boxe et un amoureux du Sénégal.

Il a même déjà donné du matériel à certains lutteurs sénégalais. Et il compte vraiment aider la Fédération sénégalaise de boxe. Il y a aussi des gens qui se manifestent. C’est le cas de Dramé, un ancien boxeur qui habite à la Rue 11x4. Il vit aux États-Unis. Il promet lui aussi de faire quelque chose. C’est des promesses, bien sûr. Mais je suis de nature optimiste et je crois qu’avec une bonne communication, nous arriverons à tirer profit de ces relations. Le plus important, ce sont les relations humaines. Le Président de la Guinée m’a appelé pour me féliciter. De même que celui du Niger. Je crois qu’on va tisser des relations et essayer de relancer la boxe au niveau de la Zone 2. Il n’y a aucune activité dans ce district.

Vous avez dernièrement reçu une délégation de la Gambie. Quel était l’objectif de ce déplacement ?

Ils sont venus ici le 29 août dernier. Nous les avons reçus au centre d’accueil de l’INSEPS, au stade Iba Mar Diop. Le lendemain, nous nous sommes réunis, le bureau de la fédération avec une délégation gambienne de 6 personnes, conduite par le président de la fédération gambienne, Sambou Konté et leur Directeur technique national (DTN), Muhammad Diouf.  Nous avons discuté de l’amitié sénégalo-gambienne, des relations qu’il pourrait y avoir entre les deux fédérations et ce que chacune pourrait apporter à l’autre. Ils nous ont surtout demandé de les aider dans la formation. Dans ce sens, le DTN sénégalais, Joe Diouf, les a informés qu’il est prévu trois séminaires de formation  dans son programme, au mois de janvier, mai et juillet. Nous sommes d’accord pour que le premier séminaire, en janvier, se tienne au Sénégal, celui de mai en Gambie. Il faudrait formaliser tout cela dans une convention ou quelque chose de ce genre. Afin que le ministère des Sports, celui des Affaires étrangères, soient au courant et que ce que nous ferons dans le futur soit cautionné par nos autorités respectives.

Au-delà de la sous-région, comptez-vous nouer des relations avec d’autres fédérations, comme celles d’Europe ?

Moi, mon option a toujours été d’aller voir où la boxe est plus développée. Il y a des pays qui, de nature, ont une culture de la boxe. C’est l’exemple de Cuba, de l’Ukraine et même du Rajastan. Ce sont des pays auxquels parfois on ne pense pas. Le plus souvent, on regarde du côté des Etats-Unis, de la France. Il faut aller chercher un petit peu partout. S’il y a des pays qui sont représentés au Sénégal, ça sera plus facile pour nous. Car nous comptons demander l’appui des missions diplomatiques présentes au Sénégal.

Il y avait un projet de championnat professionnel qui avait été agité, il y a quelques années de cela, avec l’Allemand Thomas Hackenberg. Où est-ce qu’il en est et comptez-vous le reconduire ?

Il y a eu un point d’achoppement. Notre ami Thomas Hackenberg voulait créer une fédération sénégalaise de boxe professionnelle. Mais la fédération, en place en ce moment, lui avait rétorqué qu’il ne pouvait y avoir 2 entités fédérales en même temps dans la même discipline dans un même pays. Ils avaient quand même convenu de créer une commission de boxe professionnelle. Jusqu’ici, je ne sais pas où il en est. Mais pour nous, il y a l’article 7 des statuts, en son dernier alinéa, qui prévoit une section de boxe professionnelle au sein de la fédération.

Donc les promoteurs qui veulent organiser des combats de boxe professionnelle doivent acheter la licence. Ils pourront le faire sous l’égide de la Fédération sénégalaise de boxe. Nous avons aussi notre petite idée à propos de cette boxe professionnelle. Il y a beaucoup de lutteurs qui sont costauds et qui peuvent nous valoir des satisfactions chez les poids moyens, mi-lourds, lourds et super lourds. Il nous faut approcher les écuries de lutte pour avoir beaucoup de jeunes boxeurs. Parce que dans chaque écurie, il y a, tenez-vous bien, un entraîneur de boxe. Ces gens (lutteurs) pourraient venir se perfectionner chez nous et aider la boxe à aller de l’avant. Dernièrement, j’ai parlé à Ngagne Ndiaye. On avait convenu de nous voir et qu’il nous aiderait à rencontrer le président du CNG de lutte, Alioune Sarr. Sans l’aval de ce dernier, on ne peut rien faire avec les lutteurs.

Qu’avez-vous prévu pour la boxe féminine ?

La boxe féminine n’est vraiment pas développée au Sénégal. Mais nous avons senti qu’il pouvait y avoir des boxeuses en grand nombre dans les clubs. Des jeunes femmes comme Awa Mballo, Ramatoulaye Diallo, si elles sont bien encadrées, peuvent rivaliser avec des boxeuses de pays plus développés que nous en matière de boxe. Elles ont le talent et elles en veulent. Il suffit tout simplement de les suivre. Il y a une dame, Fatimata Thiam, qui était la responsable de la boxe féminine. Je ne la vois plus depuis un certain temps. Je lui lance un appel pour qu’elle revienne prendre les choses en main afin qu’ensemble nous puissions changer les choses. 

LOUIS GEORGES DIATTA

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